Voici la suite de mes aventures depuis notre retour en France. Si vous n’avez pas eu l’énorme privilège de lire la 1ère partie, c’est par ici (et oui oui, tu ne trompes pas, j’ai un humour de merde – enfin décalé dirons-nous!)
Alors je vous épargne la chronologie palpitante des bagages, bus (on ne se refait pas), aéroport, check in, contrôle de sécurité, attente…
Le vrai retour il commence quand on arrive sur le sol Français. Ça paraît con, mais tout le monde parle français!! ça fait bizarre ! Et alors, récupérer ses bagages, c’est juste un challenge ! Je trouve les Français mal élevés et égoïstes! Honnêtement, ça se bouscule devant le tapis électrique, on se met à 5 pour récupérer 2 valises. Il y a un certain sans gêne chaotique qui est inversement proportionnel à l’exotisme de la destination. (ça c’était ma phrase intello, il en faut 1 par article!) Je me raisonne pour ne par me laisser envahir par des sentiments trop négatifs.
Nous prenons le RER B. Là, c’est le rêve: plein été, pas de clim et je ne sais pas combien (mais vachement) de monde dans chaque rame… 😉 Et notre trajet sur la ligne ne fait que commencer, ça promet.
Nous avons rapidement un coup de chaud. Perso, j’ai même la tête qui tourne et j’étouffe vraiment. Mes petits bouts tiennent mais après l’hiver Australien, faut reconnaître que le décalage est plutôt violent! A côté de moi, une racaille (j’adore valoriser les stéréotypes !!)… il se dandine pour fouiller dans son sac. Certains diraient : « c’est toujours mieux que de fouiller dans le tien ». Moi, j’aime bien me dire que les préjugés, ils sont souvent faux. Je le regarde avec le sourire. Nous sommes tous dans la même galère de toute façon.
Et devinez quoi ? Il sort de son sac un mouchoir pour essuyer le front de Ruben !! <3 Perso je fonds !!
Par la suite, nous arrivons à nous poser dans un carré du RER (enfin, moi et les enfants ; Fred surveille nos sacs). Il fait toujours super chaud. Une petite black prend une des places qui vient de se libérer et sort spontanément son brumisateur pour le proposer aux enfants, à moi et aussi au vieux monsieur assis sur le carré.
J’ai tellement les émotions à vif que je me sens totale reboostée de joie par ces 2 moments de vie !
Nous enchainons par quelques joies dans le métro parisien. Et là, c’est un coup de coeur, inversé! Je suis désolée, mais quelque soit l’heure (de pointe ou non), ce métro reste ma pire expérience. Les gens courent, te bousculent, ne se regardent pas. Et je vous jure qu’ailleurs: c’est pas si pire ! Ce métro parisien, je me dis que quand t’es touriste, tu dois juste être traumatisé (et quand on pense que Paris est (ou était?) la 1ère destination touristique au monde, laissez-moi pleurer).
Bref, on survit au métro et on enchaine avec le train (on ne se refuse aucun plaisir, surtout après des dizaines d’heures d’avion !) 😉
Le retour des rois!
Dans le train, on est complètement hors service! Mais quand on arrive à la gare d’Angers…. nous sommes accueillis comme des rois!!! Les parents de Fred tiennent une énorme banderole et sa maman a réalisé des colliers tricolores! Franchement, difficile de ne pas fondre! ça réchauffe le coeur, on est aux anges, encore des émotions qui nous bouleversent! J’avoue que c’est assez dur de décrire de pareil moment, perso j’ai la sensation qu’entre la fatigue, cette sensation de retour chez soi, et cet accueil, je suis un peu dans les vapes, donc j’ai un souvenir cotonneux de nos retrouvailles…
Mais ça ne dure pas!
Puis arrivés chez eux, il y’a le décalage horaire. Et comme on vient un peu de l’autre bout du monde, ça frappe fort! Mais au delà de ça, on prend vite la mesure de notre retour.
On retrouve les nôtres, youpie! Sauf que, sauf que… Ce n’est pas forcément dans les conditions les plus idéales. Je m’explique: nous atterrissons le 18 juillet et je dois retravailler dans le sud, le 1er Aout! Le timing est juste super serré! Qui plus est, nous avons stocké nos dernières affaires chez nos parents. Donc nous devons rassembler, retrier …. Pas le top pour profiter de la famille!
Tu (dé)fais des cartons tout en prenant des nouvelles, racontant des anecdotes du voyage, et tu te sens fatigué dès 17heures! J’ai eu la sensation que nous étions attendu bien sur, mais que nous n’avons pas pu profiter de nos familles « correctement ». C’est assez frustrant d’avoir créer ses attentes (bien compréhensibles) et de ne pas pouvoir les combler comme on l’aurait pourtant souhaité. Surtout que moi, je suis encore un peu en Australie, un peu déjà dans le Sud de la France… bref en terme de qualité de présence, on repassera! 😉
J’avoue que ça fait peut-être bête d’insister sur ce point mais perso ça m’a pas mal déstabilisé. On avait une grosse envie pour notre retour de commencer une nouvelle vie (très originale comme concept, je le reconnais!) et notamment, on voulait donner plus de place aux gens qui comptent, plus de temps en qualité, plus d’amour aussi. Alors on sait que la vie est longue et ne s’arrête pas aux 10 jours qui ont suivi notre retour mais voilà, je n’aime pas repousser, j’aurais aimé avoir pu trouver du temps pour cela.
Mon séjour dans le Sud
Cette fois-ci, pas de banderoles mais les amis, les amis et encore les amis! J’avoue que de quitter mes hommes si vite me faisait un peu peur et pour être sûre de ne pas avoir du temps à ruminer, je me suis concoctée un programme de dingue pour tout le mois d’août. Je vous raconte mon programme!
Déjà retour au travail, j’ai envie de dire! C’est pas rien ça! Après 1 an et demi de paresse, c’est dur!! 😉
Non j’arrête la blague car au fond de moi je pense que ce voyage nous a appris beaucoup de choses que l’on pourrait retranscrire dans le domaine du travail: gestion d’un budget, management des crises, adaptation aux priorités, travail en équipe….
Et accessoirement des notions plus futiles comme ouverture au monde, expérience en milieux multiculturels et apprentissage de la richesse par la diversité… Presque rien, on est bien d’accord!
Mais sérieusement, pour moi, ce qui a été le plus dure à gérer au boulot: c’est de rester assise! Heureusement, j’ai eu mille occasion de me bouger, traverser le bureau, aller voir d’autres collègues et c’était tant mieux!! Une journée entière devant un ordi me parait pour l’instant un challenge surhumain!
Côté boulot, j’ai fini le mois en m’envolant pour Rome (j’ai toujours trouvé que dire « je m’envole pour …. » ça donnait un côté joyeux, léger!!). Concrètement, j’ai alors travaillé comme une dingue, vécu quasi H24 avec mes collègues, bu pas mal d’alcool, briefé des hôtesses italiennes, je n’ai même pas mangé de pizza (je pense que c’est l’info majeure à retenir), j’ai trouvé que les italiens conduisaient souvent mal, je n’ai rien vu de Rome car j’étais au Palais des Congrès (H24 – le dodo à l’hôtel), j’ai vécu un tremblement de terre que je n’ai pas senti du tout (ça compte ou pas??) et accessoirement (car j’aime bien faire des effets…) j’ai vu le Pape! J’ai surtout réalisé à quel point j’aime mon métier, à quel point j’aime courir de partout à 200 à l’h, j’aime avoir des collègues, parler de tout et de rien, vivre l’adrénaline de ce congrès si spéciale (re « accessoirement » donc re « effet de style »: c’est le 3ème plus gros congrès médical au monde – je sais, ça calme; ça me calme direct moi aussi !)
Quasiment tous les soirs, une sortie! (oui car le boulot ce n’était pas suffisant dans mon planning!) J’avais la sensation de devenir célibataire, sans enfant, sans mari, sans attache! J’ai pu boire des coups jusqu’à pas d’heures (on est d’accord, jusqu’à 2-3h du mat, c’est « jusqu’à pas d’heures », après, c’est vraiment trop tard!!!), fumer, discuter des fluctuations du CAC40 (ok, des potins de star, des ragots de couloir, le vital quoi!), refaire le monde (cf thème précédent).
ça a été super intense. Et en vérité, j’ai bien failli me mettre au guronsan pour tenir le rythme (ça, c’est pour rester soft!). Je me demande à quand ça remonte dans ma vie de dépravée mère et épouse aimante un tel rythme de sorties…. avec un petit job léger qui te prend de 9h – 19h (au bas mot).
J’ai surtout été ravie de revoir plein de monde, de retrouver mes ami(e)s et de voir que même si on avait tous changé, entre nous rien n’avait changé! Le bonheur quoi!
Donc même si mon budget fond de teint et anti-cerne en a pris un sérieux coup, j’ai profité à fond et je ne regrette rien.
Dans le cadre des trucs futiles, je n’ai aucune photos de moi en soirée, je surveille mon image de marque quand-même!! Mais j’ai des photos de mes 2 mascottes (les peluches moutons des garçons): à la piscine, dans mon lit.
J’ai aussi profité de mon temps libre pour faire une petite rando de 9heures avec le meilleur pote de Fred (et là, normalement tu as saisit l’ironie dans « petite » rando). Dans les faits, je pense qu’il a voulu me tuer, dans la réalité, c’est ma faute: je lui avait demandé de m’emmener au point le plus haut des Alpes Maritimes (entre nous, ça ne devait pas culminer à plus de 1 000m par ici, on est à côté de la mer, pas vrai??) Et bien, pas de bol pour moi, ça monte à plus de 3 000m! Et re pas de bol pour moi, Sylvain est un croisement avec un cabris, un bouquetin ou un mouflon enfin un truc du genre quoi! Le mec, que ça soit à plat ou en montée, il monte avec la même allure. A savoir que pour avoir son rythme: je cours! 😉
Bref, je n’ai pas pleuré (même si j’en ai eu envie), je suis restée digne et j’ai dégusté pendant une semaine!!
J’ai aussi quand même revu mes hommes, au bout de 2 semaines. Esteban me réclamait! (je le comprends, je me manquerais moi aussi, si je n’avais pas cette chance de me voir tous les jours!). On s’est retrouvé dans les Alpes de Hautes Provence, on a dormi dans la tente, à la rache, j’ai adoré (re schyzophrène) et on en a profité pour aller voir la tombe de mon Papa car même je sais qu’il n’y est pas vraiment, c’était un peu un passage obligé, une évidence…. Je me suis même surprise à m’asseoir et à « parler » à mon père, un peu comme dans les films américains. Mais perso, ça m’a fait du bien alors bon!
Après, côté coulisse et états d’ames, je dois confesser 2-3 trucs:
Mes hommes ne m’ont pas manquée. Je pense que ma technique de courir en permanence a bien marché, c’est sûr. Mais je crois surtout qu’au final, j’avais fait le plein en quelques sorte pendant 1 an et demi. Ainsi, me séparer d’eux n’a non pas été une délivrance (faut pas exagérer non plus, même si j’ai eu envie de les tuer plusieurs fois, tous les 3, mais ça compte pas) mais quelque chose que j’ai pu accueillir sereinement. En mode: je profite de l’instant présent. Personne ne m’attendait à la maison pour le repas, pour la douche, pour lire une histoire. J’ai vécu ça comme une liberté incroyable! Et résultat j’en ai profité pleinement. Donc non, je ne culpabilise pas de dire que mes hommes ne m’ont pas manqué! (et puis c’est vrai, je les ai vu au bout de 15 jours donc ça va!!)
Certains (ok, certainEs) m’ont dit qu’après mes 3 tee shirt quechua en 1 an et demi, j’allais enfin pouvoir me lâcher niveau shopping. Et en fait, je dois avouer que ça n’a pas été du tout le cas. Pour l’instant, le shopping et moi, on n’est plus copains (n’appeler pas tout de suite un médecin, il semblerait qu’on y survive bien!).
J’ai retrouvé mes anciens fringues, et vous savez-quoi? Ils étaient bien suffisants! C’était Noël avant Noël! J’ai ouvert mon gros sac compactor comme on ouvre un paquet de bonbons. J’ai trouvé que j’en avais bien assez des vêtements. Alors j’en ai même redonné (car oui, j’avais déjà fait un bon tri avant de partir en voyage).
Je me suis même sentie gênée par toute cette profusion. Comment avais-je pu accumuler autant? C’était quoi mon problème pour avoir acheté tout ça sans réel besoin? J’étais une acheteuse compulsive? En fait, j’avais visiblement une armoire tout à fait lambda. Juste changement de perspectives. En revanche, j’ai juste adoré m’habiller « chic » pendant tout ce mois! Je me sentais un peu schyzo de faire un tel grand écart, mais faut s’assumer pas vrai!
J’ai même tenté d’aller dans un centre commercial tout beau tout neuf, avec galerie à ciel ouvert (ça c’était la partie pour me vendre du rêve). J’ai eu la nausée. Je ne me suis pas du tout sentie à ma place. J’ai trouvé ça futile. Et surtout, dans ma tête je buggais sur la quantité, l’étalage de toute cette consommation, toute cette profusion de biens matériels futiles (a-t-on réellement BESOIN d’un énième haut???). Cela me ramenait invariablement à tous ces gens plus démunis que j’avais pu rencontrer. Je me suis sentie profondément en décalage. Avec ce que j’étais avant. Avec ma « société ». Avec ce qui devait être mon « chez moi ».
J’avais donc perdu mes repères. Perso, après 1 an et demi sur les routes du monde, même si j’avais bien envie de continuer l’aventure pour les 50 prochaines années, l’idée de rentrer me convenait car on allait avoir un chez nous. On allait rentrer chez nous: en France. Et bien en fait, je ne me suis pas sentie pas chez moi en France. Dans mon propre pays. ça fout légèrement les boules, excusez moi de l’dire!
Je ne sais pas si je dois l’écrire mais le décalage est parfois pesant et ce pour de multiples raisons. La 1ère est sûrement la plus violente: je ne suis plus en phase avec la France. J’ai vécu de mon côté dans l’allégresse d’un beau voyage à travers le monde, j’ai découvert mille et une richesses qui se passent effrontément d’argent pour les quantifier. J’ai ressenti dans mon être que l’argent ne faisait pas le bonheur, que l’amour et la compassion était de mise pour un monde meilleur et que oui, le monde est beau, l’être humain est beau, la nature est sublime. Tandis que la France, victime d’attentats sombrait dans un état d’esprit pour lequel j’ai du mal à trouver les mots pour le décrire. La terreur, l’effroi, la peur de l’autre, la peur tout court? Je comprends mais je dois reconnaitre que j’ai vécu ces événements à distance et je réalise à quel point nous avons été épargné. Notre joie de vivre n’est sûrement pas intacte, mais elle est encore là.
Et si je suis totalement honnête avec vous, j’ajouterais aussi que je suis dans un autre type de décalage et que ce ne sont pas les attentats la cause unique. Je suis en décalage avec notre société de consommation à outrance. Nous nous plaignons alors que nous faisons partie des 20% qui détenons les 80% des richesses du monde. Alors je sais bien qu’à l’échelle de chacun, nous ne nous sentons pas aussi riche. C’est sûr. Mais quid des ces 80% restant de l’humanité??? Et je dois avouer que quand autour de moi, les gens se plaignent de leur congés payés trop peu nombreux, de la crise qui nous frappe, de la recherche vaine de destination pour les prochaines vacances, de leur feuille d’impôt, de la crème anti ride qui ne fonctionne pas ou des résultat du petit dernier, je n’arrive pas à comprendre pleinement.
Je me sens décalée. Jai envie de crier que bien des gens sur terre aimeraient ce genre de problème et que cela nous déplaise ou non, cela reste quand même des problèmes de riche à l’échelle de l’Humanité.
Et vous savez-quoi? J’en souffre. Oui, j’en souffre pas mal de ressentir ce décalage. J’aimerais parfois pouvoir m’anesthésier et redevenir la Alice d’avant qui pouvait consommer sans culpabiliser. D’un point de vue « intégration dans ma propre société », ça serait plus simple, je vous promet! Car ne pas se sentir à sa place, c’est pesant. Se demander en soi-même si ce sont les autres qui ont changé, en douce, en notre absence, ou seulement nous qui devons porter le fardeau de ce changement? Et puis on réalise que nous avons TOUS changé, tracé des lignes différentes, pris nos propres direction. C’est ce qu’on appelle la vie.
Mais le pire dans tout ça, c’est qu’une phrase tourne en boucle dans ma tête dans ce genre de cas. Une phrase entêtante. Qui suis-je pour juger? Qui suis-je pour juger ce qui est plus grave à l’échelle de chacun? Qui suis-je pour asséner ce genre de phrases chocs et moralisatrices? Pour info, depuis mon retour, je n’ai que brièvement échanger à ce sujet, je ne me suis jamais permise de crier sur quelqu’un que le petit Africain du fin fond de sa cambrousse aimerait bien savoir comment payer ses impôts plutôt que de marcher 3heures pour aller chercher de l’eau.
Je ne suis pas dans le conflit et je crois encore moins détenir une quelconque vérité qui aurait une plus grande dimension que mes propres convictions. Mais quand même.
J’ai la sensation que ce décalage peut me donner des faux airs de « fille qui se la pète et se croit au dessus des autres parce qu’elle a voyagé et parler à 3 pauvres dans la rue ». Parce que moi je n’ai pas l’impression de juger quiconque mais peut-être que je me trompe. Peut-être que je juge, sans le vouloir? Peut-être que je trouve que nous sommes nombreux à faire fausse route, à se noyer dans des problèmes au lieu de voir le vrai, l’important? Oui au fond, peut-être que je juge, car je crois avoir trouvé/compris ce qui était important . Et surtout, peut-être que j’ai ce ressenti que ça devrait être important pour nous tous….
Alors oui je juge, et c’est moche. Et je n’aime pas ça. Oui j’ai l’impression que certaines personnes passent à côté de leur vie pour de faux prétextes. Oui je pense que certains ne réalisent pas leur rêve pour de fausses excuses. Et oui je pense que notre société est gangrenée de l’intérieur et que nous valons tous mieux que ça. Mais qui suis-je pour dire ça? Qui suis-je pour juger les raisons profondes pour lesquels certains ne vivent pas à fond quand moi je voudrais vivre 100 vies?
Voilà, je crois que je vais m’arrêter là car les larmes coulent et que je n’arrive plus à écrire. Moi je crois en l’Homme, je crois en chacun de nous. Je crois en la beauté et je suis persuadée qu’elle est en chacun de nous. Mais est ce que vous, vous croyez en vous? Est ce que vous croyez dans l’autre?