Socks science


Je recommence doucement à me plonger dans les news, après presque trois semaines de sevrage bénéfique (j’y reviendrai). Je reste prudente, je ne vais pas directement attaquer avec la foire d’empoigne pitoyable les débats pour l’élection d’un nouveau leader au labour ou l’amateurisme édifiant les hésitations du nouveau gouvernement sur des sujets aussi divers que variés que tout et son contraire. Il y a du lourd, surtout que la presse continue à raconter allégrement n’importe quoi, notamment en matière économique avec une incompétence enthousiaste qui force le respect. Mais je reste sereine. Je ne m’énerve pas. Non, j’y vais comme je rentre dans une piscine glacée, orteil par orteil. Donc là, j’ai lu un article fascinant sur la BBC (ici-j’ai aussi piqué leur photo) sur la science du triage de chaussettes. Ça fait plaisir de voir à quoi sert la rançon démentielle qu’on vient de verser pour se débarrasser de L’Ado payer les frais universitaires de L’Ado. C’est quand même grâce aux tuitions fees à faire passer le budget de la banque mondiale pour de la menue monnaie que les scientifiques britanniques peuvent conduire des recherches poussées dans des sujets essentiels comme le tri des chaussettes. C’est vital. Bon, je rigole, mais effectivement, j’ai un problème de chaussettes à chaque lavage, ça m’intéresse. 

Socks science
Je passe mon temps à courir après les chaussettes à chaque lessive. J’en retrouve systématiquement un nombre impair. J’ai essayé de ruser et de mettre volontairement 21 chaussettes dans la machine, en me disant que j’avais une chance d’en avoir 20 à l’arrivée. Ce fut un échec, non seulement je n’en ai récupéré que 19 mais trois dépareillées. C’est contrariant. Marichéri, L’Ado et GeekAdo ont des tombereaux de chaussettes noires, qu’on achète par paquet de 50 (la quantité, pas la pointure, ça serait trop petit, ce sont plus des chaussettes, mais des écharpes!), et pourtant, ils n’en trouvent jamais le matin. On rajoute les chaussettes multicolores de WizzBoy, les chaussettes blanches d’uniforme des filles et c’est carrément l’équivalent de la population moutonnière de l’Irlande en chaussettes que je dois trier toutes les semaines, c’est moyennement comique. Mais heureusement, le professeur Brian Christian, le gourou de la chaussette rangée vole à mon secours. C’est un mathématicien. Qui visiblement s’ennuie ou regrette son choix de carrière…ou alors c’est pour un pari? Ou il a été attaqué dans sa petite enfance par une chaussette carnivore et atteinte de la rage?  Il partage sa vie avec un millepatte qui a les pieds froids?… Enfin bref, ce brave chaussettologue (chaussetticien, chaussetiste?) nous apprend qu’il faut 4 fois plus de temps pour récupérer dans son linge 2 paires de chaussettes qu’une, et 10000 fois plus de temps pour 100 paires et oui, ça laisse rêveur. Ou pas. 

Il a donc pondu un bouquin qui ne peut que devenir un best-seller tellement c’est captivant qui explique entre autres qu’on est tous des imbéciles incapables à trier nos chaussettes n’importe comment comme une bande de petits néandertaliens décérébrés et aux orteils gelés. Alors qu’il suffit tout simplement d’appliquer au triage de chaussettes un bon petit algorithme mathématique. C’est évident, je ne vois même pas pourquoi on discute. Ce n’est pas parce que d’habitude, l’algorithme en question sert plutôt en informatique qu’on ne peut pas l’utiliser pour ses chaussettes. Un peu de sérieux scientifique dans ses sous-vêtements, ça ne peut pas faire de mal. On sent bien que le professeur Christian est un vrai petit comique qui doit avoir une vie sociale débridée. Cela dit, il n’a pas tort, puisque sa méthode révolutionnaire pour diminuer le temps de tri des chaussettes est basée sur la théorie des ensembles, comme j’ai eu la joie de l’apprendre au CP (je fais partie de la génération de cobayes sacrifiés petits veinards sur qui on a testé l’enseignement des maths modernes). Mais il se fiche un peu du monde, ce cher prof. En tout cas, il devrait faire une lessive et ranger son linge tout seul après, juste une fois au lieu de vouloir donner des leçons. Il croit qu’on l’a attendu, pour trier les chaussettes d’abord par couleur et taille avant de reconstituer des paires? Je ne veux pas être méchante, mais tout ce que les théories du petit Brian nous apprennent, c’est qu’il vit encore chez sa maman! 

En plus, la BBC ne rigole pas quand ses journalistes traitent un sujet sensible comme ça, c’est à fond. Ils n’hésitent pas à soulever les vrais problèmes: même si on n’a que des chaussettes noires pour éviter de perdre son temps à en retrouver 2 pareilles, ça ne marche pas: elles ne se délavent pas toutes à la même vitesse. C’est fou, quand je pense que j’ai vécu 44 ans dans l’ignorance…et tout ça ne règle pas le problème des chaussettes impaires. Franchement, la science chaussettarde a encore des progrès à faire.