Ma curiosité m’amène dans des endroits plutôt inusités, il suffit que je regarde un peu trop longtemps une carte et j’ai le goût d’explorer des lieux aux noms loufoques ! Ce fut le cas de cette escapade dans le nord du Maine. Me rendant fréquemment dans la vallée de la rivière Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, j’aime crapahuter dans les petites frontalières du Maine, une région peu explorée, loin de la côte et perdue au fond des bois. En analysant les routes du nord mes yeux restent scotchés sur deux noms : « Stockholm » et « New Sweden » ! Bigre il doit bien y avoir une raison à cette petite concentration scandinave dans cette contrée isolée ! Avec plein d’images en tête, la route devant nous et une destination unique, nous nous sommes embarqués à la rencontre de la colonie suédoise du Maine On vous dit tout !
C’EST PAR OU ?
Pour se rendre dans le comté d’Aroostook dans l’extrême nord du Maine le principal poste frontière est celui qui sépare le village de Clair au Nouveau Brunswick de Fort Kent dans le Maine, la « grande ville » du coin Et après ? Après il faut aller plus profondément dans les terre et emprunter la route 161 à la sortie de Fort Kent, 50 km plus tard apparaissent les colonies suédoises. Bon c’est bien joli mais que sont venus faire des suédois dans ce bout du monde ?! À la fin de la guerre de Sécession, les hommes partirent massivement à la conquête de l’ouest, les états de la côte Est se vidèrent et notamment le Maine déjà peu garni. Malgré leurs efforts, le gouvernement ne réussi jamais vraiment à garnir le nord de l’état de nouveaux occupants, les principaux habitants francophones d’origine acadienne s’étant eux installés le long de la rivière Saint Jean. Les bois restèrent vides. Sous l’impulsion d’un représentant de l’état du Maine amoureux de la Suède, William Widgery Thomas Jr., une commission fut envoyée en Suède pour recruter des colons et établir de nouveaux villages agricoles dans cette parcelle encore vierge de l’état ! C’est ainsi qu’en 1870 arrivèrent les premiers « Suédois du Maine », ils fondèrent « New Sweden », puis « Stockholm » et autres petites localités. Encore aujourd’hui les anciens parlent encore le suédois et de nombreuses fêtes scandinaves sont encore perpétrées de nos jours comme le « Midsommar » ! Il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité Et j’avais en tête de trouver le cimetière (oui ma lubie) pour peut-être y dénicher les tombes des premiers colons encore écrites en suédois, je sais j’ai des drôles d’envies, alors les avons-nous trouvées ces tombes d’après-vous
La campagne nous dévoile ses champs remplis de couleur à perte de vue, la route vallonne et les collines sont tapissées de rose et jaune à perte de vue. La petite route est superbe, se lovant dans le paysage elle nous offre une balade extraordinaire.
STOCKHOLM (!)
Et soudain entre deux arbres et un panneau avertisseur d’Orignal apparut la pancarte indiquant « Stockholm » ! Vision ironique que ce petit hameau nommé d’après la capitale scandinave. Le village fondé en 1870 dépasse aujourd’hui à peine les 250 âmes, les premiers arrivants travaillèrent à la coupe de bois et dans les champs, encore aujourd’hui c’est une communauté agricole.
Le village, minuscule, s’articule autour d’un croisement de rues, les noms rappellent un lointain souvenir scandinave : l’Église Olaf, Anderson Store … le drapeau suédois est accroché au petit musée local, à l’entrée du village des affiches nous vantent la fête du « Midsommar » ou les habitants revêtissent encore le costume traditionnel suédois. Le premier nom de la ville fut « Upsala », en référence à l’un des quartiers de la capitale suédoise. Lors de la grande époque économique de la coupe du bois le train passait par le village, on retrouve proche du paysage bucolique de la rivière un wagon du « Northern Maine Railroad », vestige d’un passé révolu.
Coincé entre collines et rivière, le village est tout petit, ça et là on aperçoit des maisons agricoles sur les hauteurs au bord d’une route. La petite église du village domine de son clocher blanc immaculé, la journée est belle et les vélos sont de sortie, on aime l’ambiance de Stockholm ici on vit au rythme de la campagne.
NEW SWEDEN : LES ORIGINES
Notre route reprend pour une dizaine de minutes le long des paysages du Maine, puis la route nous indique « New Sweden » première colonie suédoise du Maine Ici nous croiseront surtout de grandes maisons et granges isolées au style scandinave, quelques publicités pour des artisans locaux aux noms évocateurs : « Lars Noak Woodworking »
UN CIMETIÈRE REMPLI D’HISTOIRE
Si vous ne saviez pas encore … les cimetières sont ma petite passion inavouée Photogéniques et bourrés d’histoire sur les localités ou ils se trouvent, c’est souvent un bonheur de les visiter ! Et j’avais un but dans ma tête en parcourant le cimetière de New-Sweden : trouver des noms à consonances suédoises oui, mais trouver au moins une tombe totalement gravée en suédois !
Une petite construction en bois blanc trône au milieu du cimetière, à côté d’elle trône un drapeau américain, et tout autour sont parsemées des tombes du siècle dernier. Certains noms nous font traverser l’atlantique direction la Suède : Soderstrom, Anders, Stenstrom … des mentions historiques sont vraiment percutantes : « Natives of Sweden Europe », « Born in Sweden » … super !
Enfin j’obtint mon Graal du jour, au fond du cimetière, proche d’une petite barrière de bois blanche et des champs, une tombe isolée accroche mon regard … et surtout ses inscriptions scandinaves ! Je ne suis pas allé jusqu’à la traduire non plus « Har Hvilar 1832-1904 » le tout en suédois : voilà je suis content ! Un petit morceau d’histoire gravé dans la pierre.
Je suis encore plus attaché à ce morceau du Maine depuis cette escapade sur les traces des suédois Le décor est bucolique au possible, et les villages avec leurs petits détails scandinaves sont vraiment agréables à découvrir. Tout est réuni pour une petite escapade champêtre dans une région inusitée et méconnue !
CONNAISSEZ-VOUS LE NORD DU MAINE ?
CÔTÉ PRATIQUE
- Un livre à emporter : Maine’s Swedish Colony 1870-1970 Centennial Book (Richard Hede, 1970) – Pour tout savoir sur la région
- Un produit à déguster : Des Ployes – La petite crèpe acadienne est aussi dégustée du côté américain de la frontière
- Un restaurant à essayer : Chez « Rock’s » à Fort Kent – Un Dinner local ou l’on peut tester le « 1 foot long Hot-dog »
- Une saison à privilégier : Bien sûr l’été pour apprécier la campagne et les collines remplies de fleurs
- Bon à savoir : Au bout de la route 161 arrêtez vous à « Caribou » et longez la route scénique le long du fleuve Saint-Jean
- Un autre article à lire : « Edmundston : On a testé les Ployes », La grande ville voisine au Nouveau-Brunswick