L'accueil et la sympathie des japonais
S'il y a une chose qui revient dans la plupart des témoignages des touristes revenant du Japon, c'est la gentillesse et la sympathie des japonais.Ils essayent toujours d'aider, de trouver une solution, de chercher à communiquer avec les gens pour comprendre tes questions. Toujours. J'ai rarement vu une patience égale à la leur, que ce soit au supermarché lorsque je cherche un produit, à la poste pour acheter des timbres,...Plus d'une fois j'ai été agréablement surprise de l'attention qu'ils portent aux autres.
C'est aussi le ressenti de la plupart des visiteurs qui arrivent au Japon. Tous sont touchés par la chaleur humaine trouvée dans les relations sociales japonaises.
Au laboratoire, c'est la même chose. J'ai été accueillie comme une reine à l'Institut où je travaille. Cela a été très déconcertant. En France, le stagiaire n'est pas forcément la personne la plus considérée... et je pèse mes mots. Ici, la responsable des relations internationales m'a accompagnée à l'appartement qui m'étais attribué, le professeur a organisé une fête d'accueil pour mon arrivée,... Bref, j'ai été comblée de petites attention dès mon arrivée sur le sol japonais.
Passées les premières semaines, il persiste pourtant un sentiment ... dérangeant, à défaut d'un autre terme. Il est très très difficile de savoir ce qu'il se cache derrière les sourires de circonstances.
La formalité des relations
Petit à petit, je me suis rendue compte que les stagiaires japonais en master n'avaient pas les mêmes attentes et les mêmes attentions que celles dont je bénéficiais. Je me suis aussi rendue compte du peu d'attente que les japonais avaient de notre stage. Pourtant, les sourires et la gentillesse étaient toujours présents. Je ressentais l'impression désagréable d'être là à ne presque rien faire sans déclencher pour autant de réactions négatives de mon encadrement. Même si le temps de travail est géré différemment au Japon (cf précédent article: #Réflexion 1 - les rythmes de travail au Japon), c'est très déconcertant. Quelque soit les évènements liés à mon projet: bourde de ma part (heureusement, il n'y en a pas eu beaucoup ^^), échec de l'expérience, projet qui n'avance pas,... je n'avais pas d'autres réactions qu'un sourire poli et des tournures de phrases neutres et formelles.
J'ai l'habitude, que ce soit dans le cadre scolaire ou même dans le cadre de la recherche en France d'avoir un cadre plutôt souple, surtout en terme de relations sociales. Ici, c'est tout l'inverse: les relations sont neutres, formelles et distantes.
Le seul problème, c'est qu'en tant qu'étudiants internationaux, nous sommes tout le temps subtilement flattés. Jamais nous ne sommes critiqués ouvertement, jamais remis en cause. Nous sommes plus un faire-valoir de l'Institut pour montrer l'ouverture à l'international et le rayonnement qu'il peut avoir que de réels stagiaires. Pourtant, je cherche avant tout à progresser dans ma matière et à apprendre. Au delà de la découverte de nouvelles méthodes et des connaissances brutes, j'ai éprouvé pendant cette période un besoin vital d'avoir un retour honnête sur mon travail. Je ne peux pas avancer et pour être tout à fait transparente, je ne suis pas motivée pour avancer si j'ai l'impression que je n'apporte pas, ne serait-ce qu'un minimum, à l'équipe que j'ai intégrée.
Alors oui, après plusieurs mois de stage, je ne sais toujours pas comment réagir face aux sourires de façades et compliments de circonstances. J'aimerais qu'ils me disent honnêtement que ce que j'ai fais est approximatif ou pourrait être approfondi. J'aimerais être aiguillée dans la bonne direction sur mes présentations ou mes rapports écrits. J'aimerais qu'on me dise, tu devrais savoir ça, ou tu devrais lire ça. Parce que, j'ai la certitude d'avoir d'énormes lacunes dans la matière où j'effectue mon stage. Je découvre la biochimie depuis cette année, et je viens de la chimie. J'ai tout un pan de la biologie moléculaire à découvrir et à apprendre. Sauf que je ne sais pas forcément par où commencer. Alors oui, je suis agacée lorsque mon assistant professeur se limite à me sourire poliment quand je lui montre mes résultats. Les professeurs se cantonnent à des relations sociales neutres de façon exaspérante. Sans critiquer, sans non plus trop complimenter. Un rôle que je trouve pédagogiquement inefficace.
Le pire étant que de mon point de vue extérieur d'étrangère, j'ai l'impression que les étudiants japonais sont traités beaucoup plus durement. Les professeurs attendent beaucoup plus des élèves et n'hésitent pas à faire des mises au point quand il le faut.
La fierté des japonais
Mon seul recours pour faire bouger un peu les choses est de poser des questions. D'aller chercher les connaissances et de montrer à mes responsables que je suis motivée. Sauf que voilà, cette attitude n'est pas attendue d'un stagiaire. A chaque fois que je pose une question un peu plus poussée (Vous savez, les fameuses questions pourquoi ?), j'ai l'impression de pousser dans ses derniers retranchements mon encadrant. Comme si je le mettais en porte-à-faux vis à vis de sa position hiérarchique. Il est vrai que même en France, cette attitude n'est parfois pas forcément très bien tolérée. Mais c'est par une minorité de professeurs.
Ici, dès qu'une question où l'assistant prof' n'a pas la réponse est posée, il s'installe un malaise, un silence inconfortable. Jusqu'à ce qu'il me réponde, " je vais vérifier et je t'expliquerai plus tard ". Parce que oui, le japonais est fier. Fier de son pays, de sa culture (mais c'est une autre histoire), de ses traditions et de ses habitudes. Alors poser des questions c'est heurter doublement sa fierté : parce que je remets en cause ses habitudes et parce que, s'il ne sais pas répondre, il a l'impression de perdre la face.
Et entre japonais ?
De ce que j'ai entendu dans les discussions, les relations sociales entre japonais dans les entreprises ne sont pas forcément faciles à gérer on plus. En effet, il est commun de sortir boire un verre avec ses collègues et son patron à l'izakaya () du coin. Les japonais aimant bien boire, il n'est pas rare que les hommes ressortent un peu saoul de leur soirée. Mais cela ne veut pourtant pas dire que le patron est devenu le meilleur ami de ses employés, loin de là. La proximité partagée le temps d'une soirée est éphémère. Des collègues français ont trouvé cette dichotomie des relations très déconcertante. Difficile de s'y adapter. D'une manière générale, il est compliqué de lier des relations durables au Japon. Les collègues de boulot ne sont pas des amis, même s'ils semblent se comporter comme tel au début.
Avez-vous déjà rencontré ce genre de problème en vivant au Japon et dans d'autres pays ? Quelles sont vos expériences ?
P.S: Essayez de faire comprendre à un japonais que les mots ou phrases retrouvées dans les magasins et pubs dans un français approximatif ne sont pas correctes et ne veulent rien dire. Ou que non la mayonnaise ne vient pas du Japon et que le mot écrit en katakana n'est pas japonais... Parfois, on est vraiment étonnés de leur ethnocentrisme. Comme ils le sont aussi sûrement du notre. Vive le choc des cultures !