Mon bébé du désert

Publié le 10 août 2016 par Eve @Nosracinesur4C

À la fin de la semaine, fiston (4 ans), que je surnomme affectueusement mon « bébé du désert » devra se présenter à sa nouvelle classe à l’aide d’un sac (All about me bag) dans lequel il doit placer quatre objets afin de se décrire. Outre une ceinture de karaté, qui lui permet de présenter un sport qu’il pratique depuis près de deux ans, il s’est tourné vers les objets suivants :

  • Un leurre de pêche (Toronto Wobbler) pour illustrer cette activité qu’il adore partager avec son père, son frère et son grand-père au Québec.
  • Une peluche en forme de dromadaire, pour parler de sa naissance aux Émirats Arabes Unis.
  • Une petite Tour Eiffel, pour expliquer aux amis qu’il est Français en plus d’être Québécois.

    Se définir en 4 objets : mission accomplie… ou presque!

C’est avec joie et étonnement que j’ai constaté que plusieurs de ses choix se sont naturellement portés vers des objets qui évoquent ses appartenances culturelles multiples.

Doit-on y voir l’indice d’une troisième culture?

Comme plusieurs mamans ayant vécu des expériences d’expatriation familiale, je me suis intéressée au phénomène de la troisième culture chez les enfants (Third Culture Kids, aussi appelés Global Nomads). Je ne veux pas m’étendre sur le sujet dans ce billet (je le ferai bientôt dans une autre publication sur le blogue), mais en gros, ce phénomène a été décrit par des sociologues (notamment David C. Pollock) en référence au vécu d’enfants de militaires, de diplomates ou d’expatriés. Tout en s’adaptant au pays où ils vivent (seconde culture), ces derniers fonctionnent à la maison avec leur culture d’origine – ou celle de leurs parents (première culture), tout en se créant une troisième culture qui leur est propre.

Dans notre cas, c’est un peu plus compliqué. Papa est Français et maman est Québécoise; des cultures similaires, certes, mais loin d’être identiques. À ce jour, cette superposition d’appartenances a surtout été visible chez mon fils aîné. En plus d’avoir à composer avec une double nationalité, ce dernier a vécu trois années de sa vie à Dubaï en étant scolarisé dans un lycée libanais. À l’époque, il clamait haut et fort qu’il était à la fois Québécois, Français et Libanais, alors qu’il n’avait jamais mis les pieds au Liban. Comme quoi l’identité est une notion relative qui se compose d’une foule d’éléments!

Mais mon fils cadet a quitté trop tôt le « pays des dromadaires » pour que ce dernier laisse une trace aussi importante dans sa mémoire. Bien qu’il soit né aux Émirats Arabes Unis, il a quitté ce pays à 22 mois et n’en conserve aucun souvenir précis. Pourtant, ce pays demeure très important à ses yeux.

Premier road-trip dans le désert, à deux mois

Quand les photos et les lectures alimentent les souvenirs…

Encore plus que son frère aîné, « mon bébé du désert » adore que je lui raconte le pays de sa naissance et de ses premiers pas. Depuis que nous sommes de retour au Québec, nous lui montrons régulièrement des photos de cette période de sa vie. Curieux, il nous pose de multiples questions sur Dubaï, nos escapades dans le désert et les anecdotes liées aux différentes fêtes vécues là-bas. En attendant d’y retourner visiter nos amis, c’est notre façon de garder ce pays vivant dans son cœur d’enfant. Et ça semble bien fonctionner!

Outre les photos, les albums et les anecdotes, fiston aime aussi lire des histoires qui évoquent le pays où il est né. Dans le cadre du club de lectures « À la conquête du monde », initié par Tiphanya du blogue Avenue Reine Mathilde, nous avons récemment replongé dans deux livres que nous avions achetés à Dubaï et que mon fils aime tout particulièrement.

Le premier, « Ali et le chameau » (écrit par Fay Gabriel), raconte l’histoire d’un petit garçon Bédouin prénommé Ali qui rencontre un dromadaire dans le désert. En pleurs, ce dernier dit au garçon : « personne de m’aime ». Pour lui prouver le contraire, Ali lui explique à quel point il est important pour sa survie et celle de sa famille et lui pose ensuite différentes questions sur ses caractéristiques physiques. En plus d’être écrit en trois langues (français, anglais et arabe), ce livre est joliment illustré et permet aux enfants de se familiariser avec quelques termes arabes.

Le deuxième, « L’Aventure de Pierre en Arabie » (écrit par Janice Edgar) demeure notre lecture préférée. Ce livre raconte l’histoire de Pierre, une oie du Canada devant quitter son pays pour des contrées plus chaudes. Seul pour une première fois afin de vivre cette aventure, Pierre arrive finalement à Dubaï où il rencontre un papillon. Ensemble, ils visitent le célèbre émirat à la recherche de son cœur. À travers le désert, les wadis, les plages, les souks et les mosquées, les nouveaux amis entraînent leurs lecteurs pour un tour des plus beaux attraits de Dubaï. Le livre est à la fois beau et touchant, tout en demeurant simple et accessible pour les petits.

Bref, ces différents outils (photos, albums, etc.) permettent d’alimenter la curiosité et l’intérêt des enfants en lien avec leurs différentes appartenances. J’en parle ici en lien avec mon fils cadet, mais j’aurais aussi pu référer à mon aîné pour qui nous avons utilisé des outils similaires, qui se sont révélés tout aussi efficaces pour qu’il en garde en tête ses origines françaises et québécoises alors que nous étions à l’étranger.

Des appartenances multiples à cultiver

J’aimerais être un petit oiseau pour me faufiler dans la classe de mon fiston vendredi et entendre le portrait qu’il dressera de lui-même à l’aide des quatre objets déposés dans son sac… L’identité se construit et se transforme au fil des expériences, des lectures et des rencontres. À mes yeux, plus ces expériences et ces rencontres sont nombreuses, plus les enfants développent une ouverture d’esprit, une capacité d’adaptation et une tolérance vis-à-vis les différences (à condition, évidemment, qu’elles soient bien vécues). À travers nos voyages et nos souvenirs, c’est ce que je souhaite léguer à mon « bébé du désert » : tellement d’expériences nouvelles qu’il n’aura bientôt plus assez d’un petit sac pour les placer! Mais d’abord et avant tout, je souhaite que mes enfants revendiquent l’ensemble de leurs appartenances, sans les compartimenter. J’aimerais qu’ils persistent à se définir de façon positive et non en rejetant d’emblée ce qui semble différent et qui, pour cette unique raison, peut parfois faire peur et susciter le rejet.

Fiston, peu de temps avant notre retour au Québec, prêt pour de nouvelles aventures