J’ai tellement de sujets de contrariété en ce moment, je ne sais pas lequel choisir. Je me suis même demandé si j’allais changer ma bannière, parce que ce n’est plus trop le pays des merveilles ici. Mais j’ai décidé de garder mon wonderland, parce que la situation politique du pays « makes me wonder »…on a atteint les bas fonds et on continue à creuser. Jusqu’à hier, avant que commence (ça continue aujourdhui. En pire) l’annonce de la troupe de clowns, d’incapables et bras cassés des membres du gouvernement, j’avais l’intention de parler des chaussures de Theresa May, notre nouvelle comique première ministre.
Déjà, elle a été bombardée première ministre par défaut beaucoup plus tôt que prévu. Elle n’était pas préparée du tout. Ça se voit. Et je ne parle pas de ses chaussures. Il faut dire aussi que son adversaire, l’incroyable Leadsom qui voulait règler la crise à coup de rôtis bouillis et de citations bibliques a réussi à se torpiller toute seule en assurant qu’elle était plus qualifiée parce qu’elle était mère alors que Theresa n’a pas d’enfant…en même temps pourquoi attendre que les journalistes fassent preuve de sexisme, alors qu’on peut très bien faire ça soi-même, entre femmes? Et puis, se tirer une balle dans le pied, c’est devenu un sport national depuis quelques semaines. Bref, Leadsom a dû abandonner, Cameron est parti en sifflotant, débrouillez-vous avec la pagaille du Brexit, et paf, Theresa May a repris la boutique. Et la presse s’est empressée de nous parler de… ses chaussures! C’est merveilleux, le pays traverse ce que beaucoup d’experts ont qualifié de pire crise depuis la deuxième guerre mondiale, mais ce qui compte, c’est évidement de se pencher sur l’imprimé léopard des chaussures de la nouvelle première ministre. En 6 ans, je ne souviens pas d’avoir vu une seule fois les pieds de David Cameron à la une des journaux. On a eu droit à ceux de sa femme, cela dit… Bref, j’étais partie pour m’énerver devant le sexisme grotesque dont fait preuve la presse. Ok. Theresa May a un goût spécial niveau chaussure, mais on s’en fiche. Jamais on aurait parlé de ça si on avait eu un nouveau premier ministre. Ce qui compte c’est qu’elle fasse le job, elle peut y aller en tongs si l’amuse, qu’est-ce-que ça change?
Et bien, Theresa n’a pas besoin que je m’énerve, en tout cas pas à propos de ses chaussures, elle se défend toute seule. Par une ruse remarquable, elle a réussi à détourner l’attention de ses pieds à son incompétence, en nommant hardiment depuis hier n’importe qui, de préférence de dangeureux incapables et précisément aux postes ministériels où ils seront les plus dépassés. Il y a bien sûr Boris qui a réussi à insulter plusieurs fois la terre entière, aux affaires étrangères, ce qui fait pouffer le monde entier (la BBC a fait un montage des fous rires des présentateurs de journaux australiens, américains et allemands annonçant la nouvelle). Theresa nous a aussi recasé Leadsom l’illuminée, et j’en passe. Des pires. Pendant que le reste du monde est donc plié de rire et se fiche de la Grande-Bretagne comme jamais, on se pose des questions ici. Enfin, surtout une question: c’est une blague? Pourtant Theresa n’a pas l’air du genre comique, c’est la fille qui rigole quand elle se coince un talon aiguille dans une bouche d’égout…Ou alors, c’est un piège, habilement tendu aux brexiters. En leur confiant des responsabilités qu’ils sont infichus d’assumer, ça permettra de s’en débarrasser rapidement. Super pour la carrière de Theresa et des ministres sortants qui sont tous partis se planquer depuis hier en laissant le pays aux mains des comiques et pourront revenir bientôt en grands sauveurs. C’est sûr, ça va définitivement discréditer les brexiters, sauf qu’on va aussi couler le pays avec, mais c’est pas grave. Depuis quand gouverne-t-on pour sauver son pays?
En tout cas, depuis 24 heures, alors que la liste des sinistres incapables ministres rigolos tombe au goutte à goutte dans une incompréhension totale, plus personne ne parle des chaussures de la première ministre, elle peut se pointer devant la presse pieds nus ou en palmes tout le monde s’en fiche maintenant. Bien joué, Theresa!