Le titre est un peu long, mais je suis en colère aujourd’hui…après moi même. Je viens de passer une quasi nuit blanche parce que je ne suis pas fichue de gèrer correctement les confrontations, les engueulades publiques, les échanges verbaux un chouïa agressifs, tout ce genre de chose. Et ça m’énerve profondément de me gâcher la vie pour si peu. Hier, j’ai eu un échange de vues un peu agité avec deux mamans à l’école, qui n’attendaient que ça. C’est sorti tout seul, et j’ai passé la nuit à ruminer la scène, comme une grande stressée que je suis.
J’aimerais beaucoup ressembler à Maricheri qui ignore totalement les provocations des gens. Il s’en fiche royalement, sauf si ils viennent l’embêter de trop près. Il assassine alors verbalement les gêneurs en trois mots, pour les faire taire tout en restant d’un calme olympien. Il est connu pour avoir réduit à l’état de serpillère larmoyante des auditeurs hargneux, transformé des inspecteurs acariâtres en pauvres petites larves inconsolables, tout ça en une seule phrase mordante (ça aide aussi de faire 6m08). A la lointaine époque où on bossait dans la même boîte, nos collègues préféraient venir me voir pour tâter le terrain quand ils avaient un truc à lui demander. Ce qu’ils ne comprenaient pas c’est que Marichéri est très gentil, mais il ne supporte pas qu’on l’ennuie (ou qu’on s’attaque à sa femme et ses enfants). Il ne les trucide pas à coup de mots ironiques pour être méchant, mais pour faire cesser leurs nuisances sonores qui polluent son espace vital. A peine le silence revient, qu’il a déjà oublié les sombres crétins qu’il a réduit en bouillie en larmes. Il ne leur en veut pas, ne regrette pas, ne s’angoisse pas sur ce qu’il a dit ou pas, ne se demande pas si il doit ou non leur dire bonjour le lendemain. Pour lui, l’incident n’existe même pas. Je trouve ça admirable. Je rêve de pouvoir en faire autant. Mais ce n’est pas gagné. Du tout.
Attention je ne suis pas complètement débile non plus. Il m’arrive d’avoir un certain sens de la repartie quand même. Mais en passant, pas pendant une confrontation. Je n’ai aucun mal à envoyer balader le cretin qui me demande si c’est à moi ces 5 enfants (non, j’en ai piqué un ou deux à la maternité), la réceptionniste qui se prend pour un docteur et soutient que je ne suis pas assez malade pour prendre rendez-vous (ça doit être dur de repondre au téléphone alors que vous avez visiblement des années de médecine télépathique mutante derrière vous ), ou le ukipien qui atterri par hasard devant chez moi avec son dépliant et son racisme ordinaire sous le bras. Parce que ce sont de parfait inconnus et qu’il n’y a strictement aucun échange. Je sais qu’ils ne m’attaqueront pas verbalement en retour (il faut déjà qu’ils comprennent que je me moque d’eux, et je ne dis pas ça à cause de mon accent franchouillard). Comme Marichéri, je ne fais pas ça par méchanceté, mais pour avoir la paix. Mais dans une vrai dispute, une véritable confrontation, je perds tous mes moyens. Et ça me contraire vivement. Généralement, je les évite comme la peste. Je me tais et j’attends que ça passe. Non pas comme Marichéri, qui n’y fait strictement pas attention, mais parce que je ne sais pas gèrer. Et ça me mine après. Pendant des heures. J’aurais dû réagir ou pas? Est-ce que j’ai eu raison de la fermer? Est-ce que ça ne fait pas trop carpette? Qu’est-ce que j’aurais pu dire? Je peux y passer des nuits blanches à ruminer avec angoisse. Alors que je sais pertinemment que ça n’en vaut pas la peine. Ça ménerve.
Mais il y a pire, comme hier, où mon mauvais caractère me joue des tours et où je fonce tête baissée, on réfléchira plus tard. Là, c’est la catastrophe, soit je ne sais pas quoi dire, je me couvre de ridicule, je me noie toute seule dans mon incompétence verbale et je finis en larmes sans que la personne en face sache pourquoi. Soit je suis vraiment très contrairiée et ça part tout seul. La phrase assassine. Qui me fait peur moi-même. Et donc je m’empêtre encore plus après, moitié en me confondant en excuses dithyrambiques moitié en essayant en pure perte d’argumenter calmement et de prouver que j’ai raison. Je suis sincèrement désolée, vous êtes stupides, pardon. C’est un festival. J’en suis malade physiquement, je tremble, j’ai des sueurs froides, je suis au bord de l’étouffement, j’ai les dents qui claquent, je rougis, j’ai chaud…un pur bonheur. Et encore, ça c’est juste sur le moment, parce que je passe donc la nuit suivante à me réjouer toute la scène. Ça peut me tenir éveillée comme ça pendant des semaines. Je finis à mi chemin entre l’hystérie totale et l’épuisement absolu. Je me prends la tête sur le moindre petit mot échangé, (en plus, j’ai la malchance d’avoir une excellente mémoire pour tout ce qui est désagréable ou inutile). Et bien j’en ai marre de me rendre malade comme ça pour rien, je suis très en colère après cette manie que j’ai de me stresser pour la moindre broutille et de me gâcher la vie.
En 44 ans, il m’est arrivé une seule fois de reste d’un calme parfait en pleine confrontation et ce n’était pas feint. C’est la seule et unique fois de toute ma vie. Je n’ai pas non plus agonisé après. Rien, l’absence totale d’émotion. En y repensant j’ai été surprise, mais surtout toute fière de moi: ça y est je deviens adulte, youpidoo! Mature et confiante. Ahaha. Ben non, c’est raté, j’en ai eu la preuve flagrante hier. Non seulement j’ai réagi devant ces deux mamans à l’école (parce qu’il était hors de question de laisser passer ça devant mes enfants) mais je n’arrive pas à m’en remettre depuis. J’en suis malade, j’oscille entre le regret d’avoir parlé (très poliment. Ça m’a tellement secoué nerveusement de devoir faire semblant d’être calme, j’étais au bord de vomir) et celui de ne pas en avoir dit assez. Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit. Ce matin, j’étais décidée à aller m’excuser et même à les inviter à prendre un thé (alors que je deteste ça) pour être bien sûre que la confrontation était finie et ne se renouvèlerait plus. Et puis je me suis rappelée que le racisme me rend encore plus malade que les confrontations. J’ai peut-être eu tort de répondre à leurs provocations, et je sais bien que je ne risque pas de les avoir fait changer d’avis au contraire. Je suis la preuve vivante qu’on est plus chez soi, et que ces étrangers se croient tout permis, même si, comme elles ont fini par me dire en guise d’excuse, elles ne visaient pas les français, mais les roumains (pourquoi les roumains? Vous avez seulement déjà croisé un roumain ? ). Il y a des choses qu’on ne peut pas laisser passer. Il faut juste que j’apprenne ne pas me prendre la tête après.