Il neige mollement sur Reykjavik. Pour la dernière fois. Du moins on y croit. La météo a prévu du soleil en fin de journée donc elle ne restera pas. Et puis déjà depuis quelques semaines les pensées sont au printemps. Quoi, le printemps en Islande ? Mais ça n’existe pas. Et ç’est justement à cause de ça qu’on y pense. Mais aussi et ça c’est bien typiquement islandais par le raffut presque journalier du prochain song contest 2016. Je parle de l’eurovision.
Alors que les français boudent cette compétition depuis bien longtemps, les islandais s’en délectent chaque année et cela depuis 30 ans. Je m’en rappelle comme si s’était hier. 1986. Gleðibankinn. L’incrédulité fasse à l’engouement de tout un peuple pour cette émission que j’avais déjà rencardisée au rang du mauvais goût.
Et l’espoir, que dis-je, la certitude de tout un pays de remporter la palme. En fait ma première certitude à moi, que je vivais dans une société qui n’avait peur de rien mais qui manquait de maturité objective. Une sorte d’adolescent. Le gros problème c’est que cet adolescent n’a pas grandi depuis trente ans de compétition car chaque année ils se disent c’est la bonne, on va mettre tout le monde d’accord en gagnant. Et puis on a une si belle maison d’opéra pour accueillir ce monument du lyrisme des temps nouveaux. Les hôtels se construisent partout, nous pouvons accueillir toutes les personnes désirant venir. Nous sommes un peuple de chanteurs et si la palme doit revenir à une nation c’est bien la nôtre.
Et surtout nous pouvons et voulons montrer au monde entier que nous sommes aussi capables que n’importe quel autre pays européen de gérer un tel évènement. Sans doute et c’est même certain qu’ils feraient autant que possible « að standa sig » et avec panache. On est viking ou on ne l’est pas. Quitte à prendre un prêt à la banque européenne pour mettre les petits plats dans les grands. Alors que faire ?
Résister bien sûr. Façon petit gaulois. Voilà trente ans que je tente de m’esquiver lorsque le printemps islandais résonne de ses choubidous et de ses yhayhayha chantés à l’unisson en anglais. Je cherche par tous les moyens à être occupé à autre chose. Réparer le toit qui fuit, tondre le gazon qui n’en a pas besoin, rendre visite aux « amis » que je ne vois jamais, me rendre au cimetière pour embellir la tombe de ma belle-mère avec de jolie jonquilles.
Dans cette tourmente qui envahit toutes les chaumières il est impossible d’émettre son avis sans être illico mis au banc des rabat-joie musicalement incultes. Et même pire, de s’entendre dire que ma conduite est un signe flagrant d’une non intégration. Intégration ne veut pas dire renoncement. Je rétorque qu’il n’est pas nécessaire de faire un tel foin pour si peu de réussite. Ce à quoi on me répond que le plus important est de se retrouver en famille, entre amis et de faire la fête. C’est la sempiternelle ritournelle classique pour excuser un programme télévisé sans grand intérêt qui aura mobilisé l’écran de début janvier jusque mi mai. Je dis, d’accord faisons la fête, mais remboursez-moi ma taxe télé obligatoire.
Cet été l’équipe d’Islande de foot masculine jouera pour la première fois dans une compétition internationale. Et cela se passera en France. J’adore ces rencontres franco-islandaise. Et elles ne sont pas rares. Elles sont pour moi un mélange de patriotisme à la sauce… Déjà les champions du monde de foot 1998 avaient eu du mal à contenir ces petits joueurs venus du froid. Bien sûr les matches seront retransmis en direct à l’écran. La fête va donc continuer jusqu’en juin.