On en a marre d’énumérer les bourdes, bévues, bafouilles et autres inepties des partis pourris. Jetons un coup d’œil autour de nous, puis scrutons notre boule de cristal.
En Islande, les fâcheux sont au pouvoir depuis des décennies. C’est clair, il faut défricher le gouvernement et l’administration. D’ailleurs, je note au passage que le premier ministre n’a pas démissionné officiellement. Il est tout d’abord parti en vacances, puis on nous annonce qu’il s’agit de vacances à durée indéterminée, à l’ombre des bananiers. Le syndrome de la litote est épidémique ces jours-ci.
Surtout, surtout, n’appelez jamais un chat un chat. Le remplaçant du premier ministre en vacances est son second. Avant de partir se reposer, il avait embauché sept ou huit ministres adjoints, et ceux-ci ont été placés à des postes confortables au sein de l’administration.
Du coup, on nous dit qu’on a changé de gouvernement. Tiens donc… Il n’y a pourtant que le premier ministre qu’on ne voit plus.
Le vendeur de hot-dogs qui tenait lieu de ministre des affaires étrangères a vidé le tiroir-caisse en changeant de ministère, octroyant à divers sbires des petites sommes d’argent sonnant, si on peut qualifier ainsi la couronne islandaise, fort jolie monnaie de Monopoly. Ce monsieur est devenu ministre de la pêche, sous la houlette des gros armateurs qui font la pluie et le beau temps dans l’économie des insulaires ordinaires. Fish and chips.
La ministre de l’industrie y a mis du sien, déclamant haut et fort qu’elle en avait marre d’être obligée de tenir compte des saumons et des touristes. En effet, ces deux espèces gênent ses objectifs de barrage et autres horreurs.
Le gouvernement dehors, l’administration assainie.
L’idéal, après le nettoyage par le vide, serait d’adopter d’urgence la constitution nouvelle, écrite par le peuple et enterrée vivante par les « fondés de pouvoir du capital » comme disait Marx. Cette constitution garantit notamment l’égalité des voix de chaque citoyen. Dans l’état actuel des choses, les voix de trois buveurs de latte, comme on nomme les habitants de la capitale, font à peine le poids contre la voix d’un bouffeur de tête de mouton calcinée, par exemple résidant à Sauðárkrókur.
L’état des lieux n’est certes pas brillant. On a saccagé les espaces sauvages, tué des rivières et des lacs, détruit le patrimoine bâti, anéanti le système de santé et malmené celui de l’éducation.
Idéalement, il faudrait que les membres des quatorze familles reprennent contact avec la vie terrestre. On pourrait leur imposer de devenir maraîchers, auxiliaires de vie, conducteurs de bus, etc. Le temps que la gueule de bois du pouvoir leur passe, qu’ils comprennent les dégâts qu’ils ont provoqués et contribuent à y remédier.
Et puis il y a notre président qui veut se faire réélire. Il vient de l’annoncer. Il a attendu si longtemps que plusieurs candidats s’étaient déjà présentés. Rappelons que pas plus tard qu’en décembre dernier, il annonçait qu’il ne se représenterait plus. Maintenant, il dit que les manifestations à la casserole de ces derniers jours le poussent à se présenter pour rétablir le bon ordre du pays. Serait-il un des rouages de la machine à laver l’argent, établi par l’oligarchie locale ?
Ólafur Ragnar Grímsson, ou le syndrome du mirage médiatique
Depuis la proclamation de la république, ce poste de président était surtout symbolique, jusqu’à l’arrivée du premier politicien à y accéder, notre Ólafur Ragnar Grímsson, un des architectes de l’état actuel du pays. Quand il était ministre des finances, il a instauré la TVA de 15% sur les aliments, provoquant une hausse démesurée des prix des premières nécessités. Depuis qu’il est président, il a usé de son pouvoir de veto pour refuser de payer la dette des Islandais envers les particuliers escroqués par la banque en ligne Icesave aux taux négociés avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
De ce fait, les Islandais sont obligés de rembourser la dette au prix fort, sur une période bien plus longue que prévue, justement du fait de ce veto. ÓRG, comme on l’appelle amicalement pour l’onomatopée rugissante, était également une sorte de majorette des vikings requins islandais de la finance il y a quelques années. Et enfin, c’est un grand ami de l’émir du Qatar et autres notables de cette partie du monde.
Il a en réalité usurpé le pouvoir, se présentant à l’étranger comme le porte-parole du gouvernement et tenant bien souvent un discours aux antipodes de celui-ci. C’est un homme ambitieux et opportuniste, tourneur de vestes avéré et invétéré. Il est farouchement opposé à la nouvelle constitution du peuple, qui fut enterrée vivante par le parlement il y a quelques années, après avoir été approuvée par un référendum. Celle-ci aurait donné un droit de vote égal à tous les Islandais, sans privilégier ceux des provinces, traditionnellement accros au Parti dit progressiste. Qui plus est, celle-ci prévoyait qu’on limite le pouvoir du président. Bref, à la poubelle la constitution !
En fait, tant que cette histoire de constitution n’aura pas été tirée au clair, on devrait cesser d’élire un président, bien que l’excellent Andri Snær Magnason soit fortement pressenti pour cette fonction. C’est un écrivain merveilleux, ami de la nouvelle constitution et militant pour la préservation des espaces sauvages en Islande.
Pour finir le tour de la boule de cristal imaginaire, l’église nationale pourrait enfin être séparée de l’état. Et puis il conviendrait d’étudier sérieusement la possibilité d’adopter le revenu citoyen. Nous sommes peu nombreux et nous vivons dans un pays riche. Maintenant que notre argent n’ira plus au Panama, il y a des perspectives en vue.
Idéalement on pourrait en faire des choses. Idéalement.