Marseille Saint-Charles, terminus ! Je sors de la gare, le ciel est gris, le vent souffle, pas du tout ce que j'avais prévu. Notre-Dame de la Garde me fait face de l'autre côté de l'esplanade. Je ne le sais pas encore, mais elle sera un point de repère bienveillant pendant toute cette journée, comme intouchable en haut de son promontoire. Je me retourne : grand ciel bleu. La ville semble partagée en deux, qui de la grisaille ou de l'azur l'emportera ? Je descends vers le port. Les clichés ont la vie dure : Marseille m'apparaît sale, le quartier de Belsunce n'est pas des plus accueillants. Je ne m'attarde pas et je file, les yeux baissés sur le bitume, prenant garde où je mets les pieds. Bientôt, la grande roue se profile entre deux bâtiments, quelques instants plus tard le Vieux Port s'ouvre devant moi. J'inspire l'air marin. Que ça fait du bien d'être de nouveau proche de la mer ! Le ciel continue d'être partagé en deux mais même sous les nuages les bateaux rangés à la queue leu leu ont leur charme. Plus tard dans la journée, le temps sera parfaitement dégagé et le soleil se reflétera durement sur l'eau. Le coin grouille de monde mais je n'ai d'yeux que pour les coques colorées et les mats qui jaillissent vers le ciel. La balade continue, direction le Panier, le quartier emblématique de la cité phocéenne. Je ne sais à quoi m'attendre, même si j'ai eu mon content d'histoire sur ce lacis de ruelles. La vérité m'apparaît, perturbante : mon dieu que c'est sale ! Entre les ordures, les déjections, je passe plus de temps à détailler le sol qu'à contempler les façades aux volets multicolores. Pourtant, c'est indéniable, l'atmosphère est particulière, on se croirait dans un petit village de bord de mer, les habits sèchent aux fenêtres, les chats du quartier me regardent passer. Mais vite, vite, repartir... Attends, c'est quoi ça ? Étonnant ces fresques de street art dans un quartier pareil. Ah, et là aussi ? Encore une... et encore une autre ? Finalement, le Panier aura réussi à me séduire, pour une tout autre raison. Entre deux ruelles, la mer me fait de l’œil, il est temps de quitter ce labyrinthe pour de plus grands espaces, l'eau pour seul horizon. Je ne peux retenir un soupir en apercevant les tours de la cathédrale recouvertes d'échafaudage. Cela va gâcher mes photos. Et surtout, ça défigure ce bâtiment que j'avais tellement hâte de découvrir. Cette alternante de pierres noires et blanches me fait penser aux églises en Toscane. Où est le rapport avec l'art byzantin ? En m'approchant du portail, j'ai le souffle coupé. Merveilles de mosaïques surplombant l'imposant portail. L'émerveillement se poursuit à l'intérieur. Je ne sais plus où poser les yeux, devant ce festival d'exubérance. Je ressors à regret, il faut bien poursuivre. Clic clac, encore quelques photos de la mer, des rochers, de l'azur, de l'écume – peut-on jamais se lasser ? – puis il est temps d'emprunter l'emblématique passerelle du MUCEM et sa structure si originale. Je m'amuse avec mon appareil photo, c'est un terrain de jeu géant. Puis le fort Saint-Jean. Je fais le tour du chemin de ronde, je grimpe le plus haut possible. La vue, toujours un peu différente, toujours aussi belle. De retour au Vieux Port. Notre-Dame de la Garde me nargue, tout là-haut. Elle est la prochaine étape de mon trajet mais arriverai-je à y accéder ? Je ne peux me résoudre à prendre un bus : j'ai tout mon temps. Ça grimpe dur, je souffle comme un bœuf mais la récompense est là au sommet : quelle vue sur Marseille ! Difficile d'immortaliser ça en photo, le vent est si fort. L'office est célébré juste à ce moment-là. J'hésite : je me sens comme intruse mais d'un autre côté, je ne veux pas être montée là pour rien. Je me faufile au fond, au milieu d'autres visiteurs. Cette fois encore, je ne m'attendais à rien et je reste bouche bée devant la profusion des ors du sol au plafond. Les bateaux suspendus, détail étonnant, ne jurent pourtant pas. La messe continue, et moi je ressors, un peu ébranlée. Au loin, ma prochaine étape. La journée n'est pas terminée. Les rues que j'emprunte sont plus propres, le quartier mieux entretenu. Mais pas question de flâner pour autant, j'ai peur de ne pas avoir assez de temps. Le guide n'a pas menti : la vue sur le Vieux Port depuis les jardins du Pharo est superbe. Mais surtout, c'est la mer qui m'attire comme un aimant. En contrebas, un couple de futurs mariés sont en pleine séance photo. Pourrait-on rêver endroit plus beau ? J'avise des bancs face à l'entrée de la rade. Faisant fi de mes habitudes, je m'installe quelques minutes. Mes pensées divaguent au fil du courant, le spectacle des voiliers retournant au port m'hypnotise. Je resterais bien ici jusqu'à la fin des temps. Le soleil commence à se coucher, il est temps de rejoindre ma dernière destination. Il paraît que la promenade de la corniche Kennedy est très belle en fin de journée, je compte bien le vérifier. Une première plage, le soleil entame sa descente derrière les îles du Frioul. Je poursuis un peu, en contrebas une anse s'ouvre, remplie de barques de pêcheurs hissées au sec. J'hésite à descendre la volée de marches, peut-être m'attabler au restaurant ? Mais je n'ai pas encore faim et le soleil n'est pas encore couché. Je poursuis, je peux bien ajouter une ou deux anses et faire demi-tour. Je me mélange dans les rues, manque celle que je dois emprunter. J'arrive en vue d'une autre anse, je vais pousser jusque-là et faire demi-tour. D'un coup, le soleil rasant illumine de mille nuances ocre les falaises. Instant magique. Je me sens comme attirée par une force invisible, il me faut aller voir derrière ce virage. La baie s'ouvre devant moi, c'est si beau ! Et avec la lumière du couchant... Mais je suis allée bien loin, et il est temps de faire demi-tour. En chemin, je rejoins les anses qui m'avaient échappé la première fois. Bientôt, le soleil plonge derrière l'horizon. L'heure du retour a sonné. Marseille, tu m'as conquise. Merci pour cette belle surprise.