Au rang des capitales qui n’inspirent pas le voyageur en quête de dépaysement, Manille est dans le peloton de tête. Avant d’y mettre les pieds je m’attendais à une mégalopole surpeuplée, sans intérêt, presque digne de Djakarta. Il y a un peu de vrai derrière ce gros cliché, mais pas que ça, Manille a réussi à me surprendre, et même à me conquérir ! Sans avoir la beauté naturelle d’une Hong-Kong ou les charmes de Singapour, Manille possède une histoire et un centre historique digne d’intérêt. L’histoire de la ville est fascinante et tragique, oubliez les préjugés, partons en balade derrière les murs de la vieille ville, afin de démystifier la capitale des Philippines.
C’EST PAR OU ?
Pour presque tous les voyageurs se rendant aux Philippines, Manille est la porte d’entrée quasi obligatoire. Principal aéroport du pays c’est ici que vous ferez vos premiers pas en territoire philippin. La capitale est de plus en plus connectée aux autres villes de la région, le tourisme aux Philippines est exponentiel ! De mon côté j’ai fait escale avec Cathay Pacific à Hong-Kong, la grande ville la plus proche de Manille.
- Note importante : le visa est … gratuit ! Oui pas de tracasseries administratives avant votre départ, un simple tampon en arrivant
- Il y a une taxe de sortie du pays à payer dans l’aérogare avant de repartir, préparer de la monnaie
- Des bus et autres « Jeepneys » (les fameux 4X4 de la guerre transformés en taxis) font la navette régulièrement vers le centre en 40 minutes
- Prévoyez du temps si vous connectez vers une autre île du pays, le transfert d’une aérogare à l’autre est … interminable !
Arrivé de nuit je prends un taxi pour mon hôtel, situé à deux pas de la vieille ville. Dès les premiers instants, Manille me fait presque penser à l’Inde, bondée, vibrante, surpeuplée, tentaculaire … On approche de Noël et mon chauffeur m’indique que les gens se ruent sur les magasins qui restent ouverts tard. Pendant tout le voyage j’aurai l’occasion d’être témoin de ces scènes passionnées entourant la religion catholique aux Philippines. Le peu d’images que j’avais de Manille c’était celles des reportages effroyables sur les enfants des bidonvilles et la violence des rues, tout pour vous mettre en condition ! Je suis resté deux nuits et une journée à Manille pour la visiter, de la pauvreté j’en ai vu dans la rue comme en Inde, mais pas que ça. Pendant tout le voyage, j’ai surtout été en contact avec un peuple incroyablement avenant et bienveillant, accueillant et réellement attachant. Manille est une ville difficile à saisir au premier regard, près de 16 millions de personnes vivent dans cette mégalopole. Entre les buildings du nouveau centre financier « Makati », les ruelles défoncées, les boulevards ensevelis sous le trafic, rien ne m’enchantait à Manille au premier regard. Manille concentre la plupart des gens qui cherchent un avenir meilleur dans le pays, d’où cette accumulation de pauvreté, un ressenti qu’on ne retrouve nulle part ailleurs aux Philippines.
L’ANCIENNE « PERLE D’ASIE » OU LE GÂCHIS DE LA GUERRE
Lorsque je me suis penché sur l’histoire de la ville, je me suis retrouvé fasciné par un tel destin. Vous connaissez mon amour pour l’histoire et pour les villes coloniales, il y a un parfum d’une autre époque que j’aime particulièrement lorsque je me promène dans ces endroits. Manille fut appelée autrefois la « Perle de l’Asie », le charme de ses rues et ses églises, rappelant la lointaine Espagne. Tel Saigon ou Hong-Kong, ici le colonisateur a laissé son empreinte. Dans ce qu’on appelle aujourd’hui « Intramuros » on retrouvait en fait toute la ville de Manille. En 1571 Manille est fondée par Miguel de Legazpi le long de la rivière Pasig, et commence la période coloniale espagnole qui s’étendra jusqu’en 1898, date de la guerre entre l’Espagne et les États-Unis. On retrouvait alors à Manille ce que l’on peut apercevoir encore aujourd’hui dans la magnifique ville de Vigan au nord du pays : de belles ruelles aux balcons de bois, des carrioles battant le pavé, le faste des églises coloniales et d’imposants bâtiments coloniaux. Mais ça, c’était avant.
Lorsque la seconde guerre mondiale éclata, les Philippines étaient sous protectorat américain, et le Japon envahit les îles dès 1942. Lors de la longue reconquête de 1945, alors que la prise de Manille n’était pas nécessaire, les deux camps, obstinés, se sont livrés à une bataille sanglante : la bataille de Manille. Un officier japonais buté reste avec sa garnison de 10 000 hommes au coeur de Manille, s’en suivent massacres de civils (100 000 morts …) et surtout des bombardements américains intenses ainsi que des combats de rue. Le résultat ? Une ville anéantie, Manille fait partie avec des villes européennes comme Varsovie des « Villes Martyres de la seconde guerre mondiale ». Un bien triste destin, mais qui laisse encore au voyageur quelques traces de son faste passé, et mêmes des petits bijoux encore debout. Après ma bien trop longue introduction … alors voir tout ça de plus près !
1- RIZAL PARK : HOMMAGE AUX HÉROS
J’ai parcouru Manille sous un ciel gris chargé de pluie, et mon premier arrêt fut aux portes de l’Intramuros au parc Rizal. Ce parc est un peu le poumon vert de Manille, en ce mois de décembre, on y retrouve de nombreuses décorations de noël, et même quelques crèches géantes ! Principal intérêt pour le voyageur de passage : le mémorial de José Rizal. José qui ? Vous allez retrouver son nom partout aux Philippines : José Rizal, écrivain, poète, et homme politique, fut le grand héro de l’indépendance du pays ! Mort par pendaison sur le site du monument en 1896, il est l’un des personnages les plus importants de la nation.
2- FORT SANTIAGO : LE PASSÉ COLONIAL ESPAGNOL
Une fois passée l’une des imposantes portes qui permettent l’accès à l’Intramuros, on se retrouve alors dans une autre ville. Derrière les imposantes murailles de pierre et les bastions se cachent de petites ruelles restaurées avec soin, témoignage fragile du passé colonial. La plupart des grands bâtiments ont été restaurés après la guerre, mais c’est sous l’impulsion d’Imelda Marcos (oui oui la femme du dictateur !) que les rues du vieux Manille furent protégées, à l’abri des enseignes modernes. Au nord-ouest du vieux Manille se trouve le Fort Santiago, qui a plus ou moins résisté aux bombardements. C’est l’un des sites les plus importants de Manille, l’entrée coûte 75 pesos. Allons voir ce qui se cache derrière les murs
À l’entrée une statue de Douglas MacArthur m’interpelle, l’homme, responsable militaire de la garnison américaine pendant la guerre, avait promis de venir délivrer les Philippines. Il l’un des grands personnages américains lié au pays. La construction du fort remonte à 1593, la monumentale porte d’entrée, elle, date de 1714. C’est un véritable bijou ! Au milieu des murailles, en face des anciennes douves remplies d’eau, se dresse la porte monumentale, pour moi le clou du Fort Santiago.
Les pierres sont rongées par la mousse verte et en s’approchant on remarque les nombreuses gravures autour de la porte. Certaines portent encore les cicatrices de la guerre, le blason du royaume d’Espagne a été reconstruit à l’identique, tout comme la monumentale sculpture en bois, souvenir de la « Reconquista », elle représente un cavalier chrétien écrasant l’ennemi, les Maures.
Une fois passée la porte principale, on accède aux anciennes baraques de la garnison. Mais au sol un détail m’intrigue, que représentent ces pas en métal ? C’est l’un des symboles forts de l’endroit : il s’agit du parcours de José Rizal, depuis sa cellule jusqu’au lieu de son exécution (!).
Depuis le vieux bastion « Santa Barbara » à l’extrémité du fort, c’est une toute autre vision de Manille que l’on aperçoit. Buildings, quartier chinois, rivière polluée … La visite du bastion continue, les imposantes murailles de pierre m’impressionnent, elles protègent l’entrée de Manille, aujourd’hui elles sont ensevelies par la mousse, reliques d’un passé révolu.
Quelques personnages habillés en soldats espagnols se promènent dans le fort, une petite touche humaine au milieu des vieilles fortifications. Derrière les baraques, une petite rampe m’emmène en haut des murailles. On y aperçoit notamment un fort et l’emplacement des canons, aujourd’hui absents. Le long chemin de ronde est littéralement envahi par la mousse verte et les fougères, drôle d’image, avec un peu d’imagination on peut essayer d’y voir des soldats faisant leur ronde le long du fleuve …
3- LA CATHÉDRALE DE MANILLE : CŒUR RELIGIEUX DE LA VILLE
Au coeur de la vieille ville trône l’immanquable cathédrale de Manille, visible de partout grâce à la hauteur impressionnante de son dôme. En passant : des ballades en calèches vous permettent de faire le tour d’Intramuros (Si c’est votre truc !), le seul harcèlement touristique viendra des conducteurs de carrioles. La cathédrale a été fondée en 1571, et bien sûr le bâtiment n’est pas d’origine, il a été reconstruit pas moins de 7 fois !!!
De style néo-roman, la bâtisse est imposante ! Le bâtiment actuel date de 1958 suite aux dégâts de la seconde guerre mondiale. Le tympan est majestueux, en face sur la « Plaza de Roma » se trouve la statue du roi Carlos IV, érigée par le pouvoir colonial alors en place en 1824. L’intérieur de la cathédrale est vaste, des vitraux modernes et hauts perchés jalonnent les murs. À l’entrée une plaque détaillant tous les évêques depuis la fondation m’interpelle, un monument intéressant que tous ces noms gravés, ça me rappelle l’entrée de l’église de Sainte-Marie en Beauce. L’entrée est gratuite, et bien sûr les dons sont appréciés !
4- L’ÉGLISE SAN AUGUSTIN : LE CHEF-D’ŒUVRE MIRACULÉ
Attention bijou ! Voilà un bâtiment miraculé, après avoir été frappé par un tremblement de terre en 1880, et incroyablement épargné par les bombes en 1945, l’église San Augustin nous dévoile ses charmes depuis sa construction en 1607. L’Église est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1993 en tant qu’église baroque des Philippines avec d’autres églises du pays. Il s’agit là de la plus ancienne des églises baroques de tout le pays, un endroit unique. Dans les rues entourant cette rescapée de la guerre, on retrouve de nombreuses annonces pour « Radio Vatican », ou encore des affiches annonçant la bienvenue au nouveau prêtre de l’église ! Vous remarquerez que les lampadaires sont même en forme de cloches, que de petits détails, notamment l’étonnant panneau « CHURCH ZONE no blowing or horn » !
Il s’agit de mon endroit préféré à Manille, même si je n’ai pas pu voir l’intérieur pour cause d’événement privé Rien que pour sa façade ça vaut le détour ! Autour de l’imposante porte de bois d’origine on retrouve de nombreuses statues, mais tout particulièrement des statues de … dragons ! Pas très chrétien tout ça, qu’est ce que ça fait là ?! Imaginez-vous, au 16ème siècle les espagnols manquaient de main d’oeuvre, les habitants locaux ne savaient pas travailler la pierre, et ce furent les immigrés chinois qui participèrent à la construction de l’église : d’où la présence des statues en remerciement ! C’est surtout les détails de la porte qui attirent le regard, les personnages notamment, magnifiques sculptures de bois … aux yeux bridés !!! Oui à nouveau les ouvriers chinois ! Ils ne savaient pas graver des yeux européens et les personnages se retrouvent donc bridés !
5- CASA MANILA : LA RECONSTITUTION
En face de l’église San Augustin, un bâtiment néo-colonial à été reconstruit pour illustrer la vie de la haute société à l’époque espagnole. L’entrée coûte 75 pesos et permet de retrouver l’ambiance des maisons d’époque que l’on retrouve encore à Vigan par exemple. À l’intérieur on retrouve du mobilier d’époque et un petit musée. La court intérieur nous rappelle presque l’Espagne, le lieu est utilisé pour certaines réceptions de mariages huppés. Une visite intéressante si vous ne montez pas jusqu’à Vigan dans votre découverte du pays.
J’ai aimé Manille, elle m’a surpris, séduit même ! Pour une ville qui ne n’inspirait rien c’est un tour de force ! Si vous voyagez dans ce magnifique pays, les Philippines, vous serez obligatoirement de passage à Manille, ce sera pour vous une escale courte la plupart du temps. Si vous pouvez vous le permettre, donnez une chance à Manille, et consacrez-lui une belle journée, ne serait-ce que pour vous balader au coeur de l’histoire du pays dans le quartier d’Intramuros, gardien des vestiges de l’époque coloniale. Dans une seconde chronique je vous montrerais l’autre visage de Manille, mais la vieille ville est un endroit à ne surtout pas louper
Connaissez-vous Manille ? Qu’avez-vous pensé de cette ville particulière ?
COTÉ PRATIQUE
- Un film à ne pas manquer : MANILLE (Lino Brocka – 1975) – Rare film philippin sur la vie dans les rues
- Un livre à emporter : JOSÉ RIZAL, PHILIPPIN 1861-1896 (Georges Fischer – 1970) – Pour connaître le héros local
- Nous y avons dormi 2 nuits : Best Western La Corona – Chambres un peu vieilles, mais idéalement placé !
- Un restaurant à essayer : une fois seulement, la chaîne Jolibee, le fast-food dont les locaux raffolent
- Une saison à privilégier : les mi-saisons, notamment janvier à avril, évitez les fêtes religieuses !
- Bon à savoir : Pas besoin de visa pour rentrer dans le pays
- Un autre article à lire : « Philippines : ferveur chrétienne de tout un peuple »
- Étape suivante de ce voyage : Envol pour Laoag dans le nord de Luçon, direction la vieille ville de Vigan