J’évite de parler politique généralement. Je trouve que ce n’est pas du tout le lieu et surtout, ça m’ennuie profondément. Mais forcément, je m’intéresse de près au référendum sur la sortie ou non de l’union européenne. J’ai hésité à aborder le sujet, mais vous allez voir, finalement ce n’est pas ça qui va me faire contrevenir à mes habitudes, je ne vais toujours pas parler politique. Et c’est tout le problème. Ils semblerait que les politiciens s’étonnent du manque d’enthousiasme des électeurs dans le débat sur le Brexit, qu’ils soient pour ou contre. Ahaha. C’est sûr, mais quel débat? Pour que les gens s’y intéressent, il faudrait déjà qu’il y en est un, de débat non?
À part les supporter agités du UKIP, dont la logorrhée verbale habituelle est devenu quasi inaudible au milieu des hurlements apocalyptiques des politiciens de tous bords, c’est vrai que le public n’a pas l’air plus captivé que ça…mais c’est peut-être parce qu’on a atteint les bas fonds du débat politique, pas parce que le sujet de base, l’Europe n’intéresse pas les électeurs, pour ou contre. Déjà, David Cameron s’est embarqué tout seul et à contre coeur dans ce fichu référendum, alors qu’on ne lui en demandait pas tant, non pas par conviction ou pour défendre une quelconque idée, mais à cause de l’incompétence crasse des instituts de sondage. Ils ont atteint des sommets dans l’art de prédire n’importe quoi avec un aplomb qui force le respect. On aurait pu croire qu’après s’être copieusement ridiculisés en annonçant un raz de marée indépendantiste au référendum écossais, les sondeurs essaieraient de se faire discrets. Pas du tout. Ils ont remis ça aussitôt, en prévoyant une victoire pétaradante du Labour, une percée pestilentielle des fascistes UKIPiens et une déroute totale de Cameron, premier ministre sortant aux élections parlementaires. Du coup, dans la panique et pour limiter les dégâts, Cameron a voulu détourner quelques électeurs du UKIP. Et voila comment il a promis un référendum sans réfléchir aux conséquences, tout en pensant qu’il ne serait jamais réélu pour le mettre en place.
Du coup, on assiste à une foire d’empoigne pitoyable, entre les membres de la majorité, brillamment réélue (encore une fois, les sondeurs britanniques sont remarquables dans leur nullité abyssale). C’est bien-sûr sans aucune arrière pensée que Boris Johnson, le maire de Londres, et Michael Gove, un ministre de Cameron, ont pris la tête de la campagne pour le non. Tête qu’ils se disputent d’ailleurs comme des chiffonniers et en public, ce qui ne peut que rajouter à la crédibilité de leurs propos désintéressés. Ils ne comptent évidement pas du tout prendre la place de Cameron comme premier ministre en cas de victoire du non. Du tout. Ahaha. Ce sont les électeurs qui sont cyniques en croyant ça, alors qu’eux, ils se dévouent juste pour le bien public en vociférant comme des hyènes sur un sujet sur lequel ils n’avaient jusqu’alors exprimé que des bâillements ennuyés. De toute façon , pourquoi parler de l’Europe, alors que ce qui est vraiment en jeu, c’est leur avenir politique personnel, non? L’opposition ne fait pas mieux. On pourrait penser que le Labour, traditionnellement plutôt europhile fasse campagne pour le oui. Pas du tout. C’est le silence total côté Labour. Rien à déclarer. Ils sont trop occupés à se créper le chignon entre eux, à coup de règlements de compte, de purges, de complots pour flanquer dehors leur leader Corbyn, qui fait preuve d’une incompétence et d’un amateurisme édifiant, et de petites vengeances personnelles. C’est à se demander si on leur a dit qu’il y allait avoir un référendum sur l’Europe, ils n’ont pas l’air d’être au courant.
Vous rajoutez par dessus la qualité des déclarations, dans les deux camps, chacun nous promettant rien de moins que la fin du monde si on ne vote pas comme ils veulent. Pas la peine d’étayer, d’analyser, d’argumenter, bref d’essayer d’élever le débat un chouïa, puisqu’on vous dit que ce sera l’apocalypse. Pas besoin de discuter pendant des heures. On se renvoie à la tête des listes de soutien tellement bien faites qu’on y retrouve généralement les mêmes personnes, qui sont les premiers surpris d’apprendre qu’ils ont non seulement une opinion sur la question mais aussi l’opinion inverse. En même temps. Même le nom de cette pauvre Lizzie, qui s’est offusquée qu’on lui prête ainsi des idées a été mêlé au pugilat qui tient lieu de débat. Alors effectivement, les électeurs sont plus atterrés par le spectacle pitoyable que nous offre les politiciens que captivés par le référendum. Par contre, si on organisait une consultation pour flanquer à la mer, ou au moins faire taire les politiques, je suis sûre que ça déplacerait les foules.