Il n’y a plus de saison touristique en Islande, ma bonne dame. Dans ce beau pays, les touristes occupent les lieux tout au long de l’année. Le centre-ville de Reykjavík accueille une foule multinationale et plutôt sympathique. Certains Français parlent haut et fort, commentant ce qu’ils voient comme s’ils étaient sur la lune en direct avec Houston. À l’attention de ceux-là, un petit avertissement s’impose : les Islandais sont de plus en plus nombreux à maîtriser peu ou prou la langue de Molière. Prudence, donc. Une certaine autocensure est parfois de bon aloi.
L’autre jour, une dame d’un certain âge, apparemment d’origine britannique, est venue vers moi et a chuchoté : Are you an Icelander ? Je lui ai répondu que oui. Elle m’a alors demandé :
Do you know where I’ll find that world-famous hot-dog stand ?
J’avoue avoir hésité. Je lui ai dit que je suis végétarienne et très peu au courant des curiosités culinaires carnées. Puis je me suis dit : Bon sang, elle veut dire Bæjarins bestu ! Je lui ai donc donné des conseils pour trouver cette merveille. Comme c’est étrange.
J’ai noté aussi que certains touristes portaient un masque comme s’ils étaient des chirurgiens en pleine opération. En fait ce n’est guère étonnant. La pollution est parfois intolérable dans le centre-ville, surtout depuis que l’horrible centrale géothermique de Hellisheiði s’est mise à cracher de l’anhydride sulfureux à fortes doses sur les secteurs environnants.
Et puis enfin, la présence de ces visiteurs a été, pour de nombreux Islandais, l’occasion de faire un peu le ménage, de repeindre les façades et de se montrer sous leur meilleur jour. Bien entendu, on évitera d’évoquer les scandales de corruption à répétition et à rebondissements incessants qui secouent les foyers. Des scandales fort bien dissimulés derrière les coquettes façades, cela va de soi.
Bon et oui : il fait beau, il fait doux. Le printemps est là. Les frasques des ripoux et autres fâcheux ne pourront pas nous enlever ça. Espérons juste que les jours du présent gouvernement soient comptés. Espérons que la révolte des casseroles reprendra de plus belle.