1,3 million. C’est le nombre de touristes ayant séjourné en Islande en 2015. 4 fois le nombre d’habitants. Et 30% de plus que l’année précédente, laquelle fut déjà une année record. La part de l’industrie du tourisme dans les revenus des exportations a dépassé celles de la pêche et de la production d’aluminium. Le secteur constitue aujourd’hui à la fois une opportunité et un défi qui mobilisent de nombreux acteurs, au premier rang desquels figure le Ministère de l’industrie, du commerce… Et désormais du Tourisme. Les enjeux sont tels qu’une « task force » a été mise en place afin d’anticiper et de préparer l’essor attendu de cette manne dans les décennies à venir.
Les tristes conséquences de cet engouement nouveau pour le tourisme en Islande ont déjà été évoquées sur ce site et je ne doute pas que nous ayons d’autres occasions de vanter la passion désintéressée dont témoignent certains islandais à l’endroit de leur terre.
Iceland Academy ou l’éducation de Monsieur et Madame Touriste
Mais aujourd’hui, je voulais vous causer de la campagne développée par l’Office de tourisme d’Islande. Vous avez certainement entendu parler de l’Iceland Academy.
Abrutis sautillant gaiement sur la mousse, crétins sillonnant allègrement les pistes interdites aux automobiles ou débiles bloqués sur les plateformes instables et glacées de Jökulsárlón : il faut bien admettre que les exemples de comportements stupides sont légion. Une « école de bonne conduite » pour ces fâcheux (comme dirait Ólöf) n’était donc pas vaine.
En gros, le dispositif a pour but de transformer Monsieur et Madame Touriste en personnes avisées, respectueuses de l’environnement et au fait des multiples activités qu’offre la destination. 8 sympathiques professeurs amateurs ont pour mission d’inculquer les rudiments d’un tourisme insulaire responsable aux visiteurs.
Monsieur Touriste, as-tu pensé à laver popol ?
Pour atteindre cet objectif ambitieux, 4 courtes vidéos sont disponibles sur le site de l’OT. Au programme de ces premiers tutoriels : hygiène à la piscine, respect de la nature, consignes de sécurité et activités hivernales. D’autres sujets (festivals, aurores boréales, gastronomie locale, conduite…) viendront bientôt.
Après avoir visionné chaque vidéo, Monsieur et Madame Touriste sont invités à répondre à 3 questions relatives au sujet abordé pour gagner leur badge Iceland Academy. Un tirage au sort déterminera prochainement les deux heureux gagnants d’un séjour sur l’île (j’ai participé ! Ce serait bien la première fois que je gagne un truc mais sait-on jamais !). Rien de bien compliqué pour peu que Monsieur et Madame Touriste aient été attentifs. La chose est même traduite en français, ce qui nous donne une indication sur le niveau d’anglais de mes chers compatriotes tel qu’il est perçu localement.
Premier constat : on ne peut pas rire de tout ! Si la vidéo abordant les consignes en matière de « balnéothérapie » est une illustration réussie de l’humour islandais, celle traitant de la sécurité s’avère franchement soporifique. On peut donc se gausser du nécessaire nettoyage de la quéquette, mais on ne rigole pas avec les conséquences d’une météo changeante. Dommage. Quand il est question de pédagogie, la dérision me parait souvent bien plus efficace que l’explication rébarbative.
Deuxième constat : ces petites séquences ne sont de mon point de vue destinées qu’à certains touristes. Sur le 1,3 million de badauds qui visitent l’île, tous ne sont fort heureusement pas concernés par les évidences exposées. Encore une fois, il faut être un sacré nigaud pour se déplacer en t-shirt sur un glacier et un complet sagouin pour partager ses mycoses avec ses voisins. Faut-il en conclure que cette différence d’approche d’une vidéo à l’autre a pour but de clarifier des banalités que seules de parfaites andouilles pourraient ignorer ?
Troisième et dernière réflexion, corrélée à la précédente : étant donné le degré Hvannadalshnjúkurien de beaufitude des Monsieur et Madame Touriste visés, faut-il s’attendre à ce que de parfaits benêts visionnent des vidéos et tiennent compte de messages dont ils se préoccupent probablement autant que de leur premier rot houblonné ? C’est comme tenter de sensibiliser un chauffard multi-récidiviste sans permis sur la dangerosité de son comportement et l’obligation de préserver la vie d’autrui. Ce con-là non plus n’en a rien à cirer.
Reste que l’Iceland Academy est un bon concept parce qu’il aborde certains thèmes essentiels sans culpabiliser Monsieur et Madame Touriste (j’exclue la promotion des activités hivernales telles que la moto-neige dont le caractère écologique ne m’a pas semblé évident).
Je suis malgré tout curieux de savoir si cette idée aura, dans les années à venir, un impact significatif sur le nombre d’actes malveillants constaté.