The princess of Sealand


J’adore l’excentricité anglaise et les doux illuminés. J’ai donc été toute triste d’apprendre dans la presse le décès de la Princesse de Sealand alors que je n’en avais jamais entendu parlé avant. Franchement j’ai cliqué sur l’article par pur chauvinisme, parce que c’était dans les News de mon comté, l’Essex et qu’il ne s’y passe pas grand chose. Je me demandais ce que les merveilleux esséxiens avaient encore inventé. Je n’ai pas été déçue, au contraire. C’est quoi ce Sealand? Ça n’ a rien à voir avec un parc aquatique ou des choses comme ça.  Ce n’est pas une association de pêcheurs à la ligne en terre sèche. Ou de collectionneurs d’aquariums (aquarii?) en plastique. Pas du tout, Sealand est carrément une principauté indépendante. A peu de choses près. Joan Bates, alias la princesse de Sealand nous a quitté le 10 mars dernier. C’est son mari, Roy qui a eu l’idée lumineuse de s’approprier et de transformer hardiment en principauté une plateforme militaire paumée et à l’abandon en Mer du Nord, à 11 miles des côtes anglaises. On a connu plus glamour, comme royaume, mais il fallait y penser.

 The princess of Sealand 

On ne rigole pas. Sealand a un site web (ici, j’y ai pris les photos, mais il y en a plein d’autres toutes aussi captivantes les unes que les autres), un drapeau officiel, un hymne, une monnaie, un passeport et même une équipe de foot, composée des gentils originaux qui ont demandé le passeport donc, alors qu’il n’est pas franchement officiel. Disons que ça risque de provoquer de l’urticaire au douanier moyen, si vous lui présentez un passeport sealandais. On peut même devenir lord ou lady de Sealand pour la modique somme de £29,99. C’est génial. Moi qui ne sais jamais quoi offrir à Noël! En plus il y a un joli diplôme encadré, c’est somptueux. Par contre, pour être duc ou duchesse, c’est plus cher, c’est carrément  £199…cela dit, c’est une affaire quand on pense à combien les parents de Kate ont dû payer pour pouvoir l’envoyer dans la même université et surtout la même résidence que William. C’est bien simple, la pauvre fille n’avait plus un centime pour s’habiller et a été obligée de se balader en sous vêtements sous le nez de William (c’est véridique, il y a des photos qui traînent sur le net…mais bon, je ne suis pas sûre que ce soit exactement lié à un problème pécuniaire). 

 The princess of Sealand 
Je vous mets une photo de la principauté, c’est coquet non? La famille Bates ne plaisante pas et affirme que sa plateforme est un état indépendant, pas juste un tas de ferraille rouillée datant de 1942 avec un fort militaire (Rought Tower) extrêment désaffecté au milieu. Roy Bates, un esséxien y débarque au début des années 60, pas pour en faire une principauté, mais pour y installer une radio pirate (comme les radios libres en France) , Radio Essex. Je suis un peu déçue du nom, c’est banal. Enfin bref, ça contrarie un tantinet les autorités. Du coup pour échapper à un procès, Roy déménage avec sa petite famille sur la plateforme. Pendant ce temps, (c’est captivant), la Marine britannique fait ce qu’elle a à faire, c’est à dire détruire toutes les autres plateformes de ce type constuites pendant la guerre. Les marines narguent Roy et n’arrêtent pas de faire exploser des trucs dans son voisinage en lui assurant que la prochaine fois, ça tombera sur sa plateforme. Roy décide alors de proclamer l’indépendance de Sealand, qui n’est pas dans les eaux territoriales britanniques (ni d’aucun autre pays d’ailleurs) mais  juste à côté.  Il en fait une principauté le 2 septembre 1967, pour l’anniversaire de sa femme et donc lui offre le titre de princesse de Sealand. Il n’hésite pas à dire que c’est extraordinairement romantique, mais bon, ça ne lui a rien coûté non plus, et ça n’a aucune valeur en dehors de sa plateforme…même pas fichu d’offrir un bouquet de fleurs à sa femme…pfff. Le 25 novembre 1968, Roy se retrouve au tribunal de Chelsmford (c’est la capitale de l’Essex) où un juge confirme que Sealand étant dans les eaux internationales, il peut y faire ce qu’il veut sans que l’état britannique ne puisse y changer quoique ce soit. 

  

The princess of Sealand  

Mais forcément, une principauté aussi fastueuse attire les convoitises. Si. En 1978, Sealand est carrément attaquée par des pirates et autres mercenaires allemands, à coup de jet ski. Je n’invente rien. Honnêtement, même dans mes délires les plus fous, je n’aurais pas osé imaginer ça. J’adore. Je suis à deux doigts de demander un passeport sealandais…je reprends. Alexander Achenbach, se prétendant premier ministre de Sealand tente un coup d’état audacieux en profitant que la famille Bates soit sortie, il faut les comprendre, c’est quand même petit et pas follement guilleret, leur royaume. Manque de chance, il reste le fils. C’est pas grave, Achenbach et ses mercenaires le prennent  en otage, les traitres. Mais n’écoutant que son courage, le petit Michael (c’est le fils) parvient à s’échapper…en même temps comme il ne risque pas d’aller loin, il récupère une arme qui trainait bêtement (c’est bordélique aussi un mercenaire, ils n’avaient qu’à ranger leurs jouets). Et hop, Michael capture le méchant. C’est encore mieux que James Bond. Achenbach est accusé de haute trahison et il doit payer une amende de £230 000 (sterling, pas sealandais).

 Je ne peux plus, c’est merveilleux tout ça. Il y a même une adresse à Leighton-on-sea toujours dans l’Essex, pour contacter la principauté. La boutique en ligne regorge de cadeaux plus somptueux les uns que les autres, dont l’autobiographie du prince Roy et celle de son fils.  Les aventures du nouveau prince (j’imagine qu’il récupère le titre fantoche de sa maman)  vont bientôt être adaptées au cinéma. Tout ça à cause d’un bout de ferraille grand comme deux terrains de tennis. Ça fait rêver.