Retour au bout du monde

Publié le 18 février 2016 par Romuald Le Peru @SwedishParrot

Ce ne sont que quelques kilomètres avalés en quelques heures, vautré dans le siège d’un avion survolant les montagnes infinies des Alpes, les étendues inconnues d’Europe de l’est et d’Asie occidentale, bien au-dessus des peuples qui se déchirent et meurent de froid à l’heure qu’il est, les déserts arabes, les montagnes sèches du Pakistan et les grandes villes de l’Inde…
Au bout de la route et d’heures de sommeil perdues à jamais, il y aura la nuit paisible au bord de la Chao Phraya, bien plus au nord de Bangkok, sur les rives des bras artificiels du fleuve sacré, là où le roi U-Thong créa sa capitale en 1350, Ayutthaya. La nuit paisible et le silence de la rivière une fois le soir tombé, et surtout l’inconnu d’une cité dont je n’ai absolument pas l’intuition. Il y aura tout à y découvrir une fois l’avion posé. Derrière moi je laisserai le fantôme de Wilfred Thesigher, sa barbe encapuchonnée sous des mètres de tissus, le visage buriné et les sourcils pleins de sable.
Il y aura aussi un petit avion qui me déposera au bord du Golfe de Thaïlande, non loin d’un quai d’où un bateau m’emmènera vers une île qu’il faut presque quatre heures pour rejoindre. L’air chaud me surprendra encore une fois tandis que je transpirerai en regardant la mer du Golfe agitée de soubresauts taquins. L’odeur des frangipaniers à peine fleuris, le matin à mon réveil, la douce moiteur des levers face à la mer impassible, l’odeur d’une marée tranquille qui ne parcourt que quelques mètres par jour, paresseusement. Il y aura tout pour s’oublier et se perdre, retourner sur mes propres pas, pénétrer les temples ouverts aux quatre vents, regarder les peuples vivre au rythme des ritournelles simples jouées par les clochettes des temples battues par le vent léger.
Encore une fois, c’est certain, je vais me perdre. Paris/Mascate/Bangkok/Ayutthaya/Ko Phangan/Bangkok/Mascate/Paris, des noms qui se juxtaposent sans rien vraiment dire du bonheur que c’est d’être sur les lieux, de sentir mes pas franchir d’innombrables frontières, à chaque rue, dans Chinatown à Bangkok ou sur la rive de Thonburi. Et pourtant, insatisfait, je rêve des forêts moites du nord et des frontières du Triangle d’Or, des petits temples perdus dans la vieille ville de Chiang Mai, des chiens qui se battent au lever du soleil sous l’atmosphère brune des chedi en brique qui regardent le sol lorsque moi je regarde le ciel…
Je serai bien, tranquille comme un moine à l’ombre de l’arbre sacré, fier et humble à la fois, ne demandant rien d’autre que de contempler les minutes qui s’égrènent au rythme des saisons.

Bangkok - Chinatown - Août 2013

Chiang Mai - Wat Duang Dee - Août 2013

Bangkok - Jeune fille sur le bac du Wat Arun - Août 2013

Bangkok - Magasin de statues religieuses sur Thanon Bamrung Muang - Août 2013