On le sait, la Pologne, territoire stratégique entre la Russie et l’Europe Occidentale, a subi des dégâts humains et matériels considérables pendant des siècles de conflits et notamment lors de la seconde guerre mondiale. On le sait et pourtant on est encore loin de la vérité. Une vérité que l’on a peine à imaginer même devant les restes d’un ghetto, même dans une chambre à gaz, même au cœur d’un camp d’extermination dont l’immensité vous glace le sang… Pour différentes raisons, certaines personnes refuseront de se tourner vers cette partie de l’histoire. Je les comprends. Moi-même je m’y étais refusée et pourtant, poussée par l’horreur j’ai quand même voulu voir ce que l’on connait par cœur et que l’on ignore : Auschwitz.
Auschwitz ou pas Auschwitz ?
En préparant mon voyage en Pologne, la question s’était forcément posée. Devions-nous visiter les camps d’Auschwitz, étape indispensable sur la route de Cracovie, selon les guides de voyage ? Pour ma part, j’étais plutôt sceptique. 1,1 millions de morts n’était ce pas 1,1 millions de raisons de ne pas y aller et de laisser cet endroit en paix ? J’avais alors demandé l’avis de plusieurs personnes autours de moi. Certains m’avaient dit ne jamais vouloir y aller, d’autres que c’était un devoir de mémoire et pour finir j’avais pris le parti de ne pas inscrire Auschwitz sur mon carnet de route.
Mais une fois arrivée en Pologne, à quelques dizaines de kilomètres d’Oswieçim (Auschwitz en polonais) je n’étais plus aussi sûre de mes convictions. Toutes ces heures au lycée, passées à écouter le prof d’histoire nous parler de la seconde Guerre Mondiale, tous ces livres lus, tous ces films traitant du sujet, tous ces documentaires passant en boucle tous les ans au moment de l’armistice et j’allais passer à côté sans même aller voir, sans même aller constater, avec mes propres yeux, que oui, « ça » avait bien existé ? Non, impossible, je voulais au moins me rendre devant l’entrée, juste devant l’entrée, pas plus. Mais Auschwitz, c’est comme un film d’horreur, on aime pas ce que l’on regarde et pourtant on veut toujours en voir plus.
Visite des camps
A l’origine, il existait trois camps à Auschwitz : Auschwitz 1, Auschwitz II Birkenau et Auschwitz III Monowitz, dont il ne reste, pour ce dernier, aujourd’hui plus rien. Les deux camps restant se visitent gratuitement. Pour s’y rendre, si vous n’êtes pas véhiculé, des excursions sont organisées tous les jours par des dizaines de tour operateurs présents dans le centre de Cracovie. Autre astuce, prendre un taxi pour plus de liberté. Compter 1h20 de trajet (60km). On y reste 1h ou une journée, mais si le temps est limité, vous pouvez consacrer la matinée à la visite des deux camps.
Auschwitz 1 est resté intact et est très bien entretenu. Après avoir franchi un sas dans lequel on est fouillé, on arrive un peu hébété devant la barrière estampillée de la célèbre phrase « Arbeit macht frei », le travail rend libre (mais bien sûr…), puis aux différentes ruelles du camp. En toute honnêteté, si on ne prête pas trop attention aux détails, le lieu est presque mignon avec ses petits chemins et ses maisonnettes en briques. Mais dès qu’on lève les yeux, les barbelés nous rappellent où nous sommes, et la chambre à gaz reconstruite, au bout de la visite ne laisse aucun doute sur l’horreur passée. Dans les blocks 4 et 5, les effets personnels (chaussures, cheveux…) des détenus sont exposés. A voir, ou pas….
Cliquer pour visualiser le diaporama.Carton rouge néanmoins pour Auschwitz 1 : Plus affligeant encore que le parking payant, le vestiaire obligatoire payant ou les stands à hotdogs devant l’entrée, l’indécence des gens. Si vous êtes normalement constitués, vous serez vous aussi choqués par le comportement des touristes qui se pensent à Disneyland et multiplient les selfies ou photos de familles et qui s’allongent sur les murets des chambres à gaz pour bronzer… Sans commentaire…
Auschwitz II Birkenau est situé quelques kilomètres plus loin. Ici, pas de parking payant, pas de fouille non plus, c’est totalement libre d’accès. Sa tristement célèbre entrée, avec les rails ayant menés des centaines de milliers de personnes dans le camp et pour beaucoup, à la mort, fait froid dans le dos. Mais ce n’est rien à côté de ce que l’on ressent à l’intérieur qui a volontairement été laissé en l’état. Si possible, visitez le camp au coucher du soleil, quand les ombres des baraquements en bois reconstitués, du wagon de déportation et des tours de garde s’étirent à l’infini et donnent une impression de fin du monde. Quand le soleil rasant nous ébloui et que l’on a du mal à voir ce que l’on a du mal à croire. On ne parle pas à Auschwitz Birkenau, c’est à peine si on ose chuchoter, on ne pleure pas, on ne sourit pas, on est humble et on se pose toujours la même question : Comment cela a-t-il été possible ?
Cliquer pour visualiser le diaporama.A voir aussi à Cracovie
A Cracovie, dans le quartier de Podgorze, se trouve l’ancien ghetto dont il ne reste aujourd’hui qu’un pan de mur. Là devant vous, à la place de ces quelques immeubles, ont vécus 15.000 juifs concentrés dans un espace ridiculement petit, avant d’être déportés. C’est également dans ce quartier que se trouve l’usine d’Oskar Schindler, que l’on peut visiter (ouvert de 9h à 20h) et dans laquelle se trouve le musée de la seconde guerre mondiale de Cracovie (prix : 17 zlotys).
En conclusion…
Alors au fond, Auschwitz est il un lieu de pèlerinage ou un piège à touristes ? Je dirai quand même que c’est un lieu de pèlerinage bien qu’à l’évidence pour beaucoup de personnes c’est avant tout un « site touristique » dont la Pologne a d’ailleurs su tirer partie. Mais les camps n’en restent pas moins au fond un témoignage terrible de l’histoire, un vestige de ce qui a existé et qu’il ne faut pas oublier. Plus qu’un lieu de pèlerinage, c’est aussi un lieu de méditation, car là, au milieu de ce grand vide, on est seul face à soi-même et on ne peut pas s’empêcher de se dire qu’on a quand même de la chance de vivre 75 ans plus tard.