7 ans…
Sept ans que les manifestants des Casseroles ont obtenu la démission du gouvernement de Geir Haarde (Parti de l’Indépendance) coupable selon eux de n’avoir pas su éviter une des plus profondes crises économiques de l’histoire de l’île. Et deux ans et demi que ce parti est revenu au pouvoir, associé au Parti du Progrès. Moins un succès électoral que l’échec d’une coalition de gauche qui a payé cher, non seulement des décisions impopulaires pour sortir le pays de la crise, mais aussi des attentes difficiles à satisfaire et surtout d’incessantes divisions.
Grâce aux mesures décidées immédiatement après le déclenchement de la crise par le gouvernement de Geir Haarde en liaison avec le FMI, puis confirmées et complétées par le gouvernement de gauche, celle-ci n’est plus rappelée aux Islandais que par la persistance du contrôle des changes, en passe d’être démantelé. Mais si ces mesures, qui n’avaient rien d’original, ont produit des résultats c’est que, à la différence d’autres pays, elles se sont appuyées sur la cohésion et la solidarité de la communauté islandaise et la vitalité de ses membres. Il ne suffit donc pas de vanter d’incontestables succès économiques, dont la paternité n’appartient pas au seul gouvernement en place depuis avril 2014, pour regagner une popularité très vite perdue. Il faut aussi assurer une répartition équitable des gains, conforme aux valeurs traditionnelles de la communauté.
En janvier, comme depuis plusieurs mois, ce sont donc les questions sociales et sociétales qui font l’actualité : santé, éducation des enfants, logement, immigrants, religion…
Actualité sociale & sociétale
Santé Kári Stefánsson © http://blog.chris.is/
Fondateur de Decode, entreprise connue pour avoir analysé l’ADN d’un grand nombre d’Islandais, le généticien Kári Stefánsson lance, après plusieurs alertes, une pétition sur le système sanitaire par laquelle il demande que la part des dépenses consacrées à la santé soit portée de 8.7% à 11% du PNB comme en Suède.
En quelques heures la pétition recueille 40.000 signatures.
Kári explique :
il s’agit de décider quelle place nous voulons donner au « care » dans la société islandaise.
Kristján Þór Júlíusson, Ministre de la Santé (Parti de l’Indépendance) s’étonne :
le système sanitaire islandais n’a rien à envier à celui des autres pays nordiques ; nos dépenses sont au niveau de celles de la Finlande et de la Norvège !
Mais il est vrai que se faire soigner en Islande n’est pas toujours facile : longs délais pour rencontrer un spécialiste, remboursements très limités, notamment pour les soins dentaires… Le succès de la pétition initiée par Kári ne résulte pas du hasard.
Education des enfants
Selon l’Unicef plus de 6000 enfants de 1 à 15 ans vivraient dans le besoin dont 1900 en grand besoin. La nouvelle fait l’effet d’une bombe, car elle met à mal l’image de l’enfant-roi si courante sur l’île. La méthode d’analyse de l’Unicef est complexe, englobant en particulier le logement, la nourriture, l’habillement, la vie sociale, et laisse une grande place à la subjectivité, mais ses résultats restent inquiétants : le nombre d’enfants jugés dans le besoin passe de 4% en 2009 à 9.1% en 2014. Le besoin concerne en particulier le logement, passant sur la période de 8.9% à 13.4% (9000 enfants).
Eygló Harðardóttir, Ministre des Affaires Sociales (Parti du Progrès) y voit un argument pour enfin pouvoir mettre à l’ordre du jour de l’Alþingi un projet de loi sur le logement auquel le Parti de l’Indépendance est hostile.
Immigrants © AFP Photo/Haraldur Guðjónsson
Le 19 janvier, l’Islande reçoit ses premiers Syriens, 35 au total, dont la plupart seront installés à Akureyri. Ils sont accueillis à l’aéroport de Keflavík par Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, Premier Ministre et Eygló Harðardóttir. Opportunisme de Sigmundur Davíð, d’abord très hostile à l’arrivée de ces migrants, ou changement d’opinion ? Peu importe : par son geste il montre qu’il est le Premier Ministre d’un pays où l’accueil et la solidarité ne sont pas de vains mots. Il est vrai que la situation de plein emploi a facilité cet accueil : de tous les pays de l’OCDE, l’Islande est le pays où le taux d’emploi des immigrés est le plus élevé : 84%.
Religion
Siðmennt, association laïque mais récemment portée sur la liste des « églises », fait réaliser fin novembre une très intéressante étude sur les pratiques religieuses des Islandais. Selon cette étude 46% des Islandais se disent croyants et 30% non croyants. 24% ne savent pas. Mais on observe d’importantes différences :
- selon l’âge : 17% seulement des jeunes de moins de 25 ans se disent croyants, 61% pour les personnes de plus de 55 ans,
- selon le lieu d’habitation : entre 39% de croyants à Reykjavík et 63% dans le sud,
- selon le parti politique, allant de 31% chez les Pirates à plus de 66% pour les partisans des deux partis au pouvoir.
L’autre sujet abordé est le caractère officiel de l’Eglise Nationale, inscrit à l’article 62 de la Constitution. 49% sont favorables (52% des femmes) à une séparation de l’Eglise et de l’État, 19% sont contre, 32% indifférents. Ce résultat montre une sensible évolution puisque 51.5% des votants s’étaient montrés hostiles à tout changement lors du référendum d’octobre 2012 sur le projet proposé par la Commission Constitutionnelle.
On retrouve logiquement les mêmes tendances à propos des aides versées par l’État aux diverses églises déclarées (env. 45 !) et financées par une taxe de 10.776 Ikr par an (environ 76€) que doit payer chaque personne de 16 ans et plus. 46% sont contre cette subvention, alors que 29% croient que l’Eglise Nationale doit recevoir une subvention plus élevée que les autres en compensation de services tels que la gestion de l’état–civil. L’adhésion au Zuisme est brutalement passée de 2 membres à 3000 quand ses dirigeants (?) ont annoncé qu’ils rembourseraient la taxe aux adhérents à cette religion jusqu’ici confidentielle… Le débat est d’autant plus opportun que la nouvelle Commission Constitutionnelle doit bientôt annoncer ses propositions de révision. Mais on sait déjà que ce sera sans modification de cet article 62, auquel les deux partis au pouvoir tiennent encore beaucoup.
L’actualité politique
Birgitta Jonsdottir – © Vivre en IslandeCohérent avec ce qui précède ? Selon le dernier sondage MMR les Pirates augmentent leur avance et sont maintenant à 37.8% des intentions de vote. Le Parti de l’Indépendance tombe en dessous de 20% (20.9 le 7 décembre) et le Parti du Progrès est à 10% (12.9% début décembre). Dans l’opposition seule progresse la Gauche Verte, de 9.4% à 12.5%. Les autres partis restent approximativement à leur niveau antérieur. Quant au gouvernement il est à 30.1% contre 35.6% le 5 décembre.
La réforme constitutionnelle
On sait qu’une commission a repris le travail de réforme de la constitution engagé en 2010 et quasi abandonné malgré un référendum positif. Elle est dirigée depuis septembre 2014 par Páll Þórhallsson, chef du service juridique dans les services du Premier Ministre, et associe des juristes et des dirigeants politiques. La remise de ses propositions est sans arrêt repoussée bien que ses ambitions semblent limitées au développement de la « démocratie directe », c’est à dire l’usage du référendum. Celui-ci pourtant existe dans la constitution sous deux formes : à l’initiative du Président de la République quand il refuse de promulguer une loi – mais peut-on parler de démocratie directe lorsque la décision de consultation appartient à un seul homme seul, fût-il élu au suffrage universel ? – et à celle de l’Alþingi. Dans ce cas le résultat est indicatif, mais il est peu probable que l’Alþingi ne suive pas l’ « indication » résultant d’une consultation qu’il a lui-même décidée ?
L’originalité du travail en cours porte sur la saisine consécutive à une pétition dont il reste à fixer le seuil. De même une pétition pourrait inviter l’Alþingi à se saisir d’une proposition de loi. Cette idée est l’une des plus intéressantes proposées par l’ancienne Commission Constitutionnelle.
L’élection présidentielle Ólafur Ragnar Grímsson – © https://steingrimurdui.wordpress.com/
Mais il y a beaucoup plus à revoir dans cette constitution, et notamment le rôle du Président de la République. Qu’on l’approuve ou pas, Ólafur Ragnar Grímsson en a fait une fonction politique, et il sera très difficile de revenir en arrière, d’autant que le président est élu au suffrage universel. Il est dommage que la commission ne se saisisse pas du problème, mais la question est délicate. Pour l’heure aucun candidat d’envergure ne s’est manifesté. Les sondages mettent loin en tête Katrín Jakobsdóttir, Présidente de la Gauche Verte (21.8%) devant Ólafur Jóhann Ólafsson (8.8%) longtemps domicilié à New-York et auteur du best seller « Retour en Islande », à égalité avec Andri Snær Magnason, écrivain surtout connu pour son pamphlet « Dreamland ». Mais à ce jour aucun d’eux n’est candidat !
Actualité économique
Comme les mois passés, les Russes permettent de passer du politique à l’économique, car la pression ne se relâche pas sur Gunnar Bragi Sveinsson, Ministre des Affaires Etrangères (Parti du Progrès), à propos du boycott de certains produits islandais, surtout maquereau, hareng et capelan. Malgré le soutien plus que mou de ses collègues, celui-ci reste imperturbable et met un plaidoyer en ligne sur les sites des ambassades de son pays. Malgré cela, le commerce extérieur reste positif, ce qui permet à l’État islandais de réduire son endettement de 10% en 2015, le ramenant ainsi à 75% du PNB.
Autre remboursement, à haute valeur symbolique : Icesave. Britanniques et Néerlandais sont maintenant intégralement remboursés par l’ancienne Landsbanki. Ainsi s’achève un feuilleton qui a intoxiqué la vie politique et économique de l’île pendant plusieurs années et a été à l’étranger, surtout en France, le sujet de commentaires très tendancieux. Dans une tribune parue dans Kjarninn, Steingrímur Sigfússon, Ministre des Finances du gouvernement de gauche, tente de justifier son soutien à l’accord signé en juin 2009, accord certes peu avantageux mais qui selon lui aurait permis de tourner la page alors que l’on savait déjà que Landsbanki était en mesure de rassembler les actifs permettant de satisfaire au moins 75% de la demande des Britanniques et Néerlandais, et finalement 100%. Il semble clair aujourd’hui que la voie imposée par le Président Ólafur Ragnar Grímsson a certes satisfait la fierté nationale des Islandais, favorisé sa réélection, et propulsé Sigmundur Davíð Gunnlaugsson sur le devant de la scène, mais elle a été extrêmement coûteuse si l’on considère les contraintes qu’elle a imposées : perte de crédit international, utilisation de consultants islandais et internationaux, débats sans fin à l’Alþingi…
Actualité culturelle
Cette seizième édition du Festival du Film Français a eu lieu à Reykjavik entre le 15 et le 27 janvier et à Akureyri entre le 17 et le 24 janvier. Dix films étaient présentés et une place particulière justement faite à Sólveig Anspach décédée en août dernier.
Culturelle ou politique la réaction de Sigmundur Davíð quand il proteste contre le projet de construction sur Hafnartorg à proximité du port qu’il verra de la fenêtre de son bureau ? Qu’il s’agisse de l’aéroport domestique ou d’aménagements divers, il ne manque pas depuis qu’il est Premier Ministre une occasion de s’immiscer dans les projets de la Mairie de Reykjavík. Espoir de grappiller quelques voix pour son parti peu présent dans la capitale, ou véritable intérêt pour l’architecture ?
Et pendant de temps la vie continue…
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- 15.01 : 3360 chevaux ont été exportés en 2015, nombre jamais atteint auparavant,
- 17.01 : selon l’OCDE 11.7% des Islandais vivaient à l’étranger en 2014, moins cependant que les Irlandais (17%), mais bien plus que les Français (2.6%),
- 21.01 : en 2015 Margrét est le nom le plus souvent donné aux filles, puis Anne et Emma. Aron, puis Alexander et Viktor sont les préférés chez les garçons,
- 21.01 : Ástþór Magnússon, candidat à l’élection présidentielle propose que Bessastaðir, résidence présidents islandais, devienne le siège des Nations Unies. L’Islande est un pays pacifique, et le PNB islandais augmenterait ainsi d’un tiers,
- 22.01 : depuis 1970 43 personnes ont disparu de l’île, tous des hommes