Je continue mon compte-rendu dordognais avec un nouveau château, mais pas n'importe lequel. Ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre un site comme le château de Commarque. Ici, pas de grand domaine, de beaux jardins, de mobilier d'époque. Pas de tapisseries, d'ors ou de marbre. Seulement quelques murs qui résistent vaillamment au passage du temps, envahis par l'herbe. Mais ce n'est pas non plus qu'un tas de ruines, sans âme ou intérêt. Car le lieu, comme l'histoire qui s'y attache, sont passionnants : habité depuis la préhistoire dans des habitats troglodytiques comme il en pullule dans la région, ancien castrum médiéval, il fut abandonné à la fin du XVIIe siècle et la nature y reprit ses droits... jusqu'à ce qu'un lointain descendant d'une des familles nobles installées ici, Hubert de Commarque, rachète le château dans les années 1960 et décide de lui redonner une seconde vie.
Le site est perdu au milieu des bois, perché sur un éperon rocheux, et domine la vallée de la Beune. Après avoir emprunté des petites routes qui semblent mener nulle part et être arrivé au parking, il faut encore emprunter un sentier sur 600 mètres, sous les arbres pour qu'enfin cette vallée se dévoile sous nos yeux : impossible de tomber dessus par hasard. Les premières traces d'occupation remontent à 15 000 ans en arrière, comme en témoignent la grotte préhistorique et les habitats troglodytiques aménagés. Mais c'est au XIIe siècle qu'est prise la décision d'y bâtir un château, par les abbés de Sarlat, afin de contrecarrer les ambitions des Beynac. Peine perdue. D'abord simple tour de bois, le lieu s'agrandit progressivement, avec un donjon en pierre, propriété des Beynac, qui se rendent rapidement maîtres du castrum par des jeux d'alliance et de mariages, puis par des maisons-tours, où vivent les autres familles seigneuriales. Une chapelle sera également érigée. L'endroit est une place forte, avec un but défensif évident, comme en témoignent les murs d'enceinte, le profond fossé ou encore l'architecture et la disposition des bâtiments à l'intérieur, ainsi que la présence d'une barbacane. Chose qui n'a rien d'étonnant quand on connaît l'histoire agitée du Moyen Âge.
Le four a été restauré récemment, avec son toit en lauze.
Quant au petit peuple, il vit à l'extérieur de l'enceinte du castrum, dans les habitats troglodytiques qui lui font face. Pour le moment, les écrits d'époque et les fouilles ont permis de recenser six familles vivant sur le site. Ce sera finalement la guerre de Cent Ans puis les guerres de Religion qui auront raison du castrum et marqueront son déclin, en même temps que celui de la famille Beynac, à partir du XVIe siècle.
Au fil des siècles d'occupation, l'organisation du castrum s'est modifiée, des maisons-tours sont construites au fur et à mesure que de nouvelles familles s'installent, d'autres sont agrandies... Les Beynac et les Commarque se font à la guerre à coup de procès pour savoir qui aura droit à la tour la plus haute... et donc qui sera la famille dominante. De nombreuses campagnes de fouilles ont permis de mieux comprendre le fonctionnement des castrums. Mais le site de Commarque garde encore de nombreux secrets, que ce soit sur l'emplacement ou la fonction de certains bâtiments. Quand on voit les photos de l'état de site il y a cinquante ans (recouvert de végétation, avec ça et là quelques pierres qui montrent leur nez sous l'épais fouillis végétal), on ne peut qu'être impressionné par les travaux de réhabilitation, de restauration et de consolidation qui ont permis de faire revivre ce lieu et nous donnent aujourd'hui la possibilité de le visiter.
Le corps de logis est actuellement en rénovation et devrait ouvrir prochainement. Seules quelques salles se visitent dans le donjon.
La visite nécessite de bonnes jambes, surtout si vous comptez monter jusqu'en haut du donjon, d'où l'on a une vue imprenable sur le paysage alentour, et notamment sur le château de Laussel, juste en face, ancien bastion anglais. Si vous avez l'occasion, n'hésitez pas à profiter d'une visite guidée, ce sera l'occasion d'apprendre une multitude de petites anecdotes sur l'histoire du castrum. Sinon, un livret est fourni, avec de nombreuses explications, prétexte parfait pour reprendre son souffle entre deux maisons !
Le château de Laussel. Propriété privée, il ne se visite pas.
Bien loin des standards habituels, le château de Commarque est une vraie curiosité. Si vous êtes à la recherche d'endroits insolites et de visites qui sortent des sentiers battus, c'est un site tout indiqué. C'est une plongée directe dans le Moyen Âge qui nous est offerte ici et il y a fort à parier que vous ne resterez pas insensible à ce lieu chargé d'histoire.
Château de Commarque 24620 Les Eyzies-de-Tayac
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