Septicemia


Aujourd’hui, je n’ai pas du tout envie de raconter des bêtises légères et amusantes. A la une de toute la presse anglaise, on trouve l’histoire tragique d’un petit garçon, un bébé de un an, qui est mort des suites d’une septicémie  en 2014 parce que les services de santé n’ont pas détecté sa maladie à temps. Ni le médecin généraliste qui l’a vu plusieurs fois,  ni le centre d’appel des urgences n’ont réagi. On a dit à ses parents qu’il avait un rhume, que ça allait passer. On ne peut évidement que penser très fort à ses malheureux parents…La septicémie est un sujet qui me touche énormément, parce qu’on a connu aussi. Pratiquement le même scénario, mais nous, on a eu de la chance, une chance immense et précieuse. Je suis désolée de casser l’ambiance, mais je suis toute retournée… Je remets le billet que j’avais publié  lors de la  journée mondiale de lutte contre la septicémie. Pas pour faire pleurer dans les chaumières mais pour informer. 

Je ne veux affoler personne, mais toutes les 4 secondes une personne meurt de septicémie dans le monde. D’après la BBC, c’est la deuxième cause de mortalité en Angleterre après les accident cardio vasculaires. Le taux de mortalité varit beaucoup selon l’âge et la condition physique des malades. Les personnes âgées et les bébés sont les plus à risque. Un bébé a environ une chance sur deux de s’en sortir. La septicémie peut être provoquée par une simple infection comme la pneumonie. Les malades qui en guérissent risquent de nombreuses séquelles. Voilà. Encore une fois, je ne cherche pas à faire peur ou pitié. D’ailleurs, GeekAdo, puisqu’on parle de lui, est maintenant un grand garçon en pleine forme. Mais je voulais juste apporter mon petit témoignage, ça me  choque énormément que le NHS, les services de santé ici ne sachent toujours pas détecter la septicémie correctement. Évidement, après une enquête qui a mis en lumière tous leurs manquements, ils ont présenté des excuses aux parents de ce malheureux bébé, c’est la moindre des choses, et ont promis de mieux former les personnels. Il serait temps.

Je reviens à GeekAdo. A 16 mois, il a eu ce que le médecin a qualifié de gros rhume, comme ça arrive tous les jours à des tas de bébés. Pas de raison de s’affoler pour si peu. Sauf que ce gros rhume était en fait une pneumonie, qui n’a donc pas été traitée à temps. Moins de 48h plus tard, à 6 heures du matin, on était aux urgences, avec un bébé brûlant de fièvre et tout endormi. On avait amené L’Ado avec nous, il était petit. On ne s’est pas particulièrement inquiété, L’Ado ayant de l’asthme, les urgences, on connaissait bien. Même quand on est passé de suite, que la salle d’examens a commencé à se remplir de docteurs, que notre bébé ne s’est pas réveillé alors qu’il était trituré de partout, on ne comprenait pas encore. Personne ne nous disait rien. Et puis, un docteur a dit à Marichéri qu’il ne fallait pas laisser L’Ado là.

Mon bébé a été transporté en soins intensifs. Je n’ai aucun souvenir du trajet dans les couloirs de l’hôpital des urgences à sa chambre. C’est le trou noir. On a installé mon tout petit bonhomme dans un grand lit, il avait des électrodes partout, des sondes, un masque…et il dormait toujours. Il dormait encore quand ces appareils se sont mis à sonner. Il y avait déjà une infirmière et un docteur avec nous, mais plusieurs personnes se sont ruées dans la salle, et on m’a jetée dehors. Je ne sais pas non plus ce qui s’est passé, j’ai dû crier, taper à la porte, puisqu’un infirmier est sorti pour me dire de me calmer. Pas le temps de s’occuper d’une mère hystérique quand il y a un bébé à sauver. J’étais bêtement persuadée que rien ne pouvait arriver à mon petit garçon tant que j’étais avec lui…

Il dormait toujours quand j’ai pu revenir dans la salle. On ne m’a toujours rien expliqué. Marichéri est revenu après avoir déposé L’Ado chez une amie. C’est lui qui a vu le classeur de l’infirmière: « how to deal with critically and terminally ill children ». Je n’ai jamais eu froid comme ça, c’est comme si mon corps se recouvrait de glace, devenait glace…je sentais le gel qui montait de mes membre et arrivait au cœur, comme si on l’enfermait dans un étau de glace qui serrait et serrait encore, jusqu’à exploser… Et notre bébé dormait toujours.

Il a fallu plus de 24 heures et de nombreuses alertes comme la première pour qu’un médecin nous parle. « Septicémie due à une pneumonie ». Premier coup de massue. Et le deuxième, encore plus fracassant: « on a fait tout ce qu’on a pu, il ne reste plus qu’à prier et espérer un miracle ». C’est tout. Pas parce que nous étions en Irlande, la très catholique république. Mais parce qu’ils avaient effectivement tout tenté et que notre bébé ne se réveillait toujours pas. Trois jours avant c’était un petit bonhomme avec un gros rhume mais qui jouait gaiment aux legos avec son grand frère.

La septicémie est une maladie foudroyante. Il faut agir très vite, d’où l’importance d’en parler et d’informer les parents sur les symptômes. La guérison est aussi rapide. Nous avons eu une chance incommensurable, le miracle a eu lieu. Au bout de presque 72 heures, alors que les médecins n’y croyaient plus, notre bébé a bougé la main. Sa respiration a changé, il a même ronflé doucement! Il s’est réveillé tout à coup. Personne n’a su l’expliquer, mais on s’en fichait! Moins d’une semaine après il sortait de soins intensifs pour aller en pédiatrie. Il était affaibli, mais guérit. Il jouait, riait, comme si de rien n’était. Il a eu du mal à marcher, il avait beaucoup maigri, mais il était réveillé. Il n’a aucun souvenir de sa septicémie, aucune séquelle, juste une phobie des hôpitaux. Tout le monde n’a pas sa chance.
Ce n’est peut être pas un sujet très médiatique , je ne sais pas. Mais je trouve scandaleux que personne n’en ait parlé au moins pour la journée mondiale de lutte. Si ça vous intéresse vous trouverez des informations sur world sepsis day. On peut choisir la langue et faire un don.

 Septicemia