Contrairement à ce qu’on croit parfois depuis la France, il ne pleut pas en continu en Angleterre. Et les anglais ne sont pas si obsédés que ça par la météo, mais par le small talk. Vous savez, quand vous êtes obligé de discuter par politesse avec la factrice, ou le harceleur de service voisin alors que vous n’avez strictement rien à leur dire ni même l’envie de leur parler? Ben voilà, on fait du small talk et on commente la météo, c’est pratique, c’est neutre et on ne peut vexer personne avec. On a donc des fois du soleil, si. Même nos visiteurs de France ont été surpris cet été, ils ont eu chaud. Mais pas de soucis, dès le lendemain, ils étaient rassurés, c’était le déluge.
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Mais là, ça va faire un bon mois que la pluie ne s’arrête pas. C’est lassant, j’ai l’impression d’être revenue en Irlande, ce pays vert, très vert pour une bonne raison (une petite pensée pour Marie à Waterford, qui parle des inondations là-bas). On n’a pas à se plaindre dans l’Essex, puisque j’ai appris avec stupéfaction qu’on est en dessous de la moyenne nationale en pluviométrie, comme quoi…c’est vrai que par rapport au centre et au nord de l’Angleterre, on n’a rien à dire. Ces pauvres gens passent plusieurs mois par an sous l’eau, c’est une catastrophe. Mais bon, ça commence à m’ennuyer quand même un chouïa toute cette humidité.
Ça commence le matin, avant que le réveil sonne, par des roulements de grosses caisses sur la véranda, qui bêtement est située sous la fenêtre notre chambre. Tiens, il y aurait pas comme un léger crachin? Autant c’est agréable le week-end quand on n’a pas besoin de sortir, autant en semaine, ça laisse présager d’un départ pour l’école pénible. A peine arrivée dans la cuisine je me fais agresser auditivement par les chattes, qui me tiennent personnellement responsable de la pluie qui les empêche d’aller jouer dehors. Capucine, en sa qualité de demeurée d’aînée a bien montré à Chausette qu’en cas d’averse ou de déluge continu, ça valait la peine de vérifier toutes les sorties. Je me tape donc, deux fois, le tour de la maison pour montrer à ses demoiselles qu’il pleut aussi bien devant la porte du salon que la fenêtre du bureau, tout ça dans des miaulements plaintifs style violon écrasé. Sales bêtes.
Il faut ensuite supporter les gémissements mélodramatiques de deux ou trois gamins, qui prétendent être malades pour ne pas avoir à sortir. Alors là, ça me fait bien rigoler, bandes d’anglais! C’est votre pays qui est trop humide, vous devriez vous excuser auprès de votre pauvre sudiste de mère. Non mais. Il faut aussi pister le départ des deux grands, qui refusent pour des raisons diverses de mettre le moindre blouson pour quitter la maison (quoique, des palmes et un tuba, ça le ferait aussi en ce moment). GeekAdo prétend que ça froisse son blazer…c’est sûr, les hectolitres d’eau que tu vas te prendre sur la tête simplement en traversant l’allée du jardin, ça va aider pour ton blazer. Et mets ta capuche, espèce d’aquaphile béât. L’Ado, après des considérations confuses d’où il ressort que la pluie est fasciste certes, mais moins que les blousons, qui sont de véritables suppôts de satan opprimant les ados et leur liberté de s’enrhumer, L’Ado donc, finit par admettre qu’il ne sait pas du tout où est son blouson. Il a cru l’apercevoir, il y a trois jours sous son lit, mais en fait non, c’était la chatte qui finissait un bout de pizza.
-Bon, mets ton manteau au moins.
-ouais, mais non, mais coin, beuh, tu vois..
-non, je ne vois pas.
-ben, coin, tu sais…meuh… Mon manteau, il est resté chez mon pote, ça va là, coin, quand on a fait de la guitare …euh, ouais, non pfff, enfin, coin, bûcher les maths, quoi, tu vois? Meuh.
-pardon?
-Non, mais ouais…ou alors, il est encore au lycée, coin, mais c’est bon là, … Meuh…ou il est peut-être dans ma chambre, mais bon, hein, ça va quoi, faut arrêter là, meuh, les manteaux, c’est pour les nuls.
-tu me retrouves un blouson ou un manteau fissa, ou je te flanque un des miens dessus, et un rose, il tombe des cordes! Aaaaaah, qu’est-ce que c’est que ça?
Ça , c’est la chatte qui me saute sur le mollet, elle veut sortir, c’est urgent. Pas de problème. Hop dehors, en mode vol plané, une bonne douche, ça lui rafraîchira les idées. Bon, on attaque maintenant la suite des opérations, les filles ont encore mélangé leurs wellies, leurs bottes en caoutchouc (c’est ma faute, je n’aurais jamais dû cèder et leur prendre le même modèle). Plutôt que de regarder calmement la pointure, elles préfèrent se crêper le chignon. Une botte, même en caoutchouc coincée dans les couettes, ça ne va pas le faire, ce n’est pas compris dans l’uniforme de l’école. Les barrettes fantaisies sont interdites alors, des wellies à paillettes…Pendant que je les recoiffe, L’Ado essaie de se faufiler discrètement vers la sortie, en t-shirt.
-non, mais ouais, coin, ça va, j’ai mis une chemisette par dessus. Meuh.
-tu veux pas des tongs, non plus? Prends au moins un parapluie!
Il ouvre la porte sans avoir le temps de me traiter de fasciste, parce que la chatte qui trempée, attendait derrière, se jette sur lui, en mode serpillère dégoulinante et en hurlant à la mort. Elle court, laissant un véritable ruisseau derrière elle pour s’éponger directement sur le canapé, youpi. Pas le temps de nettoyer maintenant, on va finir par être en retard pour l’école. On part avec les filles qui ont chacune leurs bottes et leur blouson de pluie, elles. On fait coucou à L’Ado qui attend le bus sous le déluge, en boudant, attifé d’un vieux blouson marin vert fluo trop petit depuis trois ans que j’ai retrouvé par hasard sous son cahier d’italien. Toddler 5 se débat comme un fou dans la poussette pour essayer de défaire la housse . Je sens physiquement que mes cheveux se préparent à tripler de volume et à tirebouchonner dans tous les sens dès qu’on sera au sec. Ça va aller, j’ai les bottes aussi. Ce qui me permet de foncer directement dans l’étang la flaque devant le portail. Pas de soucis, la poussette est amphibie depuis le temps. D’ailleurs, si ça continue on va finir par développer des nageoires…
La météo annonce une accalmie pour demain (et uniquement demain). On a de la chance, ce sera tempête certes, mais avec un tel vent que les nuages n’auront pas le temps de se déverser chez nous. Youpidoo.