Nouvelles romaines de Alberto Moravia

Publié le 12 décembre 2015 par Taralliezaletti

Nouvelles.
Alberto Moravia, Nouvelles romaines. Flammarion, 1982. 301p. Titre original : Racconti romani.

Racconti romani est un recueil de 61 récits écrits entre 1950 et 1954 pour Le Corriere della Sera. Le recueil Nouvelles romaines publié chez Flammarion ne contient que 36 nouvelles.

Alberto Moravia est un monument de la littérature italienne, et pourtant Nouvelles romaines est le premier livre que je lis de cet auteur. Ce ne sera certainement pas le dernier car ça a été une très belle découverte.

Né à Rome en 1907, de son vrai nom Alberto Pincherle, Alberto Moravia est atteint à l’âge de 8 ans d’une tuberculose osseuse qui le contraint à l’immobilisme et l’empêche de poursuivre ses études. La maladie le conduit à lire énormément puis à écrire. Il écrit son premier roman Les Indifférents à 17 ans. Publié en 1929, il connaît un grand succès mais est rapidement censuré par le régime fasciste. Son engagement contre le fascisme va d’ailleurs l’obliger à écrire dans le silence et de façon anonyme, jusqu’à ce qu’il soit même interdit de publication en 1941 avec Le Quadrille des masques. Menacé par les nazis qui occupent alors Rome, Moravia s’enfuit en 1943 avec sa femme Elsa Morante dans la campagne romaine. Ils trouvent refuge auprès des paysans de la ciociara, une région au Sud de Rome. Moravia y découvre une classe sociale qui lui était jusque là étrangère et cette expérience va être à l’origine de l’écriture des Nouvelles Romaines.

Rome dans les années 50 – Photographe : William Klein

Avec un sens aigu de l’observation et beaucoup de justesse, Moravia décrit le petit peuple romain dans son ensemble. Il fait ainsi parler à la première personne toute une galerie de personnages : chauffeur de taxi, mari abandonné, chômeur, camionneur, voleur, crève-la-faim… Le décor est toujours le même : une Rome d’après-guerre où règnent la débrouille et les petits trafics. Mais aussi une Rome tournée vers la modernité à laquelle le peuple aimerait bien accéder. Harassés par les difficultés de la vie, les personnages rêvent tous d’une vie meilleure, chacun à sa manière. Certains aimeraient simplement subvenir à leurs besoins, d’autres rêvent de grandeur. Faute de place et de confort dans les logements, la vie se déroule essentiellement à l’extérieur. On suit avec plaisir les nombreuses déambulations des personnages grâce aux indications précises des lieux où se déroule l’histoire. Car oui, il y a beaucoup de déambulations, d’agitations en tout sens pour très peu de résultat. Mais malgré la pauvreté et les escroqueries en tout genre, les personnages émanent une certaine grandeur et dégagent un bonheur qui est peut être bien la fameuse dolce vita. Ce petit peuple romain nous semble terriblement attachant et d’ailleurs, même si le ton est parfois teinté d’ironie, Moravia laisse transparaître sa sympathie, lui qui a longtemps été habitué à porter un regard critique sur les intellectuels bourgeois.

Au bout de peu de temps Giuseppina arriva, essoufflée, tout alarmée. En la voyant si mal bâtie et laide, la pauvre petite, avec cette envie, cette tache vineuse qu’elle a sur la joue et qui explique si bien toute l’histoire de la boutique montée avec son seul argent, j’eus pitié et faillis ne rien lui dire. Mais désormais il était trop tard et je voulais me venger de Raimondo.
– Ne t’affole pas, lui dis-je, ce n’est rien… c’est seulement Raimondo qui est allé sur la terrasse pour aider la fille du portier d’en face à étendre son linge.
– Misère de moi ! fit-elle, eh ! bien, il va m’entendre…
Et elle traversa la rue en toute hâte.
J’ôtai ma blouse, passai mon veston et baissai le rideau de fer. Mais avant de m’en aller, je plantai un écriteau que nous avions trouvé dans le matériel de nos prédécesseurs et qui en lettres imprimées portait ces mots :
FERME POUR DEUIL DE FAMILLE.

Titre de la nouvelle : Salon de coiffure


Je participe au challenge Un giro a Roma.