Les tanneries de Fes sont incontournables lors d’un séjour dans la cité impériale. Connues pour leurs rabatteurs et autres vendeurs au discours bien huilé, la visite des tanneries de Fes ne se révèlent finalement pas aussi difficile qu’il n’y parait.
La tannerie Chouara
Il existe plusieurs tanneries à Fes mais la plus imposante et la plus connue est celle de Chouara. Elle se situe non loin de la place Seffarine. Cette place constitue un bon point de repère pour se rendre à la tannerie Chouara. C’est à cet endroit que quelques rabatteurs commencent déjà à nous aborder. Mais la pression est beaucoup moins forte que ce à quoi nous nous attendions.
Pour rejoindre la tannerie Chouara, il faut emprunter la première petite rue qui quitte la place Seffarine, sur la gauche lorsque l’on vient de la porte Bab Boujloud. Aboutissant à un embranchement en « Y », l’accès aux tanneries se fait en empruntant la voie de gauche. Des flèches et inscriptions indiquent la direction. Après quelques dizaines de mètres commencent les quelques boutiques qui proposent un accès à leur terrasse pour avoir une vue sur les tanneries. Nous entrons dans la deuxième boutique située sur le côté droit, un peu par hasard.
Au deuxième étage, la terrasse offre en effet une vue sur les tanneries mais nous sommes déçus de constater que nous sommes trop loin pour appréhender ce qui constitue un véritable microcosme. Nous écoutons les explications sur l’histoire et le fonctionnement des tanneries.
Les tanneries sont constituées de cuves et de bains remplis avec différents produits plus ou moins naturels, plus ou moins complétés par une armada de produits chimiques, dans lesquels les tanneurs trempent les peaux. Bien entendu, seuls les produits naturels sont évoqués dans les explications : le coquelicot pour la teinture rouge, la menthe pour le vert, l’indigo pour le bleu, etc.
Quatre types de peaux sont utilisés pour confectionner des cuirs de différentes qualités : la peau de dromadaire est la meilleure marché, puis vient celle de vache, enfin les peaux de chèvre et de mouton produisent les cuirs les plus précieux. Ces derniers sont plus fins et souples que les cuirs produits à base de peau de vache.
La préparation des peaux prend environ une semaine, après quoi elles sont ensuite rincées et assouplies. La dernière étape est le séchage, bien souvent effectué sur les toits et les terrasses.
Une fois notre « visite » achevée, le passage par la case « magasin » est obligé. On nous montre les différents articles allant du pouf aux blousons, en passant par les inévitables babouches. Par politesse, on fait mine d’être un minimum intéressé, tout en sachant que l’on n’achètera rien. Finalement, on en ressort en ayant déboursé 10 dirhams pour les explications.
Nous restons donc sur notre faim de ce premier aperçu sur la tannerie Chouara et nous souhaitons en avoir une meilleure vue. Pour ce faire, du haut de la terrasse que nous venions de quitter, nous avions aperçu une autre, perpendiculaire à celle où nous étions et dont la vue donnait sur le coeur de la tannerie Chouara.
Pour accéder à cette seconde terrasse, nous retournons en direction de la place Seffarine au fameux embranchement en « Y » (où il y a les panneaux signalétiques) et empruntons la route qui descend (donc pas celle qui va vers la place Seffarine). Cette ruelle nous fait sortir de la médina et l’on contourne alors les tanneries par l’arrière. On longe la médina qui se situe sur notre gauche avant d’emprunter la première ruelle possible sur la gauche. On contourne le quartier des tanneurs avant de finalement entrer à nouveau dans la médina. On se laisse alors guider par notre instinct (confirmé par certains qui nous indiquent la direction des tanneries). Au bout d’une petite ruelle quasiment en cul de sac, on aboutit alors sur la terrasse qu’on avait repérée précédemment. En toute transparence, l’accès est discuté à 10 dirhams pour deux. Nous profitons également des explications sur le fonctionnement des tanneries, avec cette fois en prime une vue imprenable sur les tanneries de Chouara. On peut facilement apercevoir les différentes zones de travail : lavage des peaux, teinture, séchage, etc.
Notre avis
La ruelle dans laquelle se trouvent les principales boutiques offrant une vue sur la tannerie Chouara est donc accessible facilement à partir de la place Seffarine, sans l’aide de rabatteurs. Des fléchages facilitent l’accès. Si l’on s’en tient uniquement aux boutiques de cette ruelle, il faut (au minimum) privilégier les dernières en venant de la place Seffarine car les premières n’offrent une vue que trop lointaine.
Depuis cette ruelle, un passage permet « techniquement » de descendre jusque dans les tanneries. Nous ne nous y sommes pas aventurés, trouvant cela un peu déplacé par rapport au labeur des tanneurs. C’est sans doute là le principal bémol d’une visite des tanneries de Fes, bien au-delà de l’éventuelle pression mise par les rabatteurs. Car si l’artisanat du cuir est l’un des principaux de Fes, la visite des tanneries de Chouara revient platement à visiter le travail de ces hommes. Pourtant, il faut reconnaître que le site révèle une certaine beauté, le rendant particulièrement photogénique.
Bien entendu, ce genre de situation n’est pas propre uniquement aux tanneries de Fes. Nous l’avions déjà rencontrée par exemple lors de notre excursion au volcan Ijen. Mais nous avions moins ressenti ce sentiment gênant vis-à-vis des travailleurs. Premièrement, l’Ijen ne se visite pas uniquement pour ses mineurs. Bien sûr, les voir en plein travail ajoute une dimension poignante mais la beauté du site vaut en elle-même l’ascension du volcan. Et deuxièmement, on peut contribuer sans intermédiaire à un côtoiement positif entre touristes et mineurs en descendant avec l’un d’entre eux dans le cratère contre une rétribution. A Fes, on a l’impression qu’il y a un fossé qui sépare d’une part les tanneurs et de l’autre les boutiques donnant l’accès aux terrasses. Bien qu’elles se disent faire partir de coopératives, nous avons des doutes sur les éventuelles retombées positives pour les tanneurs de ces visites et des éventuels achats effectués dans ces boutiques.
En y réfléchissant, toutes ces considérations amènent inévitablement à l’éternel débat des effets pervers du tourisme, qui à notre sens est sans issue. Dans le cas de la tannerie Chouara, c’est peut-être aux autorités et/ou aux coopératives à mettre en place d’éventuelles solutions pour davantage impliquer les tanneurs dans la visite de leur lieu de travail. Car pour les touristes que nous sommes, la visite des tanneries ne doit pas se révéler comme du simple voyeurisme mais bien comme la prise de conscience d’un savoir-faire particulier.