Vedrò con mio diletto (RV 717) est une des plus belles œuvres de Vivaldi, à des années-lumière de ce qu’on a l’habitude d’entendre de la part du Prêtre roux (il Prete rosso). Celui qu’on appelait il Furioso était un maître violoniste habitué des envolées rapides et saccadées, mais c’est sur une pièce beaucoup plus lente et surtout d’une sensibilité extrême qu’on le découvre ici. L’opéra Il Giustino a été composé pour le Carnaval de Venise en 1724 et offert au chant au castrat Giovanni Ossi. Si Giustino est un des personnages principaux de l’opéra, c’est en réalité l’empereur byzantin Anastasio le vrai héros de cette histoire (Anastase Ier) dans laquelle il est marié à l’impératrice Ariane, veuve de son prédécesseur Zénon. Cette pièce (RV 717), nommée Vedrò con mio diletto, ce qui veut dire à peu de choses près “je verrais cela avec mon bien-aimé” raconte le moment précis où l’empereur Anastasio part pour le champ de bataille en s’éloignant de son épouse, cassant ainsi le code traditionnel qui veut qu’on parte se battre sur un air de bravoure. C’est au contraire ici une œuvre intimiste et douce, empreinte de tendresse tragique, témoignant d’une certaine humanité de la part d’un empereur. On découvre une œuvre toute en cordes et notes saccadées, légèrement en contrepoint, chantée par un des plus grands contreténors actuels, Philippe Jaroussky, dans une version orchestrée par Jean-Christophe Spinosi et jouée par l’ensemble Matheus et qu’on peut retrouver sur l’album Heroes, aux éditions de Virgin.