La dernière nouvelle rubrique née du blog. Je l'ai intitulée "Les disparus". Nos Anciens ont eu des privilèges que nous n'aurons jamais. Même si le tourisme s'est démocratisé, qu'on voyage plus et qu'on visite plus que nos parents et nos grands parents, il y a des choses qui nous sont à jamais inaccessibles: des oeuvres qui pour maintes raisons se sont évaporées dans l'espace temporel. Ces oeuvres, je les exhume le temps d'un article afin de vous mettre dans la peau d'un ancien voyageur, celui qu'on envie mais contre qui on ne peut rien faire car aujourd'hui il n'est que poussière ... comme ces monuments. De la construction à la destruction, je vous raconte tout.
Le disparu du jour:
LA BIBLIOTHEQUE D'ALEXANDRIE
Ici, on lit mais il n'y a pas rien pour s'assoir
Pour qui?
Alexandrie, ce n'est un secret pour personne, se situe en Egypte. Alors que son phare a disparu, sa bibliothèque aussi. On imagine que si ces deux édifices étaient encore en place, Alexandrie entrerait facilement dans le top 10 des villes les plus visitées du monde. Tout cela, on le doit aux Ptolémée, dont Ptolémée III Evergète qui gouverne l'Egypte au nom de sa dynastie, après que l'empire d'Alexandre ait été découpé. Cet homme était des plus ambitieux et n'hésitait pas à dépenser des fortunes colossales pour faire de sa capitale l'une des plus emblématiques de l'Antiquité.
Pourquoi était-elle si exceptionnelle?
Il faut d'abord savoir que la bibliothèque fait partie d'un plus vaste ensemble: le Musée. Ce Musée, construit entre 320 et 230 avant J.C, n'est pas à prendre dans le sens actuel. Il ne s'agissait pas d'entreposer des oeuvres d'art mais c'était un lieu de recherche et de savoir. Avant de rappeler l'exceptionnalité de ce lieu, il faut resituer Alexandrie. Certes, elle est en Egypte mais elle s'appelle Alexandrie, du nom du roi de Macédoine mort à Babylone après 10 ans de conquêtes harassantes. Alexandre est un grec et a souhaité mettre en place dans les territoires conquis la culture hellénistique, c'est-à-dire qu'essaimaient dans les nouvelles cités gymnases, temples dédiés aux divinités grecques ... mais aussi le maintien des cultures locales. Donc même si on se met à parler grec à Alexandrie, l'Egyptien peut continuer à honorer Isis et même des dieux hybrides, mélange de dieux grecs et égyptiens. Il y avait même des Juifs d'ailleurs. A ce propos, on trouvait à la bibliothèque la Torah hébraïque traduite en grec, l'un des ouvrages les plus précieux. Ainsi, de nombreux Grecs viennent vivre à Alexandrie, ce qui vous témoigne de sa renommée. Et c'est là l'un des objectifs de cette bibliothèque: l'affirmation de la culture grecque dans un territoire dit barbare car cette culture, c'est le raffinement par excellence. Le premier objectif étant bien sûr de réunir la plus grande collection de livres du monde, des livres très différents des notres puisqu'il s'agissait de rouleaux qu'il fallait dérouler avec beaucoup de soins. Enfin, la bibliothèque d'Alexandrie avait pour but de renforcer son pouvoir à l'aide du savoir. On n'est pas fort qu'avec la guerre. Et Ptolémée était actif car il écrivait à tous les souverains avec qui il était en contact pour recevoir des livres de différents thèmes (poésie, sciences, philosophie, médecine ...). Il allait acheter des livres sur les marchés comme à Athènes. Dans cette chasse aux livres, Ptolémée II, ancêtre de Ptolémée III Evergète, celui-ci pouvait être capable de faire de véritables filouteries: en effet, il se faisait prêter certains livres et demandait à ses scribes de les copier. Sauf que les copies étaient rendues alors qu'il conservait les originaux. D'ailleurs, il aimait tellement les livres qu'il préférait ne pas se faire rembourser des cautions et conserver les ouvrages. Mais si on en revient au caractère véritablement exceptionnel, il est utile de précise que 490 000 oeuvres y étaient stockées au IIIe siècle avant J.C. Sous Cléopâtre VII (et oui, il n'y en pas eu qu'une et c'est bien celle qui s'est tapée César et Marc Antoine), ils étaient 700 000 dont certains sont magnifiquement illustrés. Le roi et sa famille avaient accès librement à ses ouvrages, ce qui n'était pas le cas de tout le monde. La bibliothèque était un endroit extrêmement surveillé et fermé. Mais les habitués étaient les chercheurs du Musée, les grands intellectuels de ce monde: Hérophile de Chalcédoine qui a découvert la circulation du sang, Eratsthène de Cyrène qui calcula la circonférence de la Terre ... C'est eux qui manipulaient ces papyrus arrosés d'huile et rangés dans des couvertures de peau ou des étuis de bois. Et ce qui est aussi impressionnant, c'est que même si Cléopâtre chute face à Octave, l'Empire romain continuera à faire fructifier cette bibliothèque et désormais, les livres n'allaient plus seulement être des rouleaux mais aussi des codex et les livres à pages inventés par Rome au Ier siècle après J.C
Pourquoi a-t-elle disparu?
C'est lors de la reconquête d'Alexandrie par l'empereur Aurélien que la bibliothèque subit un incendie qui détrusit une grande partie de ses fonds. D'ailleurs, en 47 avant JC, les troupes de Jules César avaient déjà provoqué un incendie.
La suite?
La bibliothèque d'Alexandrie est comme ressucitée sous le nom de bibliotheca alexandrina inaugurée en 2002. Ce projet commun à l'Egypte, l'UNESCO et l'Unions européenne, a été construit à l'endroit des anciens palais des Ptolémées, face à la mer. Ici, se croisent art, histoire, philosophie et science.
La bibliothèque renaît