On parle souvent des bienfaits des expériences à l’étranger. Mais partir sur une longue période entraîne aussi son lot d’incertitudes et de deuils. Nos racines sur quatre continents font en sorte que nous le vivons à tous les jours, à des degrés divers selon les événements qui se déroulent dans nos vies. Partir, c’est manquer des petits bonheurs au quotidien avec ceux qui ont fait le choix de rester. La vie ne s’arrête pas avec notre départ, loin de là, et nous devons faire le deuil de moments qui ne reviendront pas. Mais lorsque tout va mal, ces deuils sont d’autant plus difficiles à faire…
Lorsque j’étais enfant et que nous vivions en Allemagne, je l’ai vécu pour la première fois. Alors que nous étions loin, mon père a perdu son grand-père (qui était plutôt un père pour lui, le sien étant absent depuis son tout jeune âge). Ma mère, quant à elle, a perdu sa sœur. J’étais triste, mais surtout par procuration. J’étais triste de voir mes parents traverser une grande épreuve tout en étant loin de leurs frères et sœurs. Je voyais leur souffrance et je me sentais bien impuissante. À l’époque, Internet n’existait pas et les communications téléphoniques étaient très onéreuses et de piètre qualité. Nous communiquions avec les membres de notre famille québécoise par le biais de cassettes vidéo ou de lettres manuscrites. Être loin créait un grand vide dans nos vies, une distance énorme qui devenait pesante lorsque tout allait mal.
À l’âge adulte, j’ai rencontré l’amour de ma vie. Il y a 16 ans déjà. D’origine française, il faisait sa dernière année d’université au Québec et nous sommes tombés follement amoureux. Il devait repartir quelques mois plus tard et j’avais le cœur brisé. Il est ensuite venu s’installer ici, avec moi. Nous avons peu à peu appris à vivre loin d’une partie de notre famille. Je me souviens des départs aux aéroports les premières années, à quel point c’était déchirant. Puis, nous sommes partis vivre à Dubaï pendant trois années. Nous laissions alors derrière nous notre famille du Québec. Nous avons vécu beaucoup de belles choses pendant ces années, mais quelques moments difficiles aussi…
J’aurais aimé être là pour ma meilleure amie lorsque son conjoint est décédé et qu’elle l’a courageusement accompagné vers la mort.
J’aurais voulu qu’elle soit là, de même que mes parents et mes beaux-parents, notre fratrie, lorsque notre fils cadet a été hospitalisé à sa naissance aux Émirats Arabes Unis et que nous avions du mal à trouver une personne de confiance pour veiller sur notre fils aîné.
Nous aurions souhaité être en France lorsque mon beau-père a été gravement malade il y a quelques années.
Avoir des racines aux quatre coins du monde, fait en sorte que l’on manque inévitablement beaucoup de petites choses de la vie de nos proches. Lorsque je suis partie pour Dubaï, mes deux nièces étaient des enfants… À mon retour, j’ai retrouvé deux femmes et je me sentais triste à l’idée d’avoir manqué tellement de petits détails de leur vie… Avec les nouvelles technologies, nous pouvons bien entendu communiquer beaucoup plus facilement aujourd’hui. Mais lorsqu’une épreuve survient, la distance géographique devient un poids très lourd. Ne pas pouvoir serrer ou embrasser ses proches, ne pas être en mesure de leur parler et de veiller sur eux, sont des choses difficiles à accepter quand on fait le choix de vivre loin. C’est ce que nous ressentons depuis vendredi, depuis que nous avons appris les nouvelles concernant les fusillades et les explosions à Paris. Nous pensons à nos proches et à notre famille en France, mais aussi à nos amis du Liban… Nous sommes loin, mais vous êtes dans nos pensées.