Je vous ai parlé de mon amour d’Oman à plusieurs reprises déjà, un pays qui se distingue par ses fjords, ses souks, ses déserts, ses forts et ses montagnes. Ce fut, pour moi, un pays coup de cœur, hors des sentiers battus. Mais à mes yeux, la plus belle région à découvrir à Oman reste le Dhofar, tout près de la frontière du Yémen. Il s’agit de la région la plus luxuriante du pays, entre la mer d’Arabie et le désert du Rub al-Khali. En été, grâce à la mousson, les paysages deviennent verts, ce qui est particulièrement attirant pour les expatriés dubaïotes qui finissent pas se lasser des paysages désertiques. Pour s’y rendre en voiture depuis Dubaï, il faut toutefois traverser plus de 1000 kilomètres, une distance qui en dissuade plusieurs. Aujourd’hui, je souhaite vous parler plus spécifiquement de la route de l’encens, une attraction majeure de la région du Dhofar qui est également classée au Patrimoine mondial de l’Unesco. Cette route liait autrefois le Dhofar au reste du monde, dont l’Égypte, le Yémen et l’Inde. Le Sultanat d’Oman, véritable porte sur l’océan Indien, jouait alors un rôle clé dans le transport de l’encens et des épices. Il en est d’ailleurs question dans les écrits de l’Antiquité ainsi que dans le Coran, qui mentionnent l’existence d’une cité caravanière aux abords du désert du Rub al-Khali. Lors de notre séjour à Salalah en 2013, nous avons découvert deux étapes importantes de ce parcours légendaire : le wadi Dawkah et le port de Samhuram (Khor Rori).
Le wadi Dawkah et ses arbres à encens
Le wadi Dawkah se situe à environ 40 kilomètres au nord de Salalah et compte approximativement 5000 arbres. Parmi eux, les arbres à encens (Boswellias) sont particulièrement impressionnants à découvrir en hiver, alors qu’ils se dressent sur un sol asséché. Historiquement, ce sont eux qui ont permis à la région de s’enrichir grâce à leur résine, à partir de laquelle l’encens est fabriqué. Pendant l’Antiquité, l’encens se vendait, pour un poids identique, au même prix que l’or, en raison de son usage massif pour les cérémonies religieuses ainsi que la préparation de parfums, de remèdes et de certaines spécialités culinaires. Nous avons visité les lieux avec un guide fort sympathique, qui nous a beaucoup appris sur les arbres à encens et leur histoire. Il faut dire que nous étions les seuls visiteurs sur le site, ce qui nous a permis d’échanger longtemps avec lui tout en étant initiés tranquillement à la culture de l’encens. Il n’était pas issu de la tribu Jabalis, dont les membres sont plus communément appelés les Bédouins des montagnes. Il s’agissait plutôt d’un Pakistanais qui avait lui-même été initié à la fabrication de l’encens une douzaine d’années plus tôt. Il vivait seul sur place, dans une maison mobile spartiate dont les fenêtres étaient brisées. Sachant que nous avions des enfants, il nous a longuement parlé de sa famille qui vivait toujours au Pakistan et qui lui manquait cruellement. Une lourde solitude semblait peser sur cet homme, pourtant si fier de nous partager son savoir. Il nous parlait de chaque arbre comme d’un ami proche. C’était terriblement touchant…
C’est avec ce guide que nous avons traversé le site, entourés d’arbres à encens d’une hauteur variant entre deux et huit mètres et dont le parfum embaumait l’air. Ses explications nous ont permis de nous initier à la fabrication de l’encens. Il faut, tout d’abord, choisir l’arbre qui fera l’objet des récoltes. Ce dernier doit être âgé d’au moins dix ans. Afin d’en extraire la résine, l’écorce est incisée et enlevée en fines lamelles. Les sécrétions de résine, appelées luban, se forment ensuite sur la surface et durcissent au contact de l’air pour prendre des allures de cristaux qui sont recueillis quelques semaines plus tard. Selon leur couleur et leur degré de transparence, la qualité de l’encens produit peut varier énormément, mais les cristaux du wadi Dhawkah sont généralement d’un blanc translucide, gage de leur grande qualité.
Après cette visite très instructive, notre nouvel ami nous a invités à entrer dans sa maison. Il a ouvert son frigo, pratiquement vide, dont il a sorti deux œufs durs… Il a aussi récupéré une casserole de café sur sa petite cuisinière, qu’il a fait chauffer pendant qu’il sortait deux chaises pliantes à l’extérieur. Après nous avoir invités à nous y asseoir, il est reparti à l’intérieur pour récupérer une boîte de carton. Mise à l’envers sur le sol, cette dernière servait de table sur laquelle il a posé deux tasses et les œufs. Il a ensuite versé le contenu de sa casserole dans nos tasses, dans lesquelles flottaient des grains de café et énormément de sucre. Je n’aime pas trop les œufs durs et je déteste le café sucré, mais je sentais que c’était important pour lui. Cet homme ne possédait rien et ce rien, il nous l’offrait malgré tout généreusement. Comment refuser? Nous sommes donc restés un long moment à discuter avec lui, en mangeant cette collation improvisée. Pour nous remercier de notre visite, il nous a finalement offert un sac de résine durcie. Un homme vraiment charmant au sourire chaleureux.
Le port de Sumhuram, un site archéologique
Mieux connu sous le nom de Khor Rori, le port de Sumhuram est un site archéologique important de la route de l’encens. L’histoire du village de Sumhuram remonterait à 3000 ans avant J.-C. Bien que le port ait joué un rôle primordial afin de lier le Dhofar au reste du monde, il n’en reste que peu de choses aujourd’hui. L’illustre cité maritime se résume désormais à un ensemble de vieilles pierres situées sur un promontoire, où les fouilles archéologiques ont permis de distinguer une zone d’habitation, des entrepôts ainsi qu’un temple dédié au dieu de la Lune. Selon la légende, ce lieu jadis célèbre aurait aussi abrité l’un des palais de la Reine de Saba. Nous l’avons découvert seuls, en suivant les rares panneaux explicatifs.
Situé à l’embouchure d’un wadi, le port de Sumhuram permettait d’accueillir plusieurs navires, tout en leur offrant un abri fiable. Sa construction a permis l’établissement d’une nouvelle route commerciale maritime afin d’exporter l’encens produit grâce à la précieuse résine issue du Boswellia. De nos jours, c’est un endroit magnifique pour se balader tranquillement tout en profitant de paysages à couper le souffle. En plus de quelques boutres entreposés près de l’eau, on peut y admirer des hérons et des dromadaires, qui déambulent tranquillement. Un véritable petit paradis, où plusieurs espèces cohabitent paisiblement.
Nous avons beaucoup apprécié notre séjour d’une semaine à Salalah. Outre notre visite de ces deux sites mythiques de la route de l’encens, nous avons découvert une région riche en paysages grandioses dont nous aurons l’occasion de vous parler à nouveau prochainement. Préparez-vous à devoir résister à l’envie furieuse de vous envoler en vitesse vers cette destination unique! ;-)