Je ne suis pas abonnée au figaro madame ( ou madame figaro…je ne sais jamais comment ça s’appelle exactement), mais il doit y avoir quelqu’un chez eux qui s’est pris de passion pour les expats, ou qui prépare son départ, puisqu’ils parlent encore des français de l’étranger! Du coup je suis allée voir (je rappelle qu’on est une vraie mafia, on n’hésite pas à se refiler les adresses pour récupérer du camembert fermier mais aussi les liens d’articles nous concernant plus ou moins). En fait, cette fois, ce n’est pas spécifiquement les francais de l’étranger ou d’ailleurs qui sont visés , ça peut être n’importe qui, et c’est plutôt notre progéniture qui les intéresse, puisqu’il s’agit d’un article (ici) sur les bilingues. Ça tombe bien, ça me captive. J’en fait l’élevage et je suis prof de langue. C’est pour moi cet article…ou pas.
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En fait, l’article est intéressant, enfin il le serait s’il était un chouïa plus développé. C’est expédié en trois lignes, allez hop, les bilingues, on ne va pas passer des heures à parler de vous, un petit entrefilet mal fagoté et ça suffit. Dans ce cas là, pourquoi faire un article? Enfin bref, ça commence fort, puisque j’ai failli m’étrangler: les bilingue sont-ils schizophrènes? Euh….sans vouloir étaler ma double personnalité: what the fuck? Heureusement après cette accroche débile vendeuse , on apprend que non, les bilingues ne le sont pas. Tout ça sans aucun développement. On ne va pas justifier pendant des heures non plus, ni faire une enquête poussée. Alors donc, les bilingues ne sont pas schizophrènes, mais ils ont juste une double culture (no kidding? ) et ils s’adaptent à leurs interlocuteurs, quelque soit la langue. Ça, c’est de l’article de fond, je suis bien contente d’avoir pris la peine de le lire… En même temps, ça ne m’a pas pris longtemps (1 minute 47 à peu près, y compris 15 secondes à me demander ce que la photo avait à voir avec le sujet)
Bien sûr, on a droit à un témoignage vérité de deux lignes (un seul suffit largement pour couvrir tous les possibles du bilinguisme faut pas pousser non plus) d’une française vivant à Londres. Et la psy de service qui explique que c’est normal que cette charmante jeune fille se sente plus libre en anglais qu’en français (parce que son témoignage captivant se résume à ça) parce qu’il y a moins de tabous dans la langue apprise plus tardivement…je réitère au risque de passer pour une malade mentale avancée avec mes problèmes de langue, mais what the fuck? Pour moi, un bilingue, et j’en ai plein la maison, n’apprend pas une langue à la fois, mais les deux en même temps. Il n’y a pas une langue tardive mais deux langues apprises simultanément, comme n’importe quel bébé qui dit ses premières mots. C’est quoi cette étude? Je crois qu’on retombe dans le même problème de sémantique que lorsque ce brillant journal parle des expatriés. Il y a l’air d’avoir un certain flou sur la définition de bilingue. Mes enfants sont bilingues. Pas moi. Je parle anglais couramment, naturellement, sans y réfléchir (et ça s’entend, Ahaha), je rêve en anglais. Je fais de l’humour en anglais. Je m’énerve en anglais. Beaucoup de mots me viennent spontanément en anglais et je ne sais plus les dire en français. Mais je ne me considère pas bilingue. J’ai toujours un accent français (du sud ouest en plus). Bébé, j’ai appris à parler avec une seule langue, j’ai grandi avec une seule langue, même si toute ma vie d’adulte s’est faite avec deux. Mes enfants sont nés avec deux langues. Je ne pense pas que ce soit exactement la même chose.
On fait la différence entre leur langue de socialisation qui est la langue dominante, c’est à dire l’anglais, qu’ils utilisent à l’école, avec les copains bref, dans leur vie sociale, et leur langue familiale. Mais il n’y en a pas une qui a précédé l’autre. Pour moi, mes enfants sont vraiment bilingues. Ce n’est pas une question d’apprentissage (même si ça demande beaucoup de travail de conserver le français) mais de naissance. L’article conclut sur le désir qu’ont de plus en plus de parents d’élever leurs enfants dans le bilinguisme. Je ne veux pas chipoter, mais là encore, la journaliste parle d’apprendre à ses enfants à parler une langue étrangère, pas à être bilingue (c’est mon appréciation personnelle bien sûr, pas plus). On nait bilingue, par la force des choses. L’apprentissage même précoce des langues vivantes, c’est différent. C’est une très bonne chose, et je ne fais pas de critique au contraire. Mais apprendre une autre langue, même à deux ans, ce n’est pas comme naître dans un environnement naturellement multilingue. Ce qui me contrarie, quand on assimile les deux, c’est qu’on nie une des principales difficultés que rencontre le bébé bilingue. Il a besoin de prendre conscience qu’il parle deux langues, il doit apprendre à les différencier, à les choisir à bon escient. C’est très difficile pour un bébé qui commence à communiquer, et il se crée peu à peu ses propres repères. Cette construction fait partie de sa pratique des langues. Alors qu’en cas d’apprentissage même précoce d’une langue étrangère, les repères sont donnés à l’enfant. Je ne dis pas que l’un est mieux que l’autre, mais si on veut parler des effets du bilinguisme sur le cerveau, ça peut aider d’être précis ! Attention, je ne suis pas plus experte que la journaliste en question. Je parle de façon complètement empirique de mon expérience de maman de 5 enfants bilingues et de prof de français qui a travaillé dans une petite école pour bilingues, mais aussi en crèche avec des petits anglais apprenant le français.
Cela dit, je suis d’accord avec l’article sur un point: on ne pense pas exactement de la même manière dans les deux langues, qu’on soit bilingue de naissance ou qu’on parle et vive couramment une autre langue que sa langue maternelle. Mais c’est une toute petite nuance, pas un dédoublement de la personnalité!