Dans le cadre de notre « Spécial Halloween » sur le blogue, nous souhaitons aujourd’hui vous parler de notre visite de la ville fantôme de Rhyolite. Située dans l’Ouest des États-Unis, tout près de la Vallée de la Mort, il s’agit de la plus grande « Ghost Town » de la région. Pourtant, peu de touristes prennent la peine de découvrir ce lieu insolite, lui préférant les curiosités naturelles du Death Valley National Park. Lors de notre road-trip dans la Vallée de la Mort, qui constituait la première étape de notre séjour à Las Vegas et ses environs, nous avons décidé de nous y aventurer… Et ce fut une belle découverte que nous vous conseillons fortement! En voici un bref récit, accompagné de nombreuses photos.
Un musée à ciel ouvert
Facile d’accès, la ville fantôme de Rhyolite nous a surpris dès notre arrivée sur les lieux. En plein désert de Mojave et sous une chaleur écrasante (43 degrés Celsius), nous avons quitté le confort climatisé de notre voiture pour explorer les environs. Avant d’atteindre les vieux bâtiments de la ville, ce sont les œuvres du Musée Goldwell qui ont attiré notre attention. Il s’agit d’un musée en plein air qui fut créé en 1984 et qui est composé de sept sculptures extérieures pour le moins étonnantes. Pas de prix d’entrée, personne à l’accueil… Personne tout court, en fait. Dès la pancarte d’accueil, nous avons compris que nous nous trouvions dans un endroit hors du commun. Cette dernière est accrochée à un poteau, où les visiteurs laissent des traces de leur passage : chaussures, cartes postales, notes manuscrites, photos, vêtements, lunettes, sucette d’amusement pour bébé… Un ensemble pour le moins étrange et surchargé, qui contraste avec le fond de désert aride dans lequel il se trouve. Mais l’inusité ne s’arrête pas là, bien au contraire, c’est plutôt un avant-goût de ce qui nous attendait quelques mètres plus loin en entrant sur le site. Créées par des artistes belges, les sculptures du musée sont aussi variées que surprenantes. La plus frappante est, sans aucun doute, la représentation de la Cène, le dernier repas du Christ, où les personnages ont des allures de fantômes. D’autres figures fantomatiques sont également présentes ailleurs sur le site, dont une qui trône derrière un vieux vélo. Le passé minier de la région est, quant à lui, représenté par une imposante structure de couleur rouille qui évoque la silhouette d’un pionnier accompagné d’un pingouin (?). Alors que ces éléments semblent appartenir au passé et affichent des couleurs sobres, d’autres œuvres évoquent davantage la modernité dans un arc-en-ciel de couleurs. C’est le cas, entre autres, d’une immense femme blonde dont le corps rose, fait de cubes, se tient à genoux. On y retrouve aussi un banc aux couleurs vives, où nous avons fait une pause pour profiter du calme des lieux tout en nous imprégnant de ce paysage étonnant, curieux mélange d’art moderne, de vestiges historiques et de nature sauvage.
Des vestiges du passé minier de la région
Cette ancienne ville minière fut fondée en 1904, à la suite de la découverte de filons d’or dans le quartz de rhyolite, une pierre volcanique à qui elle doit son nom aujourd’hui. Au début du XXe siècle, Rhyolite comptait, selon les estimations les plus optimistes, 10 000 habitants, 53 saloons, 18 magasins, deux églises, des banques, une école, une gare, un casino et même un opéra. Son développement fulgurant faisait en sorte qu’elle était alors pressentie pour devenir « la Chicago de l’Ouest ». Or, malgré ses débuts prometteurs, la ville fut rapidement désertée à partir de 1908. L’abandon de Rhyolite résulterait de l’interaction de trois facteurs, à savoir : (1) la surévaluation de la présence de minerais d’or dans les mines de la région, (2) l’impact économique du tremblement de terre de San Francisco en 1906, ainsi que (3) la panique boursière de 1907. Ces facteurs auraient entraîné un ralentissement de l’activité des mines de la ville, amenant du même coup ses habitants à la déserter.
Aujourd’hui, il ne reste que quelques vestiges de cette ville, dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle de la ruée vers l’or. On y retrouve essentiellement des bâtiments de pierre et quelques baraques de bois à l’abandon, bien que la plupart des éléments en bois aient été récupérés au fil des années. Parmi ces bâtiments, certains ont suscité davantage notre intérêt, tels que l’ancienne gare qui fut par la suite utilisée comme dépôt et casino, l’école construite pour accueillir 250 élèves, ainsi que la Cook Bank qui était le plus gros édifice de la ville. Entre ces bâtiments abandonnés, nous avons croisé des carcasses de voiture, un ancien wagon de l’Union Pacific ainsi que de nombreux objets hétéroclites jonchant le sol. La plus grande curiosité des lieux demeure toutefois la maison de Tom Kelly, qui fut construite en 1906 avec 50 000 bouteilles de bières et un peu de béton. Why Not?
Il est difficile d’exprimer les sentiments qui nous ont habités en ce lieu unique. Un certain amusement, certes, mais aussi de l’étonnement, de la curiosité et un brin de nostalgie. Ces bâtiments, ces lieux, ont été empreints d’espoir pour des gens dans le passé. Des hommes, des femmes, des familles qui sont venus s’y établir avec enthousiasme et optimisme. Plutôt que de faire fortune, ces derniers ont dû quitter leurs emplois, leurs maisons et, sûrement, tourner la page sur un certain nombre de rêves et d’aspirations. Entourés des vestiges de ces rêves brisés, il est difficile de ne pas s’émouvoir… Au-delà de ce fond mélancolique, visiter Rhyolite nous a aussi donné une impression de fin du monde. Nous y étions seuls dans un lieu incongru, en plein désert, avec pour seuls compagnons quelques lézards et aussi, à en croire les panneaux au bord de la route, des serpents à sonnette (avec lesquels nous n’avons heureusement pas eu à interagir!). Mais la ville fantôme de Rhyolite reste surtout gravée dans notre mémoire pour sa beauté singulière qui se découvre tranquillement, sans se presser. Cette ville est tout sauf parfaite et c’est justement ce qui la rend si belle. Là où certains pourraient voir uniquement des ruines et des détritus, nous avons été touchés par ce lieu chargé d’histoire, en plein cœur du désert.