Cette chronique de septembre sera surtout économique, domaine négligé dans mes précédents écrits, et un peu politique. Mais il est impossible d’évoquer un PNB progressant à un rythme supérieur à 4% et des Pirates qui s’obstinent à rassembler les intentions de vote d’un tiers des électeurs sans d’abord faire une place à cette « une » du quotidien Fréttablaðið (4 septembre) : par leur victoire obtenue à Amsterdam contre l’équipe des Pays Bas, les « strákar » se qualifient pour la phase finale de l’Euro de football qui se déroulera en France fin juin ! Il y avait 4000 supporters à Amsterdam. Combien seront-ils à Paris ? 350.000 quand l’Islande disputera la finale ?
Il n’y a pas que le football masculin, les filles ont montré la voie ! Et les basketteurs ont fait une prestation plus qu’honorable au championnat d’Europe ! Au point qu’un journaliste m’interpelle : y-a-t il un lien entre ces résultats, la crise et la sortie de crise ? Selon ses informations, certains chômeurs se seraient reconvertis en entraîneurs ! Les bons résultats des équipes islandaises ne datent pas de 2010, en handball féminin et masculin, par exemple ; et la célèbre équipe de France championne du monde de football n’a-t-elle pas fait match nul à Reykjavík pour son premier match d’après coupe ? Il est vrai que le terrain n’avait pas la longueur réglementaire… Je suggère à ce journaliste d’aller chercher du coté de l’importance du sport à l’école, comme celle des disciplines artistiques, du goût de la compétition, en même temps que l’esprit d’équipe et la solidarité, et le soutien de tous dans l’adversité. Le lien entre sport et sortie de crise est ici : ce sont évidemment ces qualités qui ont permis aux Islandais de revenir à un niveau économique enviable dans de bonnes conditions, beaucoup plus que l’application de telle ou telle politique économique, de droite ou de gauche…
Actualité économique
Et voici la transition : l’Islande est-elle totalement sortie de la crise ? Les résultats sont là, les nuages aussi. Deux documents permettent de faire le point : un rapport de l’OCDE et le projet de budget.
Le rapport de l’OCDE :
Ce rapport est présenté à Reykjavík par Angel Gurría Secrétaire général de l’OCDE. Le premier tableau, ci-contre, est éloquent : selon les prévisions de l’OCDE, la croissance du PIB devrait s’établir à 4.3 % en 2015 et 2.7 % en 2016, – soit bien plus que la moyenne prévue pour les pays de l’OCDE – et poursuivre sur cette lancée jusqu’en 2020.
Principaux indicateurs macroéconomiques
Voici des résultats qui satisferaient plus d’un ! Et pour faire bonne mesure, l’OCDE note un budget à l’équilibre et une réduction sensible de la dette publique et de celle des ménages. Mais toujours selon l’OCDE des menaces existent :
- la levée du contrôle des changes, projet ambitieux dont la réussite, encore incertaine, conditionne la consolidation des progrès constatés,
- les augmentations de salaire accordées au printemps, potentiellement génératrices d’inflation, et qui montrent combien l’économie est vulnérable,
- l’émigration de personnels qualifiés, concomitante avec l’immigration de personnels peu qualifiés employés notamment dans le tourisme,
À plus long terme, l’OCDE souligne la nécessité d’améliorer la productivité, dont elle explique la faiblesse – très relative, puisque selon ses critères la productivité islandaise est certes inférieure à celle des autres pays nordiques, mais légèrement supérieure à l’OCDE dans son ensemble ! -, par le peu de concurrence interne et le taux élevé d’abandon des études pendant le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.
Voici les dangers de raisonnements uniquement normatifs : les Islandais quittent l’école tôt, mais y reviennent plus tard, pour avoir, toujours selon l’OCDE, le plus grand nombre d’années d’étude au cours de leur vie. Et qui a travaillé en Islande a pu constater que la plupart des employeurs y sont bien plus ouverts et souples que dans tel pays plus proche de nous, ce qui explique notamment que l’âge de la retraite n’y est pas un enjeu.
L’OCDE n’apporte pas d’explication au graphique cicontre qu’elle publie, et qui montre que le « bien- être » est plus élevé en Islande que dans l’ensemble de l’OCDE. N’est-ce pas l’essentiel ?
D’autres menaces existent, plus conjoncturelles :
- l’instabilité des cours mondiaux du poisson, et la décroissance des prises,
- la fermeture brutale de certains marchés, russes et nigérians pour prendre des exemples récents,
- l’instabilité des cours mondiaux de l’aluminium et une tendance probable à la réduction de la demande.
Le projet de budget 2016
Comme le souligne Bjarni Benediktsson, Ministre des Finances, le budget 2016 est dans la continuité de ceux présentés par l’actuel gouvernement :
- budget équilibré, avant paiement de la dette, et réduction de celle-ci,
- réduction de certains droits de douane sur des produits courants, notamment vêtements,
- réduction de la pression fiscale sur les foyers,
- accent mis sur les dépenses de santé, de formation, et de recherches.
Derrière ce budget de bon « père de famille », il sera intéressant de connaître le détail et les réactions des intéressés, tant en ce qui concerne les ressources que les dépenses. Les premiers débats semblent montrer qu’il n’est pas si social qu’il paraît. A voir lors du débat à l’Alþingi.
Autres informations économiques
Le gouvernement confirme son projet de réduire la participation de l’État dans le capital de Landsbanki, dernière des trois grandes banques à n’être pas totalement privatisée. Actuellement actionnaire à 70%, l’État ne garderait que 40% du capital,à l’issue d’une négociation de deux ans, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, a signé avec l’UE un accord de réduction des droits de douane sur un nombre important de produits agricoles, dans les deux sens. Le Ministre Sigurður Ingi Jóhannsson, habitué aux critiques, dit son espoir d’y échapper cette fois car l’accord est avantageux pour les consommateurs islandais. Mais déjà les associations du secteur de l’agriculture montent aux créneaux !
Actualité politique
© visis.is / Sigurður IngiAprès Gunnar Bragi Sveinsson, Ministre des Affaires Etrangères, inflexible sur le soutien à l’UE dans sa politique à propos de l’Ukraine, c’est donc au tour de Sigurður Ingi de se démarquer des orientations essentielles du Parti du Progrès, volontiers protectionniste pour défendre les fermiers islandais. Il est vrai que ces orientations sont de moins en moins lisibles. Cause ou conséquence d’une désaffection qui parait inexorable : pendant que le gouvernement progresse de 33,2% à 34,4%, le parti du Premier Ministre passe de 12.2% à 11.4%, alors que son allié retrouve doucement des couleurs, de 23.1% à 25.3%.
© visir.is / Björn BlöndalDans l’opposition Avenir Radieux repasse la barre fatidique des 5%, de 4.4% à 5.8%, ce qui entraîne une diminution des intentions de vote pour les Pirates, de 35 à 33%. L’Alliance Social démocrate progresse légèrement, de 9.6 à 10.6%, et la Gauche Verte décline de 10.2 à 9.6%. Pour ce qui concerne Avenir Radieux il faut se souvenir que ce parti a été fondé en 2012 par Guðmundur Steingrímsson alors député du Parti du Progrès. Avant les élections locales de 2014, les amis de Jón Gnarr, Maire de Reykjavík mais ne voulant pas se représenter, ont rejoint Avenir Radieux pour présenter une liste dirigée par l’un d’entre eux, le comédien Björn Blöndal. Le succès n’a pas été au rendez-vous puisque Avenir Radieux n’a obtenu que deux sièges au lieu des six espérés, comme si la greffe entre politiciens chevronnés et artistes ne pouvait prendre. L’un de ceux-ci a pourtant décidé de relever le défit après l’éloignement de Guðmundur : Ottar Proppé, chanteur et acteur, élu député de Reykjavík en 2012 sur la liste de Avenir Radieux. Saura-t-il donner à Avenir Radieux cette image, essentielle aujourd’hui en Islande, de « nouveau parti » qu’il avait perdue au profit des Pirates ?
Relations internationales
Reykjavík et Israël
© visir.is / Dagur EggertssonJ’ai consacré ma précédente chronique aux relations extérieure de l’île. Rien d’essentiel ne justifie d’y revenir. Mais voici que la Ville de Reykjavík semble décidée à avoir sa propre politique étrangère : le 15 septembre le Conseil Municipal vote une résolution prévoyant le boycott par la ville des produits venus d’Israël tant que durera l’occupation de territoires palestiniens. L’occasion est trop belle pour le Premier Ministre et le Ministre des Affaires Etrangères de rappeler à l’ordre Dagur Eggertsson, Maire tout puissant de la capitale. Celui-ci doit d’abord expliquer que le texte était mal rédigé, ne visant que les produits venus des « territoires occupés », puis décider son retrait pour être remplacé par un autre plus clair, mais qui pourrait bien ne jamais voir le jour. Premier faux pas d’un homme qui se prépare discrètement un destin national ?
Réfugiés
9 Islandais sur 10 veulent que l’Islande reçoive des réfugiés… et en nombre ! 30.2% croient que l’Islande doit accueillir plus de 500 réfugiés, alors que pour moins de 20% ce nombre devrait être limité à 50. Le Premier Ministre qui avait annoncé fin juillet que son pays recevrait 50 réfugiés en deux ans se trouve déjugé et son gouvernement doit changer de cap : une commission spéciale est créée pour préparer l’accueil de réfugiés et la somme de 2 milliards d’Ikr (14 millions €) sur deux ans leur sera consacrée pour :
- apporter une contribution aux divers organismes internationaux en charge de ce problème,
- accueillir des réfugiés sur le territoire islandais,
- participer à des actions internationales permettant de limiter l’afflux de réfugiés.
Pendant ce temps la vie continue…
- 02.09 : conséquence du développement du tourisme : 143 étrangers ont été impliqués dans un accident de voiture au cours des 6 premiers mois de 2015, soit 43% des accidents, contre 85 en 2014. Il s’agit dans la plupart des cas de sorties de route après dérapage,
- 03.09 : autre conséquence : selon le journal Fréttablaðið 53 des 354 magasins du centre de Reykjavík sont dédiés aux touristes ; seulement ? Il y a aussi 112 restaurants et bars…
- 17.09 : les recettes de Gilhagi, la société de l’écrivain Arnaldur Indriðason, ont été de 120 millions d’Ikr (835000 €) après impôts en 2014, un peu moins que 2012 (139 millions d’Ikr),
- 20.09 : 12% des Islandais vivent à l’étranger,
- 22.09 : Katla a bougé à 02h15,
- 24.09 : 73% des habitants de Reykjavík ont été satisfaits de la météo de cet été. On voit sur la carte ci-après que ne n’est pas le cas de tous leurs concitoyens !
- 29.09 – aurore ! l’aigle islandais s’envole !!!, pour Paris et l’Euro ?