La journée d’hier fut particulièrement éprouvante pour moi. L’an passé, à pareille date, j’étais transférée au CHUL d’urgence après avoir rompu mes membranes à 30 semaines de grossesse. Pourtant, tout allait bien la veille. J’avais célébré mon « shower » avec mes amis et ma famille, fidèle à la tradition. Plusieurs petits pyjamas et jouets étaient venus garnir la future chambre de notre fille. Elle n’était pas encore là, mais le rose dominait déjà notre environnement. Après deux garçons, nous étions tous très excités à l’idée d’accueillir une petite princesse dans notre vie… Mais nous ne pensions jamais qu’elle se pointerait si tôt… Après une semaine alitée, notre petite Aude a décidé qu’elle était prête à nous rejoindre. Mais son petit corps, lui, n’était pas prêt. Une longue hospitalisation allait suivre sa naissance et bousculer notre vie, nos projets (j’en parle dans un billet publié sur le site de JSUM). Évidemment, une naissance prématurée laisse des traces, des séquelles. Pour surmonter cette épreuve, chacun trouve sa voie, une stratégie d’adaptation qui lui convient. Alors que mon mari s’entraînait afin de courir son premier demi-marathon tout en recueillant des fonds pour Préma-Québec, j’ai commencé à écrire sur les voyages que nous avions faits dans le passé. Peu à peu, devant l’ampleur de mes récits, je me dis : et pourquoi ne pas créer mon blogue? Pour mon mari comme pour moi, ce fut une façon de tenir le coup en restant positifs (la plupart du temps). Voici donc notre petite histoire…
Notre vie avant Aude…
J’ai toujours adoré voyager. J’ai débuté ma vie de voyageuse très jeune, avec mes parents et mon frère, pour ensuite découvrir le monde seule, en couple et en famille. Mon fils aîné a, lui aussi, été initié très tôt aux aéroports, aux road-trip et aux chambres d’hôtel. Il a été scolarisé à l’étranger pendant trois années, alors que nous étions expatriés à Dubaï. Jusqu’ici, tout était parfait… Mon fils cadet est, quant à lui, né à l’étranger. Oui, oui, c’était planifié ainsi. Ce qui l’était moins, en revanche, ce sont les complications liées à l’accouchement et l’hospitalisation aux soins intensifs dans un hôpital de Sharjah (aux Émirats Arabes Unis) qui a suivi sa naissance. Avec un médecin arabe qui répondait « insh allah » à toutes mes questions et des infirmières indiennes qui me disaient d’arrêter de pleurer « sinon mon lait ne serait plus bon pour mon bébé », le tout dans un anglais approximatif, je peux vous dire que je trippais pas mal moins sur mon idée d’accoucher à l’étranger. J’aurais tout donné pour avoir ma mère et mon père avec moi, pour être entourée de la bienveillance de mes proches. Une semaine plus tard, nous étions tous réunis à la maison, avec un bébé en parfaite santé, conscients de la fragilité de la vie et de la chance que nous avions de la savourer tous ensemble. Très rapidement, nous avons recommencé à partir en vadrouille en famille. Avant de poser les pieds au Québec, notre fils cadet a ainsi visité les sept Émirats Arabes Unis, le Sultanat d’Oman, la Thaïlande, la France, l’Australie et la Jordanie. Tout allait bien. Notre vie, telle que nous l’aimons, reprenait son cours normal…
Les premiers mois de notre vie avec Aude
Lorsque j’ai appris que j’étais enceinte d’une petite fille (magnifique surprise après deux beaux garçons), nous avons envisagé de repartir à l’étranger, mais le projet a finalement avorté pour différentes raisons. C’est donc au Québec que j’ai accouché prématurément de notre fille, à seulement 31 semaines de grossesse. Ma vie, notre vie, a alors basculé. Pendant les deux mois qui ont suivi sa naissance, mon principal road-trip s’est résumé à un aller-retour Québec-Chicoutimi pour célébrer l’Halloween avec mes garçons. C’est la seule et unique journée que je n’ai pas passée à l’hôpital avec ma fille, à son chevet. J’avais le sentiment que ma vie « d’avant » était terminée et que je ne pourrais plus jamais voyager. Pour me changer les idées et rester positive, j’ai commencé à mettre à jour mes albums de voyages. C’était une façon de me centrer sur des choses positives, de voyager dans ma tête à défaut de le faire réellement.
Lorsque notre petite Aude est rentrée à la maison, elle était encore minuscule malgré ses deux mois de vie. Elle flottait encore dans ses pyjamas de nouveau-né. Nous étions hyper-vigilants, pour ne pas dire complètement paranoïaques, à l’idée qu’elle puisse attraper un virus. Les portes de notre maison étaient fermées aux amis qui présentaient des symptômes de la grippe (ou d’un quelconque virus) et nos garçons devaient se tartiner de Purell dès qu’ils rentraient de l’école. Nous étions conscients que la santé de notre fille était particulièrement fragile, qu’elle était plus vulnérable aux virus que les autres enfants. Nous avions le projet de partir en Floride pendant cette période, mais inutile de vous préciser que cette idée a été abandonnée très rapidement. Non seulement nous avions arrêté de voyager, mais nous évitions aussi de la sortir à l’extérieur de la maison en dehors de ses rendez-vous médicaux.
Au fil des mois, notre fille a pris du poids à une vitesse incroyable. Elle a rapidement rattrapé son retard, et ce, à tous les niveaux. Nous avons commencé à envisager l’idée de voyager en famille à nouveau. Alors que notre circuit en Europe était tout juste organisé pour les vacances d’été, notre petite Aude a fait une laryngite au printemps et a dû être hospitalisée pendant trois jours. J’ai senti la peur m’envahir à nouveau. Et si l’idée de ce voyage était mauvaise? Qu’arriverait-il si ma fille tombait malade dans un pays où on ne connaît pas son histoire et ses antécédents? Ne serait-il pas plus sage de rester à la maison? J’en suis venue à la conclusion que ce serait sans doute plus sage, mais que ce serait nous éloigner de ce que nous aimons et de ce que nous sommes. Nous avons donc maintenu ce projet de voyage qui nous tenait à cœur, avec quelques papillons dans l’estomac à l’idée de partir à l’aventure avec notre fille.
Notre premier voyage à cinq…
J’en ai parlé dans un billet précédent, voyager avec trois enfants nécessite beaucoup d’organisation et n’est pas toujours reposant. Nous avons beaucoup apprécié notre séjour en France et au Portugal, mais nous avons tout de même vécu quelques galères de voyage… Toutefois, contrairement à nos appréhensions de départ, ce n’est pas Aude qui a eu des problèmes de santé au cours de ce voyage. En fait, nous avons tous été malades, belle-famille comprise, sauf elle… Elle s’est très bien adaptée à notre rythme de voyage, en continuant à faire ses nuits, en mangeant bien et en souriant à tous les étrangers qu’elle croisait sur sa route. Son baptême de l’air a été exemplaire, une vraie championne! Pour elle, c’était le bonheur de passer ses journées en porte-bébé, bien collée sur papa ou maman.
Quelle leçon en tirer?
Après réflexion, j’en viens à la conclusion que ce n’est pas ma fille qui vit avec des séquelles de sa prématurité… C’est moi! Elle aura un an dans quelques jours et je me dis qu’il est temps d’aller de l’avant et de ne plus la considérer comme un petit être fragile. Ma fille est un exemple de force et de courage, elle déborde de vie et de bonheur. Elle pourrait, bien sûr, être malade alors que nous sommes à l’étranger. Nous pourrions tous l’être, en fait. En raison de sa prématurité, il serait tentant de toujours la regarder en anticipant les pires scénarios et en ne prenant jamais aucun risque avec elle « au cas où…». Mais la vérité c’est que je n’aime pas vivre dans la peur et ce n’est pas ce que je souhaite enseigner à Aude. Je souhaite, au contraire, l’ouvrir sur le monde, lui démontrer que rien n’est impossible et que les barrières qui nous entourent sont souvent dans notre propre tête.
Alors, vous devinez la suite? Aude reprendra l’avion dans quelques semaines pour poursuivre sa formation de globe-trotteuse!
… À suivre …
Ce billet s’inscrit dans une série d’articles portant sur les voyages avec des enfants différents, qui nécessitent un suivi avec des spécialistes. En tant que parent, doit-on mettre de côté notre désir de voyager avec un enfant prématuré, atteint d’une maladie rare, poly-allergique ou autiste? Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, ne manquez pas l’histoire d’Éli, de Laurent, de Chloé et de leurs parents.