Je parle comme ma fille, mais il y a de quoi! Ça faisait longtemps que je ne m’étais énervée à propos de l’image des expats. Figurez-vous que quand on parle de nous dans la presse française, on se refile les liens et tout ça, c’est fou une vraie petite mafia (ce qui confirme bien qu’on est des êtres ignobles). Cette fois, exceptionnellement, c’est un article ou plutôt une série d’articles qui ne nous traite pas de vils dépravés méchants, exploiteurs et évadés fiscaux qui devraient payer 350% d’impôts en France alors qu’on y met pas les pieds, pour nous laver du pêcher infâme d’avoir osé partir tels des suppôts de Satan lâches et fourbes. Pas du tout, cette fois pas d’impôt, on est juste de vils dépravés méchants, exploiteurs, dépressifs mais aussi au bord du divorce. Ça change. Bref, ça m’a mis en joie.
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La chose vient de Madame Figaro, mais il faut être abonnée pour commenter, c’est dommage, j’ai des chose à dire sur la question. J’ai donc appris avec ravissement que j’ai abandonné un avenir professionnel radieux (Ahaha, j’en ris encore) pour me dévouer pour la carrière de mon mari (pourtant, quand j’essaie de l’aider dans son boulot, bizarrement, il ne tient pas compte de mes suggestions. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas compter en enclumes à la place des dollars, c’est beaucoup moins volatile comme monnaie. Vous avez déjà vu une enclume voler, vous?). Il paraît aussi que je déprime toute la journée dans mon « beau logement , avec ma femme de ménage, dans mon pavillon d’expat' » . Euh, c’est quoi un « pavillon d’expat »? Je sens que je me suis fait avoir… Déjà, elle est où la femme de ménage? C’est une arnaque, pourquoi on ne m’a pas donné un bon pour une femme de ménage gratuite quand j’ai passé la frontière? Mais c’est pas grave, puisque j’ai « adopté le rôle traditionnel de pilier de la sécurité affective et du bien-être domestique » et que je « me mets littéralement au service du foyer. » Un instant, je vais prendre l’air, j’ai des nausées.
Il y a un autre article dans la série là, qui me laissait un peu plus d’espoir, puisque le titre est « expatriation: les conjoints trinquent ». C’est une très bonne idée, je veux bien un mojito. Mais en fait non, c’est du même acabit que l’autre, voire pire puisque cet article cite des chiffres qui proviennent d’une enquête de Femmexpat à laquelle je me souviens vaguement avoir participé. Rhaaaa! Je suis formelle, je n’ai jamais dit que je déprimais sur mon canapé en or massif à ne rien faire pendant que mes domestiques faisaient briller mon « pavillon d’expat » et en attendant le divorce. D’abord, quand je suis sur mon canapé (en tissus) je ne déprime pas, j’en suis même très contente, malgré le bazar infâme dans toute la maison ( Je ne culpabilise plus, j’attends la femme de ménage, visiblement, j’y ai droit. C’est surement une question de jours…), e je rigole bien à raconter des histoires d’enclumes avec Marichéri…
Vous allez me dire, c’est encore dû à un quiproquo sur le sens exact du mot « expat ». Littéralement, c’est très précis puisqu’il s’agit uniquement de français qui partent à l’étranger, pour une durée déterminée, avec des contrats spécifiques de droit français, pour une entreprise française et qui ont effectivement pas mal d’avantages. Quoique, c’est la crise aussi pour eux, tout le monde ne part pas au Qatar. Ça m’étonnerait que si votre boîte vous envoie à Stockholm (c’est un exemple au hasard), on vous donne gratuitement le « beau logement, la femme de ménage et le pavillon d’expat ». Je ne cite pas le Qatar par hasard, Marichéri a en effet eu une proposition il y a quelques années pour y aller. Tout était compris, en plus du salaire mirobolant: le beau logement d’expat, dans une résidence surveillée protégée pour expats, l’école privée internationale d’expat pour les enfants, la femme de ménage, le chauffeur et la nounou pour expats. Et donc, c’était avec un contrat local, pas un contrat d’expat. Pourtant ça correspondait bien à la description de madame Figaro. De là à penser que peut-être « expat » n’est pas pris au sens premier dans l’article…
Parce que bon, si j’ai répondu au questionnaire, c’est bien que les gens qui l’ont pondu et me l’ont envoyé considèrent que je fais partie de la cible à étudier, et avec moi des tas d’autres qui ne sont pas expats au sens strict, mais émigrés. La confusion vient du fait qu’en anglais « expatriate » désigne tous les ressortissant d’un pays qui partent travailler à l’étranger, dans quelque condition que ce soit. Du coup, même en français, on dit expat pour tous. Mais la majorité d’entre nous avons quitté la France tous seuls, par nos propres moyens, sans passer par la case femme de ménage gratuite. On a des contrats de travail locaux (et les impôts qui vont avec ), des emprunts, des galères de supermarché et pour faire garder les enfants, et une vie qui est strictement la même que nos voisins. On n’a aucun avantage, et on n’est pas plus porté à la dépression ou au divorce que les français de France!
Alors bon, je ne suis pas spécialiste de l’expatriation, ou de l’émigration, ni psy (sérieux, quand vous me lisez, j’ai l’air dépressive? Non, parce qu’alors je suis désolée, je ne voulais vraiment pas casser l’ambiance). Je ne veux pas fait ma maligne, mais Marichéri et moi vivons très bien le fait d’être émigrés, ensembles. Devoir se dépatouiller à deux, sans pouvoir compter sur quelqu’un d’autre, dans un pays où on ne comprend rien (l’accent dublinois, c’est très chou) et qu’on est paumé , et bien, ça renforce plutôt les sentiments. C’est aussi très drôle (Ahaha, l’épisode du « cervical » à la maternité, la première fois…on a mis un certain temps, tous les deux pour comprendre que la sage-femme ne parlait pas de mes cervicales du tout).
Je ne veux pas casser le mythe, et déprimer les journalistes de madame Figaro, mais sérieusement, les centaines de milliers de Français qui sont en Angleterre ne vivent pas comme les expats de l’article. On est exactement comme les français de France, juste de l’autre côté de la Manche. Il nous arrive même parfois de lire la presse française. Ce serait gentil d’arrêter de nous caricaturer. Il y a sûrement une minorité qui se reconnaît dans l’article, mais les autres alors? Et pour la femme de ménage gratuite, si vous avez des tuyaux, je prends!