Le terme de développement durable est une mauvaise traduction française du concept de « sustainability » (se soutenir soi-même) que l’islandais traduit beaucoup mieux (« sjálfbærni » qui traduit la formulation anglaise intégralement). La notion de cycle où l’on rend à la planète autant que l’on a utilisé afin d’assurer la pérennité des ressources n’apparaît pas dans le terme consacré français. Alors que le débat sur ce thème est devenu mondial, et certainement parmi les plus importants pour l’avenir de la planète, il est encore relativement discret et souvent détourné du sens du terme en Islande.
Les pêcheries islandaises ont façonné une certification « pêcheries responsables » basée sur la durabilité de la gestion des stocks, mais les démarches dans le secteur de l’agriculture et du tourisme, les plus concernés par la durabilité, en sont encore à des balbutiements. Quelles sont les perspectives ?
Une agriculture islandaise durable ?
L’agriculture islandaise est passée d’une agriculture extensive et essentiellement de subsistance à une agriculture tournée vers le marché, donc recherchant la rentabilité et le profit. Dans des terres géologiquement jeunes et donc fragiles, dans un pays situé à la limite du monde habitable, l’utilisation d’intrants (pesticides, désherbants, fongicides…) est réduite au minimum, en revanche les engrais chimiques sont utilisés systématiquement et les recherches sur l’amendement bio des terres sont peu nombreuses. L’agriculture étant basée sur la culture de prairies, et marginalement sur la culture de légumes en pleine terre (et sous serres), l’épuisement des sols est un problème, alors que l’élevage des ovins, extensif lui aussi, est plus proche de la durabilité lorsque les landes sur lesquelles ils pâturent en été supportent leur nombre.L’industrialisation de l’élevage des bovins, poulets et porcs est par contre le lot des fermiers islandais, les exigences de rentabilité ne pouvant être remplies face aux exigences de prix minimum des produits.
Energie et tourisme, énergie ou tourisme…
Penser durabilité devrait être également au premier plan lorsque les sujets de l’énergie et du tourisme sont abordés. Il apparaît que, surexploitée, la géothermie ne se renouvelle pas (est-on arrivé aux limites d’exploitation de cette source ?), et également que les limites de l’énergie hydraulique devront se situer au point de jonction avec les intérêts du tourisme. Cette année, l’Islande devrait accueillir 1,3 million de touristes, soit une augmentation annuelle de 20% sur les 4 dernières années… Les projets de construction de barrages sur les principales rivières islandaises, dans des zones soit encore sauvages soit à fort attrait touristique, afin de servir une grande industrie forte consommatrice d’énergie (« verte »), se heurtent rapidement aux intérêts de l’industrie touristique et simplement à l’attrait de l’Islande en tant que destination « nature ». L’exemple du barrage de Kárahnjúkur et de son immense lac de retenue devrait servir de mise en garde; il est certain que barrages et lignes haute tension ne font pas partie des éléments faisant le succès touristique du pays.
Ainsi, la découverte de l’Islande avec Comptoir des Voyages par exemple, est basée sur la découverte de cette nature exceptionnelle en Europe, voire dans le monde, où jouent justement un rôle prépondérant la géothermie avec ses solfatares et ses paysages dantesques, les rivières glaciaires avec leurs rapides et cascades, les immenses étendues de sable noir ou les glaciers au niveau de la mer. Le tourisme industriel en Islande est bien loin de cette approche.
Aujourd’hui, le tourisme pose autant de problèmes d’accueil, sur les sites comme pour l’hébergement et autres services, qu’il apporte de bénéfices au pays : il peut parfaitement faire partie d’un développement durable mais uniquement dans la mesure où les autorités sauront gérer le dossier et dégager les crédits pour l’encadrer.
Et l’agro-alimentaire ?
Le développement de ces dernières années (depuis la crise financière qui a eu un rôle de catalyseur en ce qui concerne la production agro-alimentaire locale à petite échelle) donne espoir dans la réflexion sur la durabilité. De petites entreprises familiales, souvent basées sur les produits de la ferme, ont trouvé un créneau de développement, en même temps qu’un canal de distribution : direct de la ferme ou du producteur au consommateur. Ces petits entrepreneurs ne pèsent encore que peu dans la balance économique mais sont de première importance lorsqu’il s’agit de fixer la population dans l’ensemble du pays (n’oublions pas que la capitale et ses banlieues accueillent les 2/3 de la population de l’île).
L’Islande a en mains toutes les cartes pour être un exemple pour les pays souhaitant appliquer un développement durable réel : il y a peu de générations entre cette société autosuffisante (terme d’ailleurs considéré comme péjoratif mais qui exprime bien la durabilité) et celle qui est attirée aujourd’hui par le super consumérisme. Il y a peu d’obstacles dans l’agriculture où la fragilité de l’écosystème devrait être un élément convaincant. Le développement durable en Islande ne passe pas par l’industrie lourde grande utilisatrice d’énergie hydraulique – elle passe par une diversification des ressources et l’introduction d’un paramètre « raisonnabilité » dans la consommation. Et par une volonté politique.
On peut difficilement dire que ce soit le cas sous le gouvernement actuel.