La dernière fois que je suis revenu dans ma terre natale je me suis soudain senti comme un étranger. Je ne voyais plus les choses avec le même œil, je me suis rendu compte que j’avais grandi dans une région plus belle et plus riche que dans mes souvenirs. Adolescent je ne voulais qu’une chose : parcourir le globe, quand je retourne en Bretagne à présent, je me dis que je n’avais même pas besoin de sortir du Finistère pour être dépaysé. Dans mon coin de pays existe une forme d’art religieux absolument unique en Europe : les enclos paroissiaux, des merveilles de pierre qui symbolisent le siècle d’or Breton. Par ici la visite je vous fais découvrir un visage inédit de la Bretagne !
C’EST PAR OU ?
Les enclos paroissiaux sont une spécificité bien localisée, ils se trouvent dans le département du Finistère, à la pointe nord-ouest de la Bretagne. Les plus majestueux et célèbres se retrouvent à cheval entre le Léon et la Cornouaille. En partant de ma ville natale, Morlaix, vous êtes très bien centrés pour parcourir le chemin des enclos paroissiaux, au sud vers les monts-d’Arrée, et à l’ouest vers Bodilis et la Roche-Maurice en pays Léon.
C’EST QUOI UN ENCLOS PAROISSIAL ?
Là il faut faire une petite remise en contexte ! Les enclos paroissiaux sont un ensemble architectural entourant une église. La plupart datent du XVIème et XVIIème siècle. À cette époque la Bretagne est en pleine période de prospérité économique, le commerce du lin, du chanvre et le développement du commerce maritime international enrichissent de nombreuses communes. En effet à cette époque les ports du monde entier étaient fréquentés par les navires bretons, à tel point que la langue maritime internationale de l’époque était le breton, un véritable âge d’or pour la Bretagne ! Les régions productrices de lin étaient directement bénéficiaires de ce commerce, et les villages commencèrent la construction des enclos, il s’agissait d’en avoir un plus beau que celui du voisin, et ils rivalisèrent donc d’imagination ! Les foires liées aux grands événements de la vie liturgique sont à l’époque en plein essor, et dans le monde breton le culte des saints locaux et des morts est encore sous l’influence de l’imaginaire celtique. À la fin du XVIIème siècle, un décret royal interdit toute construction de nouveaux édifices religieux sans nécessité, ce sera le coup d’arrêt des enclos. La fin des merveilles de pierres.
Alors de quoi se constitue un enclos paroissial ? Toutes les églises ne pouvaient pas se titrer « Enclos Paroissial », il fallait respecter un certain nombre de conditions et le complexe devait se composer des éléments suivants :
- L’église, base de l’enclos paroissial
- L’ossuaire, ou parfois les crânes étaient conservés dans des boites
- La porte triomphale ou Arc de Triomphe (En breton « Porte de la mort » elle sépare l’entrée du cimetière, donc le monde des vivants des morts)
- Le mur d’Enceinte
- Le Cimetière
- Le Calvaire, souvent à l’entrée des enclos, celui-ci représente toujours « La passion du Christ », certains sont tellement riches en personnages qu’ils servaient à l’instruction religieuse ! Il est intéressant de noter qu’à la base les calvaires étaient peints ! Cette année un travail de mise en lumière de nuit avait pour but de redonner des couleurs temporairement aux calvaires.
Alors, prêts pour un petit tour ? Voici quelques uns des plus beaux enclos qui existent, je ne les ai pas tous visités, mais voici ceux que l’on peut croiser autour de Morlaix !
SAINT-THÉGONNEC
Saint-Thégonnec, pour moi ça a toujours été ce petit village croisé lors d’excursions en voiture vers les Monts d’Arrée, mais c’est également un des endroits les plus visités du Finistère ! De l’avis de beaucoup il s’agit du plus bel enclos paroissial avec celui de Pleyben. L’ensemble est véritablement imposant, comme pour chaque église, la pierre de granit rongée par la mousse verte est une vision magnifique. Entouré du mur d’enceinte et doté d’une porte magistrale, l’enclos est véritablement majestueux !
Des petites fleurs de toutes les couleurs percent le granit par endroits.
Nous sommes rentrés par l’arrière de l’église Notre-Dame qui date du 16ème siècle, déjà on aperçoit le calvaire, impressionnant c’est le premier mot qui me vient à l’esprit ! La richesse des personnages représentés, le talent qu’il a fallu pour sculpter la passion du christ sur la pierre, d’entrée de jeu St-Thégonnec fascine !
Voici le calvaire, forme typique que l’on retrouve dans beaucoup d’églises du nord Finistère.
Devant l’entrée de l’église, un rayon de soleil s’échappe des nuages en ce milieu d’après midi grisâtre, et vient illuminer les couleurs et le détail des sculptures du calvaire.
Avec celui de Pleyben, il s’agit du plus bel ossuaire que j’ai eu la chance de croiser, celui-ci était une chapelle funéraire et donc ne contenait pas d’ossements, ce petit bâtiment est très impressionnant ! En arrière de la photo on aperçoit la porte triomphale qui permet d’entrer dans l’enclos.
À l’intérieur on retrouve quelques beaux vitraux, sur certains on retrouve des inscriptions en breton.
En ressortant par l’arrière je ne peux pas m’empêcher de photographier cette représentation de Marie et ses mains jointes, encore un travail magnifique dans le granit. Au final St-Thégonnec est un immanquable si vous désirez percer les mystères des enclos paroissiaux !
PLEYBEN : LE CHEF-D’OEUVRE
Attention oeuvre d’art ! Au coeur du Finistère, entouré des collines verdoyantes des monts d’Arrée, l’enclos de Pleyben est de loin le plus connu et le plus imposant de tous. Articulé autour de l’Église Saint-Germain, l’enclos est vaste, on y retrouve notamment le plus massif des calvaires de Bretagne. Les dimensions du calvaire sont exceptionnelles, les personnages sont représentés très haut, et le calvaire lui même est construit sur une porte monumentale, un deux en un !
Détailler l’ensemble des personnages et fresques du calvaire prend un certain temps. Nombre de petits détails et de représentations sont tout à fait uniques, notamment comme on le voit ci bas le diable gravé sous les flammes de l’enfer avec sa fourche !
Les personnages sont sculptés avec finesse, on retrouve même les larmes sous les yeux de certains, pleurant le Christ.
L’église est imposante, ses immenses murs commencent à prendre par endroit des teintes jaunes de mousse. Sur le bas de la structure on retrouve des frises, des arches et des colonnes entourant les portes massives. Quelques anges sculptés résistent encore au temps sur le toit de la structure !
L’intérieur de l’église est superbe, l’humidité, le froid, l’écho des pas sur la pierre, les vitraux majestueux, la voûte sculptée et ses poutres en bois, l’ambiance est tellement bretonne et mystique à la fois. Des sensations comme je n’en retrouve que dans les églises de Bretagne.
Devant l’église on retrouve ici l’ossuaire, je ne résiste pas au plaisir de vous remettre d’autres clichés de l’imposant Calvaire, véritable chef-d’oeuvre de Pleyben ! Un arrêt à Pleyben est à ne pas manquer si vous visitez le Finistère, surtout si vous partez découvrir la région des Monts d’Arrée, ce village en est un des centres culturel les plus importants ! Pleyben : le plus beau des enclos paroissiaux !
LA ROCHE-MAURICE
On sort des Monts D’Arrée pour rejoindre l’autre extrémité du Léon à La Roche-Maurice, beau village qui abrite également les ruines d’un ancien château médiéval. Situé peu après la ville de Landivisiau, La Roche Maurice est un endroit superbe. D’emblée de jeu l’entrée de l’enclos vous accueille par trois Christ cloués sur de très hautes croix en granit, une vision mystique avec des personnages rongés par la mousse verte !
Une fois rentré je tombe sous le charme de l’église, indéniablement la plus belle de tous les enclos que j’ai pu visiter ! L’enclos est très resserré, très petit, l’ossuaire, le calvaire et l’église se marchent presque dessus. Les détails gravés sur les pilonnes qui entourent le clocher sont très nombreux, c’est la structure toute entière qui est époustouflante !
Mon coup de coeur va à l’ossuaire, richement décoré, très ancien, rongé par les mousses. Mais j’aime notamment sa représentation de l’Ankou, une des plus célèbres de Bretagne, qui est la personnification de la mort dans la mythologie bretonne, on le confond avec le diable. On retrouve même une petite inscription en français au bout de la fresque : « Je vous tue tous », bonjour l’accueil !
Le toit de l’ossuaire, de toutes les teintes, assaillit de vert et élimé par le temps …
L’entrée monumentale de l’église Saint Yves.
On retrouve même quelques gargouilles !
Voici donc l’entrée de l’enclos, on remarque bien, en comparaison avec les autres, que celui-ci est plutôt petit.
Sur le côté de l’église on retrouve une autre entrée, elle aussi majestueuse et ornée de belles gravures dans le granit.
Une fois à l’intérieur, les vitraux sont de toute beauté. Et la lumière qui traverse inonde l’endroit de toutes les couleurs.
En ressortant voici quelques dernières photos de l’ossuaire et des détails des nombreuses sculptures de l’enclos de la Roche Maurice.
Véritablement un autre coup de coeur que cet arrêt à La Roche Maurice, fabuleux enclos paroissial qui en impose par la richesse de son ossuaires, la façade de l’église Saint Yves, et les nombreuses sculptures qui ornent le complexe. Un bel arrêt sur la route de Brest !
BODILIS
Au nord de Landivisiau, sur la route qui mène au Château de Kerjean, se trouve le petit bourg de Bodilis et son enclos articulé autour de l’église Notre-Dame. Je n’avais jamais mis les pieds dans ce petit village du Léon, qui sonnait creux à mes oreilles pendant mon adolescence ! Erreur : car son église imposante vaut vraiment le détour !
Les murs anciens, rongés par la mousse, les vieilles pierres de granit tachées et usées par le temps, les gravures très nombreuses, l’ambiance qui entoure cet enclos est tout à fait particulière.
Dans l’entrée de l’église on retrouve de très nombreuses frises, un immense bénitier et beaucoup de personnages sculptés tout autour.
En faisant le tour de la bâtisse, on croise des petites portes rouges ornées de décorations, des gargouilles aux coins du toit, des vitraux vus de l’extérieur en forme celtique, des vieux bénitiers et des personnages ornés de Saint Jacques. Le nombre des détails est plutôt impressionnant !
Bodilis est un peu hors carte touristique, mais si vous pensez visiter le Château de Kerjean, cet enclos est sur votre route, et je pense que l’arrêt vaut la peine. Le travail ici est encore une fois imposant, c’est une petite perle cachée ! Coup de coeur pour le bénitier entièrement recouvert de mousse, une image particulière !
PLOUGONVEN
Au sud de Morlaix, sur la route qui mène à la forêt d’Huelgoat (Mon article détaillé ICI), se trouve l’enclos de Plougonven, ma dernière visite pour ce dossier spécial ! C’est par une journée pluvieuse (Quoi ! En Bretagne ? Pas possible !), que j’ai fait le tour de la petite église Saint Yves, dont le toit superbement dessiné annonce déjà la qualité du travail !
Petit coup de coeur à Plougonven : le bénitier rempli d’eau verte, toute une image !
Le toit est ornementé de nombreux détails très intéressants, entre le granit, la mousse verte omniprésente, la pluie, les petites gravures, les gargouilles, c’est un panorama très particulier, une certaine facette de la Bretagne. Ci-bas la statue de l’Abbé Le Teurnier, et la fameuse gargouille !
On retrouve le petit ossuaire en arrière de l’église
Le calvaire est lui véritablement intéressant, il est étonnamment de structure octogonale et non carrée. Massif et haut de 4 mètres, on retrouve bien entendu les scènes de la passion du Christ, mais aussi des représentations de Saint Yves (Oui on est dans le Trégor Saint Yves est partout !)
Détail très intéressant : la représentation de Satan ici particulièrement impressionnante !
J’aime à nouveau le détail des larmes sous les personnages qui pleurent Jésus, sous la pluie la scène était véritablement unique. Plougonven est à nouveau un très bel enclos, une belle visite dans la région de Morlaix, avec un calvaire magnifiquement réalisé !
ON Y VA ?
Absolument ! Il existe une route touristique (au même titre que notre « Route du Fleuve » au Québec), elle retrace l’histoire de ces enclos. Visiter les enclos c’est aller à la rencontre d’une autre facette de la Bretagne, loin de la côte et de la mer. Le visage religieux de ma région natale est absolument passionnant, on y croise le travail majestueux sur la pierre, façonné par un peuple dévoué et talentueux. Si vous visiter la Bretagne, prenez le temps de découvrir ses plus beaux enclos comme celui de Pleyben. Une région riche à plus d’un titre et qui mérite d’être explorée en profondeur !