Editions Gope, juin 2012
Chronique de Jeff de Pangkhan auteur de « Un os dans le riz »
Lorsque « Bangkok Noir » est arrivé dans les bacs, je n’étais pas très chaud à l’idée de le lire. Un recueil de nouvelles, je n’ai jamais été très chaud, trouvant que ces petites histoires vous laissent souvent sur votre faim. Mon expérience avec Stephen King – je suis fan de ces romans –, je trouvais ses nombreuses nouvelles un ton au dessous de ses écrits.
J’y trouvais tout de même un intérêt qui me poussa à me le procurer. La ville de Bangkok et la Thaïlande en général déshabillées de leur face cachée, leur noirceur. Deux des auteurs, Burdett, que j’adore, signait une des nouvelles et Ch. G. Moore dont j’avais lu le seul polar traduit en langue française, « Zéro Heure à Phnom Penh », me laissaient sur ma faim. Ce dernier était aussi l’instigateur de cette compilation publiée en langue anglaise et, soyons fous, c’était l’occasion de découvrir de nouveaux écrivains qui n’avaient jamais été traduits pour la plupart d’entre eux en Français.
« Bangkok Noir » se lit vite, les douze nouvelles sont courtes et bien construites, et la plupart d’entre elles tournent autour de phénomènes étranges méconnus de la plupart des Farangs qui viennent au pays : les esprits, les revenants, les fantômes qui peuvent venir hanter votre vie à tout moment. Les Thaïlandais tout au long de leur vie vont les craindre, régir leur quotidien en fonction de leurs manifestations et pour beaucoup jusqu’à les vénérer. Vous pourriez penser que cela concerne seulement quelques autochtones sans instruction se pliant aux vieilles croyances animistes, mais ce n’est pas du tout le cas. Tous les Thaïs, riches ou pauvres, paysans comme citadins, de la haute ou des bas-fonds, communément appelés par ici les « Hi-So » ou « Lo-So », les jeunes, les anciens, tous restent sur le qui-vive et ont souvent un regard derrière eux, craignant d’éventuelles manifestations fantastiques.
Tous les auteurs de « Bangkok Noir » ont bien senti ce phénomène et ils partagent avec nous, lecteurs, ce qu’ils ont vraisemblablement ressenti dans leur quotidien en Thaïlande.
Avec plus ou moins de bonheur, à mon avis.
Les nouvelles de Burdett et Moore m’ont laissé perplexe, je les ai connu meilleurs, surtout Burdett dont j’ai lu tous les ouvrages.
Par contre, j’ai découvert des auteurs dont l’approche de la Thaïlande, leur style (il faut d’ailleurs remercier les traducteurs pour ce travail) et l’originalité m’ont beaucoup plu.
J’ai eu un coup de cœur pour Crâne-Coupé de Colin Cotterrill, c’est un délice macabre, son chaman est aux petits oignons et le chef de la police est adorable, des personnages comme je les aime… Mais je n’en dirai pas plus, juste un conseil : n’oubliez pas de mettre votre ceinture, c’est tout !
Une femme libérée de Tew Bunnag (qui est le seul écrivain Thaïlandais de ce recueil avec Vasit Dejkunjorn) est un délice dont la chute vous laissera coi ; quant aux deux ami (e?) s, personnages principaux de cette nouvelle, j’ai vraiment eu l’impression de les avoir déjà croisés à Bangkok…
La mort d’une légende de Dean Barret vous fera rencontrer un personnage haut en couleur, un tueur à gages au grand cœur… Enfin presque !
Bras de fer autour d’une glacière d’Eric Stone est une illustration des rapports de forces entre les Thaïs influents et protégés par leur rang et les petites gens. Une embrouille, une sorte d’arnaque bienfaitrice menée de main de maître et une fin heureuse…
Mais la nouvelle que j’ai préférée est sans nul doute Canicule mortelle de Collin Piprell. Tout d’abord, son style, sa façon de décrire les lieux, les personnages et l’empathie qu’il a pour eux, leurs espoirs si bien décrit, j’aurais aimé l’écrire !
Canicule Mortelle est donc ma palme d’or, si j’avais eu la possibilité le faire !
Si je n’ai mis en avant que certaines des douze nouvelles de Bangkok Noir c’est qu’il fallait bien que je vous indique celles qui m’ont touchées le plus, celles aussi les plus proches de mon style, de ma vision du Pays et bien sûr de « Un Os dans le riz » et son inspecteur Prik… Les autres n’en méritent pas moins pour cela qu’on ne les lise pas avec intérêt !
Bangkok Noir est donc un recueil de nouvelles que tous les amoureux de la Thaïlande et du polar fantastique devraient lire, comme j’ai eu le plaisir de le lire et de le relire récemment pour écrire cette chronique. Si vous ne l’avez pas encore lu, allez-y, vous rencontrerez dans l’intime du peuple thaï.
Jeff de Pangkhan, auteur de « Un os dans le riz », éditions Gope.
(extraits de chaque nouvelles, interviews, présentations des auteurs, commande, etc.)
Fille de sang
Depuis, elle a écrit de nombreux autres romans et pour cette rentrée, on va pouvoir enfin découvrir, pour ceux qui ne lisent pas le Thaï, cette auteure qui par son style et son écriture à apporter du sang neuf à la littérature Thaïlandaise.
Articles de journaux, textes libres, extraits, biographie, etc.
Fille de sang, Arounwadi (อรุณวดี อรุณมาศ), Éditions GOPE, 228 pages, 13 x 19 cm, 18 €, ISBN 979-10-91328-21-0
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