Le Patriarche de Venise Giuseppe Melchiorre Sarto quitte la lagune pour se rendre à Rome, pour le conclave après la mort du Pape Léon XIII.
Né dans une famille de condition modeste — son père Giovanni Battista Sarto (1792-1852) est facteur rural et appariteur de Riese et sa mère Margherita Sanson (1813-1894), couturière, il reçoit la tonsure en 1850 et entre au séminaire de Padoue où ses supérieurs le chargent de diriger le chant des séminaristes. En bénéficiant de son talent musical, il est nommé maître de chapelle et y organise une scuola. Il est ordonné prêtre en 1858.
Il devient vicaire de la paroisse de Tombolo à laquelle il crée une petite école du chant grégorien de sorte que tous les fidèles puissent prendre part au chant de la messe.
La Vénétie devient italienne en 1866.
L’abbé Sarto est nommé archiprêtre de Salzano en 1867, ensuite chanoine de la cathédrale de Trévise en 1875. Parallèlement, il devient directeur spirituel du séminaire du diocèse.
En 1882, lors de la conférence européenne d’Arezzo pour la musique sacrée, en tant que chancelier de l’évêché et directeur spirituel du grand séminaire, il soutient les moines de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes en faveur de la restauration du chant grégorien, alors que le pape Léon XIII défend toujours le chant néo-médicéen, issu de celui qui a été publié à Rome de 1614 à 1615.
En 1884, il est consacré évêque de Mantoue.
Il effectue deux visites pastorales et organise un synode diocésain, avant de devenir Patriarche de Venise en 1893 et de recevoir la barrette de cardinal-prêtre (pour la paroisse de San Bernardo alle Terme) lors d’un consistoire secret en juin 1893. Le gouvernement italien refuse d’abord son exequatur, sous prétexte que sa nomination a été le fait du gouvernement austro-hongrois. Sarto doit attendre 18 mois avant de recevoir son nouveau diocèse.
Il publie à Venise le 1er mai 1895, la Lettre pastorale sur le chant d’Église, en présentant des principes généraux pour l’organisation et la réalisation de la prière commune, chantée et liturgique.
Le pape Léon XIII, né Vincenzo Gioacchino Raffaele Luigi Pecci, meurt le 20 juillet 1903.
Le Sacré Collège qui se réunit au conclave a été entièrement nommé par Léon XIII, dont le pontificat a duré 25 ans, à la seule exception du cardinal Oreglia, créé cardinal par Pie IX. Léon XIII avait cependant pris soin de maintenir l’équilibre entre le courant conservateur et le courant libéral. Le cardinal Rampolla, secrétaire d’État, fait alors figure de favori et représente la poursuite de la politique du pape défunt, avec le soutien du courant libéral. Le courant conservateur, quant à lui, réuni autour du cardinal Oreglia, souhaite une remise en cause de cette politique jugée trop proche du modernisme.
Au cours du conclave, le cardinal Puzyna, archevêque de Cracovie, fait connaître le véto de François-Joseph, empereur d’Autriche-Hongrie, détenteur d’un droit d’exclusive, à une éventuelle élection du cardinal Rampolla, jugé progressiste et proche de la France. Cette méfiance est également partagée par l’empereur d’Allemagne, Guillaume II. L’archevêque de Cracovie reçoit d’ailleurs l’appui de Georg von Kopp, prince-évêque de Breslau et proche de Guillaume II.
Les cardinaux français, qui craignent l’élection d’un pape conservateur et hostile à la France, lui demandent alors de se prononcer en faveur d’un autre candidat permettant un compromis. Devant son refus de céder à la pression politique, les deux partis campent sur leurs positions.
De son côté, le discret cardinal Sarto, qui était parvenu au patriarcat de Venise avec l’appui autrichien, reçoit des voix dès le 1er tour de scrutin. Il dissuade plusieurs fois les cardinaux de voter pour lui, mais tout le camp anti-Rampolla finit par se reporter sur lui, ainsi qu’un certain nombre de cardinaux français. Il accepte son élection le 4 août, après avoir obtenu 50 voix contre 10 à Rampolla.
Il choisit le nom de Pie, en souvenir des papes du XIXème siècle qui ont « courageusement lutté contre les sectes et les erreurs pullulantes » et remplace à la secrétairerie d’État Rampolla par Merry Del Val. Il est couronné le 9 août.
L’une des premières décisions de Saint Pie X est d’abolir la pratique de l’exclusive dans la constitution apostolique Commissum nobis, pratique qui avait empêché Rampolla d’être élu.
Le nouveau pape a pour particularité de n’avoir aucune expérience diplomatique, ni véritable formation universitaire. Il compense toutefois ces handicaps en s’entourant de gens compétents, comme le cardinal Rafael Merry del Val, âgé de 38 ans, polyglotte et directeur de l’Académie des nobles ecclésiastiques, dont Pie X fait son secrétaire d’État.
Pie X, issu d’un milieu populaire, tente de rester accessible et fait aménager un appartement particulier dans le palais des papes, pour préserver sa vie privée marquée par la personnalité de ses sœurs.