Si vous n’avez jamais entendu parler de Karpathos, ne soyez pas étonnés. Cette île grecque de la région du Dodécanèse située entre Rhodes et la Crête, n’est pas connue des Français. Elle a pourtant tout pour plaire : des paysages naturels préservés du tourisme de masse (montagnes et mer turquoise), une population accueillante, une cuisine exquise et des prix tout doux. Nous avons eu la chance d’y passer 3 semaines inoubliables.
De la difficulté d’écrire sur karpathos
Alors que j’écris habituellement les articles du blog au fur et à mesure, cela fait un mois que ce billet sur Karpathos est en gestation, un mois que je reporte le moment de poser des mots sur ce séjour. J’ai fait un peu diversion en vous parlant de notre journée de visite à Kassos, de mes erreurs en terme des bagages (comment faire un tour du monde avec dix tonnes de bagages) mais toujours rien sur Karpathos. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, la crainte de ne pas rendre justice à ce lieu qui m’a touchée au cœur. Je ne suis pas une écrivaine et je manque de qualificatifs et de métaphores pour les lieux qui me transportent. Ensuite, je trouve particulièrement impudique de décrire le grand bonheur qu’on y a vécu. Comment trouver l’angle pour parler de l’île et de ce séjour? Je pensais consacrer nos derniers jours sur l’île à cette écriture comme un « au revoir » mais les imprévus de la vie nous ont arrachés à cette tranquillité. C’est depuis la grande île voisine de Rhodes que je vais vous parler de Karpathos, avec la tristesse de l’avoir déjà quittée.
Karpathos et nous : une grande attente !
Parmi toutes nos destinations de l’année, Karpathos a eu une place à part pour nous, dès le début, avant même d’y mettre les pieds. Quand on a réservé notre billet du Tour du Monde, en novembre dernier, la première chose que Benoit a faite a été de réserver un studio à Karpathos pour tout le mois d’août suivant ! 10 mois en avance ! Très bizarre vu comme on a préparé le reste, au fur et à mesure ! Et encore plus étonnant, le choix d’une petite île peu connue dont une seule personne lui avait parlé des années avant! Pour lui -et pour moi ensuite- Karpathos était le « chez nous » après des mois de voyage itinérant. Une pause dans un lieu beau et tranquille. Nos grandes vacances en quelque sorte mais loin de la foule. On aime la Grèce depuis longtemps et on y a découvert de nombreux lieux au cours de nos 3 voyages précédents. Cette année, en posant le pied à Kos, puis à Rhodes, le goût de la Grèce nous revenait avec force et on voulait vite arriver à Karpathos.
Ce sera chose faite en pleine nuit ! Grosse fatigue après des heures de ferry. Nuit sans sommeil. Notre humeur maussade du petit matin s’envole progressivement quand nous découvrons la beauté du lieu mais aussi quand nous faisons la connaissance de Nikos et Maria, les propriétaires du studio. On a été conquis par leur accueil chaleureux. Leurs attentions nous ont vraiment touchés. On se sentait comme des enfants qui reviennent à la maison après une longue absence. Nous avons pu souffler, poser nos valises et nous dire « on est chez nous ! ».
Notre « chez nous »
Nous avons élu domicile à Amoopi, à l’est de l’île. Ce n’est pas un village mais plutôt un coin de nature vallonné et rocheux, avec des oliviers, en bord de mer. Depuis quelques années, des constructions parsèment les collines : quelques hôtels mais surtout des studios aménagés par des particuliers.
vue de notre studio
La particularité de Karpathos est qu’une grande partie de sa population a émigré aux États-Unis ces dernières décennies. Ceux qui sont revenus, souvent pour la retraite, ont investi leurs économies dans des commerces, restaurants ou studios. C’est d’ailleurs le cas de Nikos et Maria ! Ils parlent tous un très bon anglais avec les touristes qui sont à 95 % des italiens ! Qu’il y ait autant d’Italiens à Karpathos nous a réjouis. D’abord parce qu’on aime beaucoup la langue italienne et ensuite parce que quand les Italiens investissent en masse un lieu, c’est qu’il est très beau et qu’on y mange bien. On a pu le vérifier à plusieurs reprises ! Évidemment, ils ne sont pas trompés pour Karpathos !
Depuis notre studio, nous pouvions rejoindre à pied un chemin de bord de mer et trois plages différentes. Quelques supérettes et restaurants nous permettaient de ne pas mourir de faim mais connaissant notre « bougeotte », il nous fallait un moyen pour sillonner l’île et découvrir chacun de ses recoins. Nous avons donc choisi de louer un scooter pour le mois. Rencontre à cette occasion avec la fille de Nikos et Maria qui tient la boutique avec énergie et a hérité de la chaleur humaine de ses parents. Tout semble tellement simple et naturel à Karpathos.
Notre quotidien a été une succession de moments vraiment agréables.
Le lever du soleil sur notre terrasse. Le ciel orangé avant que le soleil n’émerge derrière la colline. Le silence. Le vent qui commence à se lever.
Prendre son petit-déjeuner en chuchotant pour ne pas troubler l’harmonie du moment.
Se baigner dans une eau cristalline dans une baie, entre les collines.
Nager des kilomètres dans une piscine naturelle.
Parcourir les routes sinueuses de l’île et s’émerveiller à chaque instant.
Une île aux paysages contrastés
Les premiers jours, nous avons fait des repérages des lieux, autrement dit des heures de scooter jusqu’à en avoir les fesses en feu ! ;-) L’île fait entre 6 et 10 kilomètres de largeur et 50 kms de longueur. Nous avons pu sillonner la moitié sud et identifier les coins qui nous plaisaient le plus.
À quelques kms de Amoopi, se trouve la « capitale » appelée Karpathos mais que les locaux nomment Pigadia. Une ville récente avec de petits immeubles construits de manière parfois anarchique. Ce qui nous avons beaucoup aimé à Pigadia, c’est le quartier du port.
Le matin, le soir, les couleurs changent… Les barques colorées me donnent toujours tellement envie de peindre…
Des rues piétonnes, des terrasses de café où on a envie de rester des heures. Des restaurants de poissons. Benoit a découvert le plaisir de faire les courses du matin : acheter le pain et charmer la boulangère avec ses quelques phrases en grec, aller à la supérette et acheter quelques douceurs, se promener dans les ruelles comme un vieux Karpathien. Le bonheur simple d’une routine qui lui est si étrangère. Voir son sourire ébahi chaque matin en revenant était vraiment un moment magnifique.
À l’extrême sud, l’île est plate, venteuse et très rocheuse, avec peu de végétation. Quelques plages.
D’autres parties ( centre et est) sont très montagneuses avec des forêts de pins qui embaument tout. Les routes sont sinueuses voire vertigineuses. Les baies sont toutes plus belles les unes que les autres.
Par endroits, la campagne apparaît avec des chèvres à l’ombre des d’oliviers, des chevaux… Et toujours une chapelle quelque part…
L’île est très vallonnée et offre beaucoup de points de vue en hauteur :
Des villages de montagnes qui rivalisent de beauté. Paysages de carte postale 100 % grecs : Les petites maisons blanches, l’église et les chapelles. Les petits vieux assis sur leur chaise en bois au bord de la route. Mêmes personnes au même endroit quel que soit le jour.
Le village de Menetes:
Le village endormi de Messochori qui nous a transportés dans un autre monde. Des ruelles de plus en plus étroites, puis des marches et personne en vue! Juste un chat surpris de nous trouver là.
Messochori, niché sur la montagne avec les nuages accrochés. Ambiance de fin du monde…
Un choix incroyable de plages belles et tranquilles. Parfois du sable, parfois des galets. Ou plutôt des petites pierres comme des pierres précieuses. Je pouvais rester des heures à observer ces petites merveilles entre mes doigts. Des dégradés de bleu magnifiques…
Quelques voiliers…
Des petits villages de pêcheurs endormis, comme Lefkos :
… mais aussi Agios Nicolaos :
et le coup de coeur de Benoit : Finiki:
Les petits restaurants tout en bleu et blanc qui nous régalent de poissons et de poulpes. Sans compter toutes les spécialités grecques et celles de Karpathos : le fromage frais, les Makarounes (des gnochis recouverts d’oignons caramélisés)… Pendant ce séjour, nous avons découvert des dizaines de mets nouveaux, tous délicieux.
Une eau turquoise et cristalline absolument partout. On pouvait voir distinctement les fonds à plusieurs mètres. Pas vraiment de coraux impressionnants mais des reliefs sous-marins et la vie des poissons… Ce monde du silence me fascine. Ce sont les seuls moments où je peux nager longtemps sans me rendre compte que je fais des efforts physiques ! Le piège de la fainéante !
Au delà des photos
Et puis, il y a surtout tout ce qui ne se prend pas en photo.
La gentillesse des gens, leur chaleur et leurs sourires. Le plaisir d’échanger quelques mots en grec. Leur plaisir et étonnement de rencontrer des Français à Karpathos. L’actualité européenne récente nous rapproche. Nous sommes des peuples amis !
Ces moments simples où Nikos nous fait partager l’amour de son île. Nager, pêcher, manger les fruits de son verger. On sent qu’il y est si heureux après des décennies à travailler dans une grande ville américaine. On plaisante sur son modèle de vie qui fait rêver Benoit : être un « lazy greek » comme le dit Maria (un grec fainéant).
Le bonheur d’être tous les deux sur notre scooter avec ce sentiment de liberté intense, unis par la même envie. On voyage avant tout pour cela, pour vivre ces émotions fortes ensemble. Plus d’une fois, les larmes coulaient derrière mon casque, la poitrine soulevée par les émotions. Nous deux dans des paysages magnifiques… Liberté totale.
Notre tour du monde nous a réservé beaucoup de ces moments magiques et émouvants. La particularité de Karpathos, c’est que l´émotion était toujours là, même dans les paysages que l’on voyait tous les jours.
Les fins de journée sur la terrasse, l’embrasement du ciel, nous arrachaient des « waouhh ! Regarde comme c’est beau ! » Jour après jour, le même spectacle rosé et le même plaisir à le contempler. Les levers et couchers de soleil sont les exemples mêmes de la routine qui reste incroyablement magnifique. Où que l’on soit sur la planète et quoi qu’on vive, chaque jour, deux spectacles magnifiques nous sont offerts.
Pas seulement de la contemplation…
Ces paysages sublimes ont été aussi le théâtre de nos intenses réflexions sur l’avenir. À la fin de ce tour du monde, ni maison ni travail ne nous attendront. Ce qui peut apparaître stressant est en fait une grande chance de se poser les questions essentielles. Pour nous, cela se résume ainsi : « Où est-ce qu’on a envie de vivre ? » et « Quel travail va t’on chercher ? » Poursuivre dans la même voie ou changer de cap ? À vrai dire, ces questions ne sont pas nouvelles mais aujourd’hui, on a vraiment le temps et l’opportunité de s’interroger sereinement. Au fil de nos discussions, nous avons beaucoup imaginé, rêvé, raisonné, changé d’avis et on se donne encore jusqu’à la fin de l’année pour prendre des décisions.
Karpathos nous a aussi donné un aperçu de sa rudesse : la dernière semaine, des vents violents rendaient la conduite du scooter périlleuse. « L’île balayée par les vents » comme l’écrivait déjà Homère nous a montré qu’elle pouvait être hostile. On a alors limité nos déplacements et choisi des criques abritées près de chez nous, reportant les visites au Nord de l’île.
Et puis, on a dû partir plus vite que prévu. Nos adieux à Karpathos auront été très rapides. Nous n’aurons pas eu le temps de visiter le nord de l’île ni de retourner sur nos lieux préférés.
Aujourd’hui, nous sommes dans une petite baie tranquille de Rhodes (Stegna) où je prends un peu de distance avec cet attachement à Karpathos. J’ai beaucoup aimé cette île pour sa beauté mais aussi pour le calme et le temps libre qu’on y a trouvés. L’alchimie des deux rend ce séjour inoubliable..
La Grèce a beaucoup de très belles îles. Karpathos me semble une île idéale pour passer des vacances d’été loin de la foule, au contact de la nature. Elle plaira autant aux amoureux de la mer qu’aux amateurs de randonnées. L’hospitalité grecque et sa cuisine traditionnelle sont des plaisirs quotidiens qui n’ont pas de prix. On peut souhaiter que l’île reste dans un tourisme raisonnable afin de la préserver la plus naturelle possible.