Le mur de Berlin qui entourait Berlin Ouest faisait 150 km ? 155 km ? 160 km ? J'ai trouvé diverses réponses à cette question. Ce qui est certain c'est que le chemin aménagé le long de l'ancien no man's Land doit être encore plus long car selon mes calculs nous avions déjà pédalé sur 90 km ces deux premiers jours de tour du mur.
Or ce dernier jour mon amie F. était équipée d'un instrument qui permet de calculer le nombre de kilomètres effectués en fonction des tours de roues. Et le chiffre que nous avons découvert à la fin de notre périple a dépassé toutes nos espérances : 84,94 km, un exploit pour nous.
Mais revenons-en au début de cette troisième journée. Nous avons dû traverser Berlin en S-Bahn jusqu'à la station Spandau et de là pédaler une vingtaine de minutes pour retrouver le " Berliner Mauerweg " là où nous l'avions laissé la dernière fois.
Nous commençons tout de suite par l'ascension de la colline Hahneberg où l'on croise des vaches et autres animaux de la ferme. Encore une fois on passe de la ville bruyante et grise à la nature verte et paisible en un coup de pédale. Non loin de ce parc se trouve le fort Hahneberg construit en 1888. Comme la journée s'annonce longue nous décidons de reporter sa visite à une prochaine fois.
Peu après nous arrivons à un carrefour équipé d'une vingtaine de panneaux d'informations au sujet de la construction du mur et de ses conséquences sur la vie locale. Nous commençons la lecture des informations en allemand. C'est intéressant et très détaillé mais un peu laborieux.
Notre voyage continue entre quartiers pavillonnaires et petits bois où le chemin toujours soigneusement goudronné monte et descend. Dans les zones d'habitation on remarque visuellement l'ancien passage du mur de Berlin avec d'un côté de la rue les appartements gris de l'ancien Berlin Ouest, et de l'autre les maisons flambant neuf construites sur l'ancien no man's land.
Nous longeons la forêt de Spandau bordée par les champs de blé. Le dépaysement est total. Nous passons notamment par une ancienne enclave de Berlin Ouest en RDA, le village de Eiskeller composé de 3 familles. Un des garçons de ce village déclara avoir été menacé par un garde de RDA sur le chemin de l'école. Il fut donc accompagné plusieurs mois par un soldat allié pour assurer sa sécurité jusqu'à l'école située à Berlin Ouest. On découvrira plus tard que la prétendue menace était un mensonge du garçon qui avait en fait fait l'école buissonnière.
Après le vert de la forêt et le blond des blés c'est le bleu qui refait surface dans notre champ visuel. Nous arrivons au bord de la Havel et croisons un restaurant Biergarten au bord d'une plage mais le menu et les prix ne nous inspirent pas. Nous continuons à longer la Havel au bord de laquelle se succèdent les petits logements de vacances, et de plus en plus les constructions plus imposantes d'habitations principales. Là encore le mur avait conduit à une situation absurde. Pour accéder à leurs maisons secondaires situées sur le territoire RDA au bord de la Havel, les habitants de Berlin Ouest devaient passer la frontière et longer un chemin bordé par le mur de Berlin jusqu'à l'entrée de leur demeure.
Au bord de la Havel se trouve l'un des derniers miradors du mur de Berlin encore debout. Il a été transformé en musée. Dans les petites pièces étroites situées les unes au-dessus des autres sur 2 étages sont exposés des objets d'époque, notamment ceux qui faisaient partie du quotidien des gardes frontaliers. Enfermés des heures durant dans leur mirador où une lourde atmosphère de suspicion réciproque régnait, on ne pouvait pas envier ces gardes, pour la moitié de jeunes conscrits. On comprend que certains aient tenté d'échapper au service militaire. Il y a encore de nombreux panneaux d'information en anglais et en allemand qui devraient satisfaire l'appétit des plus intéressés au sujet. Ne manquez pas de monter en haut pour observer le panorama avec les jumelles mais attention à ne pas heurter votre tête en descendant et montant les échelles.
Nous arrivons à proximité d'Hennigsdorf, où dévorées par la faim nous décidons de faire un arrêt. La rue principale n'est pas très animée, à l'exception d'une poissonnerie qui fait aussi restaurant. C'est exactement ce qu'il nous fallait. Pour un prix modique nous dévorons du poisson frais cuisiné à l'allemande avec de délicieuses pommes de terre. Nous voilà revigorées pour la suite des aventures.
Le paysage devient plus industriel, nous longeons pendant un certain temps des voies ferrées utilisées pour le transport de biens. Puis c'est le retour dans la forêt avec cette route toujours parfaitement goudronnée qui serpente sagement. Nous passons à l'intérieur d'un magnifique ensemble de bâtiments historiques qui semblent sorti d'un conte de fée. Il s'agit de l' Invalidensiedlung fondé en 1748 pour accueillir les vétérans blessés au combats. Aujourd'hui les bâtiments de brique ont été rénovés et accueillent familles, retraités et personnes handicapées. On compte 50 maisons abritant 180 appartements.
Nous voilà à Frohnau, toujours entre zones résidentielles, forêts, champs. La route semble ne jamais finir, descend et monte monotone. Nous sommes dépassées par un vieux monsieur qui pédale sans effort sur son vélo électrique. Pour nous c'est la tour de la télévision surgissant brusquement des collines qui nous électrise et nous redonne de la motivation. On ne doit plus être si loin du centre de Berlin !
Pourtant la partie est loin d'être gagnée. Nous traversons Pankow où nous perdons momentanément la trace des panneaux. Nous allons nous rendre compte que ces derniers sont très mal placés, voir inexistants, dans le centre de Berlin. Nous longeons un sentier un peu glauque le long des voies de S-Bahn avant de déboucher sur un terrain connu aux abords de Prenzlauer Berg.
Nous suivons ces rues si souvent parcourues avec un nouveau regard et découvrons encore quelques morceaux du mur peu avant le fameux pont de Bornholmer, le premier poste frontière qui céda à la pression de la population, première entaille au mur de Berlin.
Mauerpark, Bernauer Strasse, le park am Nordbahnhof et les cimetières du nord de Mitte autrefois traversés par le mur et dont il reste quelques pans, le Spandauer Schifffahrtskanal, un mirador au recoin d'un immeuble, le cimetière des invalides, l'hôpital de la Charité, le Reichtag, Potsdamer Platz, Niederkirchnerstrasse et ses 200 mètres de mur de Berlin, Checkpoint Charlie, Luisenkanal... et pour terminer en beauté, la East Side Gallery, plus long tronçon du mur de Berlin encore conservé.
Fin d'un voyage spacio temporel qui nous a embarqué 25 ans en arrière, loin des quartiers centraux que nous connaissons. La nature, même si jamais très éloignée de la ville, était savoureuse et multiforme. Nous avons décidé de suivre le Berliner Mauerweg en trois fois mais rien ne vous empêche d'embarquer votre tente et de partir à l'aventure autour de Berlin le temps d'un grand week-end.