Encore une adresse dans le 19e décidément. C'est toujours bien de s'éloigner du centre historique et de croiser les Parisiens car ils sont peu dans Notre Dame de Paris ou la Tour Eiffel. Le parc des Buttes Chaumont est le parc le moins français de Paris et comme j'aime quand la nature battifole, c'est l'espace vert que j'apprécie le plus dans la capitale devant la symétrie stricte des Tuileries ou des jardins du Luxembourg.
Le romantisme est sur une colline
Pourquoi dans le top 10? A l'abri du tourbillon parisien
Même si les foules se pressent à toute heure dans ce parc, en particulier le soir dans le seul bar qui y est installé, Rosa Bonheur, la quiétude fait son apparition à Paris entre les gazouillis des oiseaux et sa végétation faussement campagnarde. Je retrouve ici ce que j'aime à Londres, des parcs à la natue indomptée où les arbres peuvent s'épanouir comme bon leur semble, tout comme nous d'ailleurs. Mais au delà de la beauté paysagère entreprise au XIXe siècle, c'est le site lui même qui est époustoufflant.
C'est un terrain valloné, accidenté où les pentes sont raides que vous trouverez dans les Buttes Chaumont. Les cascades coulent lentement, tels des décors de contes de fée. Les grottes nous immergent dans l'ombre les jours brûlants de l'été et son belvédère embrasse la capitale car c'est peut être du 19e arrondissement que les points de vue sont les plus épiques. C'était autrefois une colline dénudée bien loin de l'aspect qu'elle adopte aujourd'hui. Au XIVe siècle, le roi Philippe le Bel, celui là même qui s'était querellé avec les Templiers veut évider les incendies, une plaie pour les villes de l'époque et c'est une des raisons pour lesquelles, il veut que les maisons parisiennes soient enduites de plâtre (aussi parce que c'est excellent isolant thermique). C'est ainsi que les carrières de gypse sont exploitées et la colline devient un immense chantier. Mais le 19e arrondissement était déjà mal famé à l'époque: les sans logis venaient s'abriter près des fours car le gypse doit être cuit pour être transformé en plâtre mais c'est aussi un repaire de brigands. Au XIXe siècle, la situation n'est pas meilleure: les carrières ne sont plus exploitées et le site est livré à lui-même ou à ses habitants. Rappelons que c'est le siècle où les villes européennes voient leur population croître avec la transition démographique et la Révolution industrielle. Ainsi, les trous dans la carrière se muent en espace à ordures et les équarisseurs traitent les cadavres et les carcasses des animaux et les laissent pourrir ici. Il était temps de réagir.
Sous Napoléon III, on retient souvent son formidable urbaniste Haussmann pour ses superbes boulevards aérés mais le baron ne s'arrête pas à ces travaux titanesques où il avait fallu détruire de très anciennes maisons délabrées. L'empereur lui demande aussi d'assénir l'air et de fluidifier la circulation dans une ville qui étouffe. C'est ainsi qu'il fut missionné pour entreprendre la construction de cimetières et de parcs comme les Buttes Chaumont. Par la suite, Jean Charles-Alphand appelé par Haussmann aménage les Buttes Chaumont selon la mode des parcs anglais où le parc est un prolongement de la ville (celui-ci est entourée de grilles et non plus de murs), où la nature a libre cours et la symétrie n'a plus sa place. Il s'agit de développer des espaces romantiques. C'est lui aussi qui a aménagé le parc Monceau, le bois de Boulogne ou le bois de Vincennes. Le pari est on ne peut plus réussi. C'est une oeuvre paysagère très romantique avec grottes, cascades et son magnifique belvédère. On y a planté des espèces exotiques comme le cèdre du Liban (on retrouve cet arbre ailleurs en France comme dans les jardins d'Azay le Rideau). Le belvédère est fantastique et s'emprunte par un pont où on se croirait suspendu au dessus d'une forêt magique. Le kiosque s'apparente au Temple de Vesta à Tivoli et me fait penser aussi en quelque sorte au jardin de Stourhead dans le Wilthshire. La mondialisation culturelle est en marche et les Anglais inspirent le monde en ce siècle industriel. Il ne faut pas oublier le lac qui enveloppe le piton rocheux. Ici tout est magie et bonomie. C'est l'endroit idéal le soir pour redécouvrir les joies du pique nique et revoir sa copie sur Paris.
Paris sans se prendre la tête
Si vous voulez prolonger la visite, arpentez les rues du quartier d'Amérique ou Mouzaïa. Cet ancien quartier ouvrier est revalorisé et subit une politique de gentrification. Les habitations ont beaucoup de cachet dans ces chemins vallonés. Certaines sont aujourd'hui des villas et atteignent la modique somme de 2 millions d'euros. Pour les prix les plus bas, ne cherchez pas en dessous de 800 000 euros. Paris est décidément toujours en reconversion mais toujours aussi chère.