Le tour du mur – Jour 1

Par Elodieberlin

Le mur de Berlin encerclait Berlin Ouest sur 155 kilomètres. Aujourd'hui il n'en reste presque plus rien, des tronçons de quelques mètres ici et là, 4 miradors sur les 302 qui jalonnaient le dispositif et surtout une grande cicatrice matérialisée par l'ancien no man's land. Ce terrain de largeur variable se trouvait entre le mur intérieur et le mur extérieur. Quand le mur est tombé cet espace vide et sinistre est longtemps resté à l'abandon. Dans Berlin il est aujourd'hui le terrain de jeux des investisseurs et disparait sous les constructions de logements de luxe. A l'extérieur l'ancienne frontière entre Berlin Ouest et le Brandenbourg (Land qui entoure Berlin et qui faisait partie de la RDA) revient peu à peu à l'état sauvage.

Munie de mon vélo et de B., accompagnateur de luxe, je suis partie sur les traces du mur en suivant un parcours aménagé entre 2002 et 2006 qui suit l'ancien chemin de garde. A priori il suffit de suivre les discrets panneaux blanc et noir " Berliner Mauerweg " qui jalonnent le chemin. Toutefois l'expérience montrera qu'il est utile de se procurer un livre détaillant le parcours pour ne pas perdre le fil.

C'est un matin ensoleillé, j'enfourche mon nouveau vélo en direction de Treptow. C'est là que se trouve l'ancienne frontière entre Berlin Est et Berlin Ouest la plus proche de mon domicile. Première observation : le mur disparu ne cesse de zigzaguer dans les rues de la capitale, ce n'était certainement pas une frontière longiligne, en tout cas pas dans le centre ville.

Rapidement nous entrons dans une banlieue sensiblement industrielle et passons à coté d'une étrange entreprise qui semble construire ce qui ressemble à des tronçons de mur( !). Puis la verdure s'empare du chemin qui nous conduit vers le sud. Nous suivons un chemin goudronné qui suit le lit d'une rivière (Heidekramp) et passons en plein milieu d'un quartier populaire de Neukölln.

Nous arrivons devant un mémorial à la mémoire de la dernière victime du rideau de fer, tuée par un garde frontière Est-allemand 8 mois avant la chute du mur. Dans la suite du parcours nous passerons devant de nombreuses autres pancartes d'information décrivant les biographies et les morts injustes de ces personnes qui ont tenté de traverser la frontière. En lisant le déroulement de ces tentatives j'espère toujours que le fuyard va réussir à s'en sortir. Ce fut le cas pour certains mais les stèles informatives érigées sur le chemin ne parlent que de ceux qui ont échoué...
Nous suivons ensuite une longue route aménagée pour les promeneurs, cyclistes et amateurs de rollers. Pour ma part je l'ai trouvé moyennement agréable, bordée d'un côté par l'autoroute et de l'autre côté par l'ennuyeux et industriel canal de Teltow.

Nous finissons par quitter cette route pour aborder un chemin plus chempètre. Un panneau d'information est situé à l'endroit où fut creusé par les Américains et Britanniques un tunnel d'espionnage. Situé sous le territoire de la RDA il leurs permettait d'écouter les communications du territoire ennemi. Un agent double finit par vendre la mèche aux Soviétiques qui attendront plusieurs mois avant de " découvrir " officiellement le tunnel. Cela leur permettra d'échanger de fausses informations pour tromper les alliés terrés dans leur tunnel d'écoute.

Nous sommes maintenant à l'un des points les plus méridionaux de notre parcours. Quelques kilomètres plus au Sud se trouve l'aéroport de Schönefeld mais, plongés dans la forêt, nous n'en percevons rien. Le chemin est toujours délicatement enserré par la nature et nous donne la sensation d'être en pleine campagne. Pourtant la ville n'est jamais loin. En ce dimanche estival il y a beaucoup de marcheurs sur le chemin du mur.

A un moment nous nous perdons. Nous avons dû manquer un des discrets panneaux et nous traversons un champ. Le chemin est sableux, pas vraiment idéal à vélo. Nous y croisons plusieurs cavaliers. Nous aboutissons finalement dans un village. Grâce à la carte du mur que j'avais téléchargée sur mon téléphone et aux nouvelles technologies de géolocalisation nous parvenons à déterminer où nous nous situons et là où nous pouvons retrouver le chemin du mur. Quelques kilomètres sur une route départementale plus loin nous retrouvons les rassurants panneaux Berliner Mauerweg.


Au milieu du paysage plat et relativement agricole surgissent au loin des tours immenses. C'est presque un décor de film de science fiction. Il s'agit de Gropiusstadt, un complexe de 18 500 appartements, à 90% des logements sociaux, construits entre 1962 et 1975 sur les plans de l'architecte Gropius. Le quartier est architecturalement très impressionnant. C'est là qu'a grandi la fameuse Christiane F. Situé administrativement dans le quartier de Neukölln Gropiusstadt se trouvait dans Berlin Ouest et était longé par le mur. Une route permettait de passer au milieu du territoire de RDA pour atteindre une montagne de détritus. Moyennant finance l'Allemagne de l'Est avait permis aux autorités de Berlin Ouest de se débarrasser de leurs poubelles sur leur territoire. De fait, dans la ville encerclée par le mur, la gestion des déchets devait être complexe. Aujourd'hui on peut toujours observer le relief de cette ancienne montagne de déchets.

Un peu plus loin il y a de nouveau des problèmes de marquage. Nous arrivons à suivre le parcours grâce à un cycliste qui suit les mêmes objectifs que nous mais qui est sensiblement mieux informé. Délaissant la grisaille des murs de Gropiusstadt nous nous enfouissons de nouveau dans la verdure de la forêt.
Au milieu d'un lotissement récemment sorti de terre, une allée de cerisiers souligne l'ancienne frontière. Les arbres ont été offerts par les Japonais à l'occasion de la réunification allemande. On en trouve aussi derrière la East Side Gallery.

Les quartiers s'embourgeoisent, les maisons s'agrandissent, la forêt s'étoffe, la fatigue se fait sérieusement sentir. Nous sommes à proximité de la station de S-Bahn Wannsee et ayant de nouveau perdu le fil des panneaux noirs et blancs nous rejoignons tant bien que mal la station.

A suivre...