« Vous êtes courageux! »… Voilà ce que nous entendons le plus souvent lorsque nous parlons des voyages que nous avons faits ou que nous souhaitons faire avec nos enfants. Pourtant, à mes yeux, il n’y a rien de courageux à continuer de vivre mes passions et à vouloir les partager avec mes enfants.
Bien sûr, voyager avec des enfants n’est pas toujours une expérience reposante (rarement, en fait). Quand j’entends des amis célibataires ou qui voyagent en couple se plaindre d’un vol qu’ils ont trouvé long parce qu’ils se sentaient à l’étroit dans leur siège, qu’ils ont mal dormi ou qu’ils n’ont pas aimé le repas, je sens un sourire se dessiner sur mes lèvres. Un sourire que j’essaie de réprimer, parce que je ne veux pas tout ramener à ma condition de parent. Le sourire de celle qui connaît bien la différence entre voyager seule, en couple, avec un enfant, puis deux et – oh la belle folie! – trois (mais dans ce dernier cas, j’ai encore des croûtes à manger!)…
Dès l’arrivée d’un premier enfant, la réalité de voyageur change. Mais est-elle si différente en ajoutant un troisième enfant à l’aventure? Voici mes premières impressions sur le sujet, en direct d’un vol Québec – Paris en famille (et oui, j’ai trouvé le temps!).
Avoir du temps pour soi, mission impossible?
Depuis que je suis maman, prendre l’avion seule ou en couple est une expérience complètement différente. Par exemple, je savoure aujourd’hui le fait de bénéficier de plusieurs heures en solo lorsque mes enfants ne m’accompagnent pas en avion. Regarder un film, lire, écrire, manger, prendre un verre de vin, dormir sont des expériences complètement différentes lorsque personne ne dépend de moi au même moment. Ce sont alors de vraies vacances, même si l’espace est réduit ou que le repas servi n’est pas un ravissement pour mes papilles gustatives.
Avec un seul enfant, on peut facilement alterner avec son conjoint les périodes de présence auprès de bébé pour se réserver des temps pour soi (ex. : je donne le biberon pendant que tu manges, tu changes la couche pendant que je fais une sieste… Deal?). Lorsqu’un deuxième enfant s’ajoute à la dynamique familiale, c’est plus difficile, sans toutefois être impossible. Lors des repas en avion (périodes toujours intenses avec des enfants), chaque parent peut se consacrer à un seul enfant afin de manger dans un calme relatif, en évitant de renverser le contenu de son verre ou de son assiette sur son voisin. Il y a, évidemment, toujours des petits imprévus qui réduisent le temps de détente disponible (urgence pipi, jus renversé, suce perdue, maladie, blessure, etc.), mais chaque enfant peut compter sur l’attention complète et exclusive d’un parent.
Avec un troisième enfant, cette logique ne tient plus la route. Nous, parents, sommes alors en minorité et nous devons être créatifs et organisés pour gérer les besoins simultanés de nos petits anges (qui peuvent aussi se transformer en démons). Par exemple, il y a une heure à peine, ma fille nécessitait un changement de couche. Pour avoir accès à la seule toilette qui dispose d’une table à langer, je devais faire le tour de l’appareil pendant la période du service des repas (les agents de bord étaient ravis!). En chemin, ma fille a craché sa suce dégoulinante de bave sur le pantalon d’un inconnu (Que dire, sinon rire timidement?… C’est d’ailleurs ce que j’ai fait, tout en tentant de m’excuser). Au même moment, mon mari préparait l’assiette de notre fils cadet en installant un film à notre fils aîné… Bref, la tâche se complexifie, certes, mais rien n’est impossible. La preuve : mes trois enfants et mon mari dorment, en ce moment même, et ce, depuis un gros 15 minutes, ce qui me laisse le temps d’écrire ce billet.
Les interactions se multiplient
Avec un troisième enfant, ce n’est pas seulement le ratio parent/enfant qui se modifie, mais l’ensemble des relations familiales. Nous ne sommes pas les seuls à avoir des relations avec nos enfants; ils en ont aussi entre eux et, parfois, elles sont tumultueuses! On se retrouve alors au milieu d’un tourbillon d’interactions, où les paroles et les gestes de chacun entraînent une chaîne de comportements. Exemple fréquent dans notre famille : petit frère prend un objet de grand frère sans sa permission. Fâché, grand frère hurle, ce qui réveille petite sœur qui venait de s’endormir et qui se met à pleurer toutes les larmes de son corps. Cette chaîne est souvent prévisible (comme dans cet exemple), mais elle nous réserve parfois des surprises. C’est le cas en voyage, lorsque la routine quotidienne est chamboulée, que la fatigue et le stress peuvent être plus présents et que l’espace à partager est réduit. Dans un avion, un camping-car ou en auto, on ne peut pas demander à un enfant d’aller se reposer ou réfléchir dans sa chambre. Il doit apprendre à gérer ses frustrations ici et maintenant et, en tant que parents, nous devons parfois adopter le rôle d’arbitre (ou, dit plus positivement, celui de facilitateur d’échanges ou de médiateur) pour lequel on manque de mains ou de genoux (je dis d’ailleurs souvent à mes enfants que je ne suis pas une pieuvre afin qu’ils comprennent qu’ils doivent attendre leur tour!).
Ces relations qui se multiplient demeurent, malgré tout, un atout des voyages en famille. L’enfant n’est jamais seul et il s’ennuie rarement, car il a toujours un membre de sa fratrie avec qui jouer. Bien sûr, les jeux peuvent entraîner des conflits, mais ce sont aussi des occasions d’apprentissages : le partage, la négociation, la résolution de problème, l’affirmation de soi, la gestion des émotions, etc. Sans compter que les enfants entretiennent aussi des rapports positifs entre eux, en s’entraidant et en s’amusant, ce qui peut faciliter la tâche du parent. En voyage, la cellule familiale devient centrale et propice au développement de liens serrés entre tous les membres de la famille. Ensemble, nous découvrons de nouveaux horizons, de nouvelles choses. Le fait de partager les bons et les mauvais moments, 24 heures sur 24, contribue à établir un climat de proximité et de solidarité entre nous. C’est aussi l’occasion de créer des souvenirs précieux.
Les déplacements se complexifient
Que le trajet se déroule en voiture ou en avion, l’arrivée d’un troisième enfant vient complexifier les déplacements. Dans le cas d’un « road trip », on oublie la petite auto économique de type Prius et on pense carrément à l’option de la mini-van, surtout si les trois enfants ont besoin d’un siège pour bébé. Si on est encore allergique à l’idée d’acquérir une mini-van (c’est mon cas, je l’avoue), le chargement des bagages relève du défi permanent. Avec un bébé, un week-end à deux heures de route peut ressembler à un déménagement : poussette, chaise haute, parc, jeux, etc. Une fois en route, on doit gérer les conflits et les crises en restant à l’avant, car il n’y a pas d’espace pour qu’un parent puisse espérer se faufiler à l’arrière du véhicule. Avec un troisième enfant, on ne peut pas non plus espérer loger tous ensemble dans un taxi standard. En avion, on doit souvent faire deux équipes puisque nous ne pouvons pas nous retrouver à cinq dans une même allée. Et là, évidemment, il faut gérer qui aura droit au hublot! Le tout sans oublier les arrêts nécessaires ou les déplacements pour répondre à différents besoins : boire, manger, aller aux toilettes, etc. Car, évidemment, ces besoins sont rarement présents en même temps chez tous les membres d’une famille! Une auto plus grande, de multiples billets d’avion, des hébergements plus spacieux, des repas au restaurant à cinq et des souvenirs à acheter pour tous sont aussi synonymes de frais plus élevés. Les forfaits « famille », que ce soit au restaurant, à l’hôtel ou pour différentes activités (musée, parc d’attraction, etc.) s’adressent généralement aux familles standards, c’est-à-dire composées de deux adultes et deux enfants. Le troisième enfant entraîne donc souvent des dépenses supplémentaires, que ce soit dans la vie quotidienne ou en voyage. Pour faciliter les déplacements, des petits trucs peuvent toutefois faire une grande différence (voir à ce sujet : Les 10 règles d’or d’une maman voyageuse).
Le « slow travel » s’impose
Concept à la mode actuellement, le « slow travel » prône les voyages axés sur la découverte, où l’on prend le temps de savourer le pays que l’on visite en s’imprégnant de ses coutumes et de ses saveurs locales. Cette façon de voyager s’impose d’elle-même avec des enfants, puisque l’on doit souvent déroger de l’itinéraire prévu (si itinéraire il y a…) afin de tenir compte des besoins de chacun : siestes en après-midi, repas et collations, besoin de jouer ou de bouger, etc. Plus il y a d’enfants impliqués, plus le rythme du voyage doit s’adapter aux besoins de chacun. Il ne faut toutefois pas sous-estimer nos enfants qui ont la capacité de s’adapter merveilleusement bien à un nouveau pays, surtout lorsqu’ils perçoivent que leurs parents sont eux-mêmes calmes et heureux. Il se sentent alors en confiance et c’est cette base de sécurité qui leur permet d’explorer le monde et d’aller vers les autres sereinement. Aller vers les autres, même dans un pays étranger où la culture peut être très différente de la nôtre, est d’ailleurs beaucoup plus facile avec des enfants. Avec eux, notre capital de sympathie augmente de façon exponentielle. Les gens nous arrêtent souvent pour nous parler, nous donner des conseils ou nous poser des questions, ce qui nous permet d’être en contact direct avec d’autres cultures et façons de faire.