Notre dernière étape dans le Rajasthan nous mène à la petite ville de Bikaner. Je pourrais commencer par vous raconter son histoire et ses points d’intérêt mais j’ai surtout envie de rendre hommage aux femmes, à celles de Bikaner et à travers elles à toutes les autres qui ont illuminé notre voyage par leurs regards amusés, leurs sourires et leurs tenues chamarrées.
Au milieu de tous ces hommes dans les rues dont les regards m’ont tellement pesé, les silhouettes des femmes ont été des pépites auxquelles je m’accrochais. Des touches de peintures multicolores dans un tableau trop gris.
J’ignore tout de leur vie et, honnêtement, ce que je me hasarde à découvrir me serre le cœur. Je devine le poids de leur quotidien, le courage qui doit être le leur dans cette société indienne.
Leurs rares moments de détente semblent si précieux. On voit alors cette étincelle dans leurs yeux qui me touche tant.
Elle peuvent bien regarder mon homme avec leurs regards un tantinet audacieux, je n’y vois aucun mal. Je m’amuse de ces moments de légèreté.
Et si j’étais née en Inde plutôt qu’en France… ? Quelle femme aurais-je été ? Cette question que je me suis posée souvent dans d’autres pays refait surface. En vivant près d´elles, j’ai admiré le courage des femmes algériennes, le sens des responsabilités des femmes antillaises, la volonté des femmes latino-américaines… La liberté dont je jouis sans avoir fourni trop d’efforts me paraît tellement précieuse et tellement rare dans ce monde.
Je pense aussi aux hommes indiens que je vois toujours entre eux. Que savent-ils de la richesse de la mixité ? Connaissent-ils le réconfort et la solidarité dans leur vie de couple ? Sont-ils aimés bien que non-choisis ?
Ce ne sont que quelques unes des questions qui ont occupé nos longues heures sur les routes du Rajasthan. Ces temps qui me permettaient de mettre des mots sur des ressentis entremêlés. Des temps nécessaires pour mettre de l’ordre et tenter de ne pas juger trop vite et d’apprécier les beautés qu’offre ce pays. L’Inde m’a confrontée à des sentiments variés : agacement, fascination, rejet, admiration et dégoût parfois. Quand je me sentais plus à l’aise, avec la sensation de maîtriser la situation et d’apprécier les découvertes, un autre état d’humeur plus négatif réapparaissait. Des montagnes russes qui ont perduré pendant tout le séjour.
La cuisine indienne a été aussi une source de plaisir. Nous avons adoré la richesse des saveurs et la variété des plats. Que de belles découvertes ! Les plats indiens ont été aussi des pépites dans ce séjour. Même les plats épicés ont été tolérés par mon organisme si délicat parfois. Dans le raffinement des mets, j’ai eu l’impression de goûter un peu de la culture indienne. Une question émerge alors : Comment un pays qui se nourrit si bien peut-il à ce point négliger la santé de sa population ? Comment cette culture gastronomique raffinée peut-elle coexister avec tant de saletés et de laideurs ?
L’inde est vraiment un pays de contrastes, un pays où le pire et le meilleur cohabitent.
La beauté de l’architecture de ses palais et de ses forts, la richesse des décorations nous ont éblouis mais à l’extérieur, la misère n’en est que plus flagrante.
Nous avons voyagé dans d’excellentes conditions, en voiture avec chauffeur, et dormi dans d’anciennes demeures magnifiques. Nous avons probablement découvert le meilleur du Rajasthan mais cela n’éclipse pas la réalité. Celle-ci nous saute aux yeux sans arrêt.
Bikaner est un bon exemple de tous ces contrastes auxquels nous avons été confronté.
Notre arrivée dans la vieille ville s’est faite au milieu des ordures, de l’eau stagnante et des vaches, dans un dédale interminable. Une saleté et un dénuement qui nous ont frappés comme au premier jour.
Puis nous avons découvert notre hôtel, dans un magnifique palais, digne d’un musée. En ouvrant la porte, nous avons été projetés dans un autre monde, comme dans une autre dimension…
Nous sommes sortis dans le quartier pour prendre un rickshaw. J’ai pensé : « La boucle est bouclée ! », on retrouve le même feu d’artifice sensoriel qu’à notre arrivée. On ne s’habitue pas !
Malgré l’envie de se mettre au frais dans notre chambre, nous sommes allés à la découverte du Fort de Junagarh. On ne pouvait pas quitter la ville et l’Inde sans admirer une dernière fois ce raffinement de la culture indienne.
Cela valait la peine. Même si le fort n’est pas majestueux comme les autres – il ne surplombe pas la ville-, il a de magnifiques palais et cours intérieures.
Tous les intérieurs sont parfaitement rénovés. Les murs, les portes et les plafonds sont complètement recouverts de dorures et de bois peints. Des miroirs, petits et grands, enjolivent les pièces.
Le mobilier d’époque a été conservé, en particulier dans la chambre du roi et dans la salle du couronnement qui est particulièrement belle.
Depuis les hauteurs du palais, nous observons la tour magnifiquement décorée
… et les jardins qui sont malheureusement un peu laissés à l’abandon et manquent d’eau.
En revanche, la promenade sur les toits est de toute beauté.
Nous disons adieu à l’Inde, comme nous avons commencé ce papier, en rendant hommage aux femmes indiennes !
Prochaine étape : le Sri Lanka, ses plages et son triangle culturel