Au Chili, j’ai vu….
Au Chili, j’ai vu le bout du monde.
Au Chili, j’ai vu des lagunes cracher des rafales de vent.
Au Chili, j’ai vu des maisons sur quilles et des cafés avec des jambes.
Au Chili, j’ai vu une église jaune et violette.
Au Chili, j’ai vu une lumière si belle à en faire rougir les volcans.
Au Chili, j’ai vu des escaliers en forme de piano.
Au Chili, j’ai vu une mer d’étoiles.
Et encore… je crois que je n’ai rien vu.
Que dire du Chili, mis à part que j’ai adoré, qu’il s’agit vraiment là du coup de coeur de mon voyage. Je ne m’attendais pas qu’un pays si étroit ait autant à offrir. D’ailleurs, lorsque je dis ça, on me répond : « Ah bon ?! » Grrrrrr. Pas assez exotique ? Alors, ils n’ont pas vu ce que moi j’ai vu ! Il n’y a pas que 4300 km qui séparent le Nord du Sud. Le Chili collectionne une ribambelle de paysages tous aussi fous les uns que les autres.
Même l’église est jaune et violette !
Je fais mon entrée par le Sud et je découvre alors une terre épuisée par le froid à tel point qu’elle se morcelle dans le froid austral. L’eau s’infiltre insidieusement. De-ci delà, de grandes fermes se retrouvent à lutter seules contre le vent… Je suis au bout du monde. Je navigue dans un maillage d’îles. La Patagonie chilienne, contrairement à l’Argentine, se trouve engoncée dans un étroit couloir. En direction du Nord, elle creuse son sillon entre les montagnes. Je m’arrête à Puerto Natales. J’ai entendu parler des Torres del Paine. Un trek de 4 jours pour les voir. Chiche !
Défi relevé. Je laisse les tours derrière moi. La carretera australe, incroyablement fleurie de part et d’autre en cette période printanière, me sert d’aiguilleur pour enfin rejoindre la terre ferme. Quoique… J’arrive dans la région des lacs et des volcans. En fin de journée, la lumière est si jolie que le volcan lui même en rougit. Je termine ma journée avec un paysage teinté de rose, bleu et violet. Je longe la baie de Puerto Varas et me prends à rêver d’une hacienda (ferme) en pleine nature rien que pour moi. Il pourrait bien y avoir la place pour une petite française comme moi non ? A une demi-heure à peine, l’île de Chiloé. Je fais une halte à Castro et je découvre les pitalitos, des maisons sur pilotis qui longent le rivage et se déclinent de toutes les couleurs. La couleur… un mot qui ne souffre d’aucune censure ici au Chili. Même l’église de Castro est jaune et violette !
La mer n’est jamais loin au Chili
Il me faudrait des mois pour tout connaître. M’enfin… le temps presse même quand on est en voyage. Je continue donc ma route vers le Nord avec Valdivia qui me fait penser à la Toscane. Le froid austral est derrière moi. Les plaines s’arrondissent voire se lissent et se dorent la pillule. Je fais de même et me balade le long du port de Valdivia. La mer n’est jamais loin au Chili, tout comme les montagnes. Je rigole en repensant à certaines conversations spontanées échangées avec quelques chiliens curieux. J’ai beau être brune avec le teint mâte, ma taille ne trompe personne… alors la première question est toujours la même : « Mais d’où viens-tu ? Es-tu tombée amoureuse d’un Chilien ? » On me chante la séreinade du « Llevate un chileno a Europa, por favoooooor » (Emmène un Chilien en Europe, s’il te plaaaaaaît). Souvent exagéré mais jamais irrespectueux, ce sont aussi des moments que je ne refuse pas, surtout quand il s’agit de recevoir des compliments… et les Chiliens ne sont pas en reste à ce sujet.
Je découvre les « cafés avec des jambes »-
Je retrouve ensuite la capitale en compagnie de Claudia et ses acolytes Rafael et Manuel. Bien que Santiago s’apparente à une ville américaine, je me sens tout de suite à l’aise dans cette ville. Chacun me partage son Santiago mais l’encyclopédie vivante de la capitale, c’est bien Manuel. Toujours avec un livre et un carnet à la main, il connaît la ville et son histoire sur le bout des doigts et surtout me fait sortir des sentiers battus. Je prend mon repas au marché de la Vega, je prends mon café au comptoir du bar ambulant Altura et à la Piojera teste le « terremoto » (un breuvage alcoolisé originaire du Chili fait avec du pipeño – un vin à base de différents cépages et fermenté moins longtemps – et du sorbet à l’ananas). Je découvre le petit quartier londonien, les centres culturels de la Moneda et du Gam, les « cafes con piernas » (« cafés avec des jambes » où les serveuses sont réputées pour porter le minimum vestimentaire pour le plus grand plaisir de sa clientèle masculine), le bar de la Unión ou café de l’anti-bourgeoisie, l’unique librairie anarchiste… Il fait une chaleur presque étouffante ici à Santiago… Nous entamons une discussion sur la situation économique du Chili. C’est vrai que, parmi les pays d’Amérique Latine que j’ai pu visiter, le modèle chilien serait celui qui se rapproche le plus proche de l’Europe ou des Etats-Unis. Mais Manuel ne cache pas sa désolation face à un pays qui solde ses ressources naturelles aux investisseurs étrangers. Les mines et l’eau, parmi les biens les plus précieux que possède le pays, sont tombées dans les mains des familles aisées chiliennes et surtout étrangères. L’écart entre les riches et les pauvres est une préoccupation qui ne semble pas inquiéter les plus fortunés. Un mal qui bien entendu n’a pas de frontière.
Les rues colorées de Valparaiso
Je suis attendue. Ou plutôt, cela fait près de 14 ans que j’attends ce moment… retrouver Loreto, ma colocataire de Barcelone. C’est de là que vient mon premier lien avec le Chili. Je me souviens encore de sa façon de me parler de son pays, de l’intonation de sa voix faisant traîner les « o » et les « i » avec ses « chiquitiiiiiiitoooooo », « super boniiiiiiiiiito ». Elle habite Viña del Mar à côté de Valparaiso. Je suis accueillie par toute sa famille comme si j’avais toujours vécu là. Loreto me guide dans les rues colorées de Valparaiso qu’elle s’amuse à peindre depuis plusieurs années. Un véritable musée à ciel ouvert. Les murs des maisons et même les escaliers sont des oeuvres d’art.
Une mamie géante, un vélo suspendu, un escalier en forme de piano m’entrainent l’un derrière l’autre vers les quelques balcons offrant un panorama imprenable sur le Pacifique. Loreto m’emmène à la découverte d’endroits méconnus comme le Parque Cultural de Valparaiso installé dans une ancienne prison qui rassemble un centre culturel, un centre d’art et un centre communautaire. Nous nous posons dans le petit parc de la cour intérieure.
De retour à la maison, c’est peut-être un de mes moments préférés de la journée. L’instant où le soleil se couche sur le Pacifique. La vue depuis la maison des parents de Loreto est pour cela magique. Anita, la mère de Loreto, m’accompagne sur le balcon. J’entame des discussions de mère à fille. À l’heure du traditionnel « once » (terme définissant l’heure du goûter), Juan, le père de famille, me lance des « mani » (voulant prononcer « Manue ») à tout va, curieux de connaître le déroulé de ma journée. Impossible pour moi de partir sans goûter aux fruits de mer et au fameux pastels de choclos (gâteau à base de maïs, viandes et oeufs).
Ciudad Abierta et architecture à l’américaine
Dès que nous le pouvons, nous nous échappons avec Loreto. Grâce à elle, je découvre un site unique au monde investi par une communauté d’architectes organisée en coopérative sous le nom d’Amereida. Leur but est “de faire de la vie, de l’étude et du travail une unité”. En 1971, ils acquièrent le site de Ritoque en bord de mer au nord de Viña del Mar. Ils commencent alors à construire ce qu’ils appellent la Ciudad Abierta. Véritable terrain d’expérimentation, ils utilisent tout type de matériel. Certains y vivent à l’année. Des maisons plus biscornues les unes que les autres mais aussi une église, un cimetière, une bibliothèque, divers prototypes ont été réalisés par des professeurs et étudiants en apprentissage.
Je découvre également le tourisme de masse à la chilienne, le long de la côte entre Valparaiso et Concon… un peu désoeuvrant dois-je dire quand je n’ai l’impression de ne voir qu’un alignement de balcons s’écrasant sur le bord de mer ! Ah, architecture à l’américaine quand tu nous tiens ! Je ne comprends pas… les maisons de Valparaiso ont bien plus de charme… quel prestige y a -t-il à ériger des mastodontes si ce n’est pour faire de l’ombre au si merveilleux Pacifique… ? Et je ne parle pas des malls ou centres commerciaux, ces mastodontes et temples de la consommation qui poussent comme des champignons un peu partout, au Chili comme partout ailleurs… Et dans ce cas, l’Europe n’est pas si éloignée.
Les jours passent et l’envie me démange de me rendre seule à Valparaiso. Je me sens prête pour flâner, appareil photo en main. Je visite la maison de Pablo Neruda. J’imagine tout à fait Dalí vivre dans une telle bicoque à plusieurs étages qui n’est pas sans me rappeler la proue d’un bateau. Et le bateau avec une vue plongeante sur le Pacifique ne semble attendre qu’une chose, larguer les amarres ! Valparaiso est une ville construite de bord de mer puis sur des cerros ou collines avec sur chaque un nom de quartier touristique ou pas.
Bien mal me prend alors de m’aventurer toute seule d’un cerro touristique à l’autre. Il ne me faut pas plus d’un quart d’heure pour comprendre que je suis suivie… Le petit détail auquel je n’avais pas pensé, c’est que pour aller d’un point à l’autre, je devais passer par une partie non fréquentée. Valparaiso se dessine en petites rues qui se confondent et se rencontrent par des chemins de traverse. Une chose est sûre, il faut être du coin pour en connaître les moindres raccourcis, ce qui n’est évidemment pas mon cas… Pas un resto, ni un bar pour me réfugier. Je maudis mon inconscience. La tension monte et je me demande bien par quel miracle je vais pouvoir me sortir de là. C’est alors que je vois sortir d’une impasse comme descendu du ciel, un taxi. Mon chauffeur me sort illico de cet endroit qu’il juge bien trop dangereux pour une personne qui n’a de toute évidence rien d’apparent à une chilienne ! De retour chez Loreto, toute la famille est en émois. Mais je suis saine et sauve !
L’histoire du ciel dans le désert d’Atacama
Le temps m’accorde une dernière étape au Chili, dans le désert d’Atacama. Le voici le grand écart avec les paysages du sud. C’est tellement beau, je crois rêver ! Je suis dans un décor de science-fiction… La roche rouge des montagnes se dentelle dans la vallée de la mort. Puis ce sont des kilomètres de désert.
De loin, se dresse l’impressionnant Licancabur. Je peux rester plusieurs minutes plantée à le regarder. Il dégage une énergie indescriptible. Où que je sois, depuis mon hôtel, dans les rues de San Pedro, dans la vallée de la lune, dans les canyons de Quitor ou les lagunes salées, on ne voit que lui. Le jour, je pars à vélo pour découvrir les alentours de San Pedro et succombe devant la beauté de la vallée de la lune au coucher du soleil. La nuit, ma tête fait un mouvement de 45 degrès en arrière. Le spectacle se passe en haut. Une, puis deux, puis de façon exponentielle elles apparaissent en bandes au point de former une mer d’étoiles. Je pars les observer avec Jorge et mon acolyte d’Atacama, Rafal… Nous passons une heure à écouter notre guide nous conter l’histoire du ciel. Mon regard balaye la voie lactée. Jorge est bavard. Il nous explique l’univers de façon si simple et nous fait voyager à des années lumière. Allongés dans nos fauteuils d’observation, c’est à peine si nos pieds touchent encore le sol. J’attendais ce moment d’inflection, qui me fasse dire que je resterais bien plus longtemps, que je quitte peut-être l’Amérique du Sud trop tôt. Il ne manquerait plus grand chose pour que le Chili parvienne à me décrocher la lune.
Et me revoici au Pérou !
Mes jours en Amérique du Sud sont désormais comptés. Je me prépare à un retour dans quelques jours. Avant cela, nouveau passage de frontière entre le Chili et le Pérou. Celui-ci, restera l’un des plus marquants. Après un long trajet en bus depuis San Pedro j’arrive au petit matin à Arica. Il fait encore noir. Le terminal de bus et de taxi grouille pourtant déjà de monde et de voitures. Je ne me sens évidemment pas très à l’aise. Il est 5h du matin. Le service des bus ne commence pas avant 7h30. Pas question pour moi de traîner plus longtemps ici. Je sais que des taxis partagés proposent également de traverser la frontière. Je pose mes affaires dans le coffre du premier chauffeur de la file mais celui-ci me rappelle d’aller acheter mon droit de passage au terminal. Et bien entendu, je pars bille en tête avec mon sac resté dans le coffre de la voiture…. A mon retour, mon cher et désagréable chauffeur n’avait pas cru bon de m’attendre pour sortir sa voiture du terminal. Alors que j’entrouvre la porte en catastrophe, je crois comprendre qu’il me dit de le retrouver à l’entrée. Une discussion des plus tendues s’entame entre lui et moi. Je finis par être rassurée par les passagers du taxi et comprends que je me retrouve face à un furieux avec une sensibilité ramenée au niveau des parties génitales ! Le trajet se poursuit sans incident mais la situation précédente me laisse tout de même un goût amer.
Je passe ma dernière semaine à Arequipa au Pérou. Semaine des plus tranquilles où j’occupe mon temps à dessiner, lire et chercher les cadeaux pour la France. Je me prépare également à mon retour. Un sentiment étrange m’envahit. Là où je suis, je suis bichonnée par la famille qui s’occupe de l’hôtel. On m’invite à me joindre à la table familiale pour les repas, à l’anniversaire de la mamie, Juan me guide dans Arequipa pour l’achat de mes souvenirs…
Puis arrivent les dernières 48h. Je prends mon dernier bus de nuit pour rejoindre Lima. Retour à la case départ. Je visite la famille Dolmos, German et Morena qui m’avaient accueillis au début de mon voyage.
Bientôt l’avion, le retour en France…
Bientôt, je vais survoler les Caraïbes, atterrir à Miami avant de décoller à nouveau.
Bientôt, prendra fin l’intuition. Le retour à la vie normale sera à n’en pas douter bien moins instinctif. Alors que je vole au dessus de l’Amérique du Sud, je me remémore les meilleurs moments… J’ai l’impression d’abandonner un bout de ma vie… Après 8 mois de rencontres, j’ai pu observer, apprécier, aimer ou pas, partager des envies, des peurs… et surtout me laisser guider par mon intuition !
Je remercie les nombreuses personnes que j’ai rencontrées ou retrouvées dans ce pays : Lucas, Carolina, Loreto et toute sa famille, Rodrigo, Claudia, César, Rodrigo, Manuel, Rafaël.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’espère ne pas en avoir fini avec le Chili ! Je remercie également au Pérou la famille Dolmos, Ester et la famille de l’hostal Casa del Sillar.
Mes incontournables du Chili :
1- Torres del Paine et la Patagonie Chilienne
2- La Carretera Austral, au printemps.
3- Chiloe que je visite trop vite à mon goût.
4- La région des Lacs et des volcans.
5- Santiago.
6- Valparaiso, la ville arc-en-ciel et les couchers de soleil sur le Pacifique…
7- San Pedro de Atacama et le désert.
Toutes les photos de mon récit sur instagram : @manuvuela
Mon carnet d’adresses au Chili
1. Valparaiso
Cerro Alegre
La Dulceria : boutique de confiseries située dans le Cerro Alegre – Calle san enrique 314
Cerro Concepción
Cafe con cuentos
La Fauna : restaurant avec terrasse et belle vue sur Valparaiso
Bazar La Pasión : boutique de bijoux, vêtements…
Cerro Bellavista
Hortzenplotz : restaurant dans le Cerro Bellavista, Hector Calvo 331
Cerro Florida
Correhuela A Coser – Bazar Putamadre : galerie d’art et de bijoux
Viña del Mar
Artiste : Loreto Poblete – Vio
NB : d’autres cerros de Valparaiso méritent également une visite mais attention une fois en dehors des sentiers touristiques. Le quartier Polanco que je n’ai malheureusement pas eu le temps de visiter semble présenter un street art intéressant (source de voyageur).
2. Santiago de Chile
El Taller de Menina, local 11, El secreto Parque San Lucas 230, Lo Barnecha – fb : meninailustradora
Comunidad ecológica, Peñalolén Santiago
Marché de la Vega
Café Altura dans le marché de la Vega
La Piojera
El Rincón de los canallas
El Bar de la Unión – calle Nueva York 11
Parque Cultural de Valparaiso
Ciudad abierta – Ritoque
3. San Pedro de Atacama
Hôtel Lackuntur : plutôt excentré, pour les voyageurs à la recherche d’adresses calmes en dehors des sentiers battus
Observation des étoiles : Atacama Desert Stargazing
4. Arequipa – Pérou
La Posada del Virrey – Puente Grau 103, Arequipa
La Casa de Sillar : accueil très chaleureux par Juan et sa famille