L’Inde est un pays qui, en général, attire et effraie à la fois. C’était notre cas mais nous y sommes arrivés assez détendus, après une escale agréable à Hong Kong et un séjour enchanteur au Vietnam. Avec en tête un itinéraire de 15 jours dans le Rajasthan et des hôtels réservés, on pensait qu’il ne nous restait plus qu’à prendre des trains et des bus pour réaliser nos plans. Notre arrivée chaotique nous a vite fait comprendre qu’un peu plus de préparation n’aurait pas été inutile !
Notre arrivée éprouvante en Inde
Arrivés le soir à New Delhi, nous faisons la queue spéciale « détenteurs de visas électroniques » (une nouveauté pour les Français depuis le 1er mai 2015) et nous sommes dans le bain immédiatement : un seul guichet opérationnel avec une machine pour les empreintes qui ne marche pas, une queue qui s’allonge et tous les employés qui partent… Heureusement quand notre tour est venu, on a pu constater que la nouvelle procédure par Internet fonctionne ! Plus d’une fois, les mois précédents, on a pensé qu’on n’aurait jamais ce foutu visa avec tous les justificatifs demandés! Première victoire !
Sortis de l’aéroport après 22h, le défi a été de prendre un taxi parmi tous les faux taxis, le capharnaüm ambiant et la chaleur intense ! Après pas mal de palabres et d’allers et venues, on se retrouve en compagnie d’un jeune chauffeur de taxi qui rêve sûrement d’être pilote de rallye et qui nous explique qu’il n’y a aucun lien entre sa conduite de fou et les risques d’accidents ! Oui, bien-sûr… Ensuite, il nous fait croire qu’il ne sait pas où est notre hôtel et s’arrête deux fois pour demander. On sent le coup classique pour nous conduire ailleurs et on sort le GPS de notre tablette pour le guider. Désolé mon gars, tu essaieras avec d’autres ! Il y a beaucoup de monde dans les rues, beaucoup de corps allongés au sol dans les lieux les plus inconfortables possibles. Nous arrivons dans le quartier de la gare, dans une avenue peuplée d’immenses panneaux lumineux. Il est déjà 23 h passés et on est impatients de dormir car notre réveil sonnera à 4h30 ! Oui, on est fous ! On veut rejoindre Agra ( la ville du Taj Mahal) le plus vite possible et donc prendre le train de 6h. Comme on n’a pas réservé, on se dit naïvement qu’en arrivant en avance, ce sera bon (même si le site internet dit que c’est complet !). La petite balade en rickshaw du matin nous réveille un peu : on est surchargés avec nos énormes bagages, j’ai les fesses collées au chauffeur et le corps à l’extérieur de l’engin avec le sac à dos sur la poitrine qui me pousse en avant ! Les corps allongés par terre sont encore plus nombreux, au bord de la route, entre les voies, partout ! Le parking de la gare est une fourmilière d’hommes. Il est à peine 5h ! On nous annonce que le bureau pour les touristes est fermé et qu’il faut aller dans un autre bâtiment à 1km! Nouveau chargement, nouveau départ, un petit bureau officiel du tourisme indien ! On passe notre temps à essayer de décoder les pièges, les mensonges. Tout nous semble suspect. On est épuisés. Il fait nuit, on est dans un coin retiré, il n’y a que des hommes autour de nous. Je ne me sens pas super à l’aise ! On nous annonce que les trains pour Agra sont complets pendant 6 jours et les bus 3 jours ! La douche froide ! Pas question pour nous de rester à Delhi tout ce temps ! La seule option est de louer une voiture avec chauffeur pendant notre séjour. On hésite évidemment car c’est beaucoup plus cher mais notre petite expédition du matin avec nos bagages nous a bien montré qu’on était très optimistes de vouloir faire le tour du Rajasthan en train et en bus, surtout en pleine vague de chaleur ! On va vivre une grosse galère ! Une voiture nous permettra de plus nous arrêter et de visiter des lieux entre les villes-étapes. Après quelques questions méfiantes, on se retrouve devant un chauffeur prêt à partir tout de suite pour 15 jours ! On nous présente une première voiture aux pneus lisses et au coffre qui ne peut avaler que la moitié de nos bagages. Nous en demandons une autre avec un coffre plus conséquent. Le changement de voiture implique un changement de chauffeur ! Pas de problème ! Les chauffeurs disponibles sont là. Le notre s’appelle Nat ( on va s’en rappeler!). Je scrute assez inquiète celui qui va partager les routes du Rajasthan avec nous ( et accessoirement assurer notre sécurité !). Je balaie d’un revers de main mes impressions mitigées ! Je ne suis pas en état d’évaluer la situation ! Il n’est pas encore 6h du matin et nous prenons la route ! Le soleil est en train de se lever ! Le ciel se pare de belles couleurs mais le sol n’est que laideurs et saletés. On va rouler pendant 5 heures au milieu de villages misérables, jonchés d’ordures. Parfois quelqu’un balaie les déchets sur le passage pour faire grimper un peu plus la montagne de plastique, juste à côté ! Les vaches sont en liberté. Notre trajectoire est en permanence en zigzag! La course d’obstacles version indienne! Nous découvrons avec bonheur que notre chauffeur est prudent et a une conduite assez souple ! Lors de nos arrêts pour acheter de l’eau ou des bananes (on est partis le ventre vide), on nous saute dessus pour nous demander de l’argent. Un singe en laisse bondit sur la voiture et son « maître » tape sur la voiture avec insistance pour avoir un billet. Nos craintes sont vérifiées : on va être assaillis en permanence et renoncer rapidement ne fait pas partie du style indien ! En fait, notre première impression, c’est l’Inde telle que je l’imaginais et la craignais. Avec le manque de sommeil, la chaleur qui est déjà intense de bonne heure, je me demande : « Pourquoi je voulais absolument venir en Inde, au fait ? » Je sais assez que la misère existe dans ce monde, je déteste voir des déchets partout et je ne supporte pas d’être sollicitée en permanence, alors pourquoi un tel masochisme ? Je le savais pourtant! On va dire que ma curiosité est la plus forte et que je ne crois que ce que je vois de mes propres yeux! Mais surtout, je suis sûre qu’on va voir de belles villes et de beaux édifices ! Je dois juste m’adapter! Benoît à mes côtés me rassure beaucoup par sa seule présence. Je lui ai toujours fait une confiance aveugle dans nos voyages et tout s’est toujours bien passé !
Ce qui éclaire notre trajet assez sinistre, ce sont les vêtements colorés des femmes. Même au milieu de la poussière et des déchets ou entassées dans des rickshaws, leurs couleurs jaillissent. On ne peut s’empêcher d’accrocher notre regard à leurs saris. On a vraiment besoin de voir du beau !
Quand nous arrivons enfin à l’hôtel qui me fait penser à un monastère, on n’a vraiment plus envie d’en ressortir. Repas sur place puis refuge dans la chambre pour récupérer un peu de sommeil et rester au frais ! C’est la première fois depuis qu’on voyage que nous ressentons fortement le besoin de se mettre dans une bulle avant de visiter quoi que ce soit.
Ah India, fidèle à ta réputation, tu nous as déjà bien secoués !
Le Taj Mahal
Nous partons à la découverte du Taj Mahal à 5h30. L’idée est d’éviter la foule et de voir le soleil se lever sur cette merveille. Il y a effectivement peu de monde aux alentours. Nous entrons immédiatement, sans attente. La découverte se fait en deux temps : tout d’abord une cour où se rejoignent les 3 entrées du site puis un bâtiment très joliment décoré de couleur ocre (qui est en fait une porte d’accès).
bâtiment accès Taj Mahal Canal central du Taj MahalCe n’est que ce bâtiment traversé que nous avons une vue à couper le souffle sur le fameux Taj Mahal. Nous sommes en face, de l’autre côté de l’immense bassin central. Même après l’avoir vu mille fois en photo, nous restons toute de même ébahis par la majesté du lieu.
arrivée sur le taj Mahal
Un homme a fait construire ce sublime palais en hommage à sa femme décédée ! Bien-sûr, il était empereur et en avait les moyens mais tout de même ! 22 ans de travaux, 20 000 hommes mobilisés et des matériaux nobles provenant de plusieurs pays. Ce n’est pas seulement une splendeur architecturale, c’est aussi un hommage à l’amour ! Nous aimerions rester là à le contempler (et méditer sur le palais qui symboliserait notre amour!) mais il vaut mieux profiter du calme provisoire pour prendre des photos. Bientôt, la foule arrivera et le charme sera rompu! Pas d’originalité dans le cadrage : on veut tout simplement l’immortaliser de face, mettre notre bibine devant ce lieu magique pour être sûrs de ne pas avoir rêvé ! Nous étions là !
Le lever du jour est vraiment beau. La lumière du soleil arrive par la droite et fait varier les couleurs du marbre blanc. On ne sait pas par où commencer : s’approcher, aller dans les jardins adjacents ? La beauté est partout ! Quel contraste avec les rues sales et défoncées des alentours! En s’approchant du bâtiment, nous discernons mieux les motifs de la façade. Dans sa blancheur presque hypnotique, les fleurs rouges gravées dans le marbre apparaissent. Des milliers de motifs en pierres précieuses couvrent l’édifice !
On a eu une démonstration dans la journée de la manière dont les pierres sont insérées dans le marbre : un travail de titan!
Les 4 minarets sont purement décoratifs et seraient inclinés vers l’extérieur de façon à ne pas détruire le mausolée en cas de séisme. Nos photos tendent à montrer parfois l’inclinaison inverse ! Bizarre…
minaret du Taj MahalÀ l’intérieur, les photos sont interdites et on doit porter des chaussons jetables ou enlever ses chaussures. La sensation du marbre froid sous les pieds est délicieuse. Les tombeaux de Shah Jahan et sa femme Mumtaz Mahal sont beaucoup plus modestes que la grandeur du bâtiment pouvait le laisser supposer. Une pièce simple aux murs nus. Rien d’ostentatoire! Shah Jahan était un empereur Moghol (musulman d’origine afghane) issu d’une famille de bâtisseurs esthètes, ouverts aux autres religions. Shah Jahan a vu la fin des travaux du Taj Mhal depuis une geôle où son propre fils l’avait enfermé. Le fiston était beaucoup moins sympa que ses ancêtres !
Les alentours de ce bâtiment principal sont aussi très intéressants. On suit le parcours indiqué : un pour ceux qui ont payé le prix normal (les nationaux et les citoyens de pays voisins), et un autre pour ceux qui ont payé le prix fort (en gros, les occidentaux).
Coté Est du Taj Mahal
Le Taj Mahal est encadré de deux édifices symétriques, celui de droite est vide mais celui de gauche est une mosquée en activité.
Mosquée à l’Ouest du Taj Mahal édifice à l’Est du Taj MahalDerrière le Taj Mahal se trouve une rivière : la Yamuna, puis la ville de Agra.
Vue sur la rivière YamunaLes 4 faces du Taj Mahal sont identiques et en le contournant on le découvre avec une nouvelle lumière, un nouveau plan. Difficile de ne pas faire une photo chaque seconde! Ce lieu vraiment inspirant doit être le paradis des photographes ! Il y aurait tellement de cadrages à faire !
Tout le site est remarquable par sa parfaite symétrie, une « symétrie poétique » (un concept que je viens d’inventer ! ;-) )
Nous quittons le lieu par un jardin latéral qui offre encore de nouvelles vues sublimes au milieu de la verdure. Beaucoup de visiteurs sont arrivés et occupent les espaces autour du canal central ! Certains osent même tourner le dos au mausolée!
Taj Mahal vu des jardinsLe temps a passé très vite. Le Taj Mahal est un lieu où on pourrait rester une demi-journée sans problème ! C’est encore une des merveilles du monde dont la réputation n’est pas usurpée !
Le mausolée de Akbar à Sikandra
Sikandra est situé à 6 kms de Agra ( sur la route de Delhi). S’y trouve le mausolée de l’empereur Akbar construit par lui-même et son fils – qui sont d’ailleurs le grand-père et père du concepteur du Taj Mahal ( Shah Jahan). C’est un bel édifice de grès rouge incrusté de marbre blanc. Le bâtiment d’entrée est entièrement recouvert de mosaïques géométriques qui lui donnent beaucoup de classe.
Bâtiment entrée
femme en train de nettoyer le bâtiment d’entréeOn entre ensuite dans un vaste jardin d’où on admire le bâtiment principal qui abrite le tombeau. C’est un édifice tout en longueur, étrangement moins impressionnant que son bâtiment d’entrée.
bâtiment qui accueille le tombeau entrée batiment principal les jardinsTout le site est parfaitement symétrique dans une belle harmonie. Il y avait très peu de visiteurs lors de notre visite et donc une grande impression de calme. C’est un lieu peu connu qui mérite vraiment le détour !
Le Fort rouge
C’est le deuxième site majeur d’Agra. Réalisé en grès rouge par l’empereur Akbar et sa descendance, il est une succession des styles architecturaux de chacune des époques. De l’extérieur, on voit surtout les immenses remparts rouges et peu de recherche esthétique.
entrée Fort Rouge Agra
" data-orig-size="640,480" title="entrée Fort Agra" data-image-title="entrée Fort Agra" data-orig-file="https://carnetdevoyagenath.files.wordpress.com/2015/06/img_2121.jpg" style="width: 453px; height: 340px;" height="340" width="453" data-medium-file="https://carnetdevoyagenath.files.wordpress.com/2015/06/img_2121.jpg?w=300" data-original-height="340" alt="" data-original-width="453" data-image-meta="{"aperture":"3.2","credit":"","camera":"Canon PowerShot ELPH 140 IS","caption":"","created_timestamp":"1433806953","copyright":"","focal_length":"5","iso":"100","shutter_speed":"0.001","title":"","orientation":"1"}" data-large-file="https://carnetdevoyagenath.files.wordpress.com/2015/06/img_2121.jpg?w=640" /> accès au Fort Rouge entrée Fort Agra MuraillesL’intérieur recèle pourtant des trésors : divers palais et jardins sur un vaste site.
On y découvre aussi une vue magnifique sur le Taj Mahal.
C’est d’ailleurs dans son enceinte que le pauvre Shah Jahan a fini ses jours les yeux sur le mausolée de sa femme ! Une partie du site est dans une dominante de marbre blanc qui contraste beaucoup avec le grès rouge !
Il y a beaucoup de visiteurs et on découvre l’intérêt que les Indiens nous portent. Ils nous demandent de poser en photo pour eux. Ça a l’air de leur faire vraiment plaisir ! On va se retrouver sur les albums de vacances de plein d’inconnus ! Je prends conscience de tous les regards posés sur nous, souvent avec insistance. Pourtant, notre tenue est tout à fait adaptée au pays ( pantalons, épaules couvertes…) et nous n’avons aucune démonstration d’affection en public. Je pense que c’est juste de la curiosité d’observer des étrangers.
On est presque à la mi-journée et la chaleur est écrasante. Nous ne sommes pas les seuls à rechercher une fraîcheur relative sous ces magnifiques arcades.
De magnifiques jardins donnent envie de s’attarder et de contempler un autre palais à l’extérieur du Fort. Encore une petite merveille…
Le Baby Taj
En fin de journée, nous visitons un autre mausolée en marbre blanc incrusté de motifs géométriques mais aussi floraux. Il a une certaine ressemblance avec le Taj Mahal d’où son surnom.
De loin, il semble blanc et ce n’est qu’en s’approchant qu’on découvre toute la richesse de ses décorations.
Il a la particularité d’avoir plusieurs salles avec des tombeaux et celles-ci sont très richement décorées. Contrairement aux autres mausolées visités, des mosaïques recouvrent les murs et le plafond. Le site est plus petit que le précédent, le jardin plus modeste. On a une vue sur la rivière juste en bas. Des singes se baladent librement. Des enfants nous regardent en riant, veulent savoir d’où on vient, comment on s’appelle et réclament de l’argent. Nous nous brûlons la plante des pieds sur le sol. La sensation agréable du matin s’est évanoui! Le vent chaud nous fait penser à un sèche-cheveux géant dirigé vers nous ! Que de sensations mêlées!
Le coucher du soleil sur le Taj Mahal.
Après avoir traversé un quartier particulièrement miséreux, nous nous retrouvons derrière le Taj Mahal, de l’autre côté de la rivière. Là, un groupe d’hommes s’apprête à réaliser la crémation d’une personne décédée. Oups ! Pas vraiment envie d’y assister ! Nous entrons dans des jardins qui offrent une belle vue sur le site. Nous sommes quelques uns à attendre que le ciel illumine le Taj. On observe l’édifice pendant un long moment, assis sur un muret. Des feux brûlent au bord de la rivière et une question nous taraude : c’est un corps qui brûle ? Des offrandes ? Des déchets ? On aura vu chacune de ces options aujourd’hui. Les femmes des environs transportent du bois et passent devant nous, certaines timides, d’autres amusées.
Des enfants nous interpellent. On commence à s’habituer à tout ça. On est plus zen. Finalement, le coucher de soleil sera discret, le ciel ne s’est pas embrasé. On remballe nos appareils photos. Les clichés du matin étaient vraiment plus beaux!
On dit adieu au Taj Mahal et au calme du lieu. Nous sommes rapidement entourés d’une nuée de quémandeurs en tout genre qui nous a vus sortir ! On rejoint la folie et la crasse de la ville puis l’ambiance monacale de notre chambre. Toute la journée, nous aurons alterné entre le calme et la frénésie! De la même façon, la beauté intense et la laideur atroce auront joué à cache-cache depuis notre arrivée.
La ville d’Agra n’a vraiment aucun attrait : des habitats de fortune, des rues défoncées et poussiéreuses qui croulent sous les ordures, une circulation complètement anarchique. En dehors des sites visités, nous n’avons rien vu de beau dans cette ville. La misère est partout et homogène. Benoît a l’impression d’être en « voyage-boulot », en train de commencer une mission ( humanitaire). Seule ma présence lui rappelle que nous sommes en vacances. Moi, j’ai l’impression de passer une épreuve de résistance psychologique et d’adaptation en milieu hostile !
Oui, décidément les premiers pas en Inde sont une épreuve et ma première impression à chaud est que ce pays n’est pas à conseiller à des novices en voyage dans les pays en voie de développement!
Appel : si vous avez une expérience en Inde, vos commentaires ou conseils sont les bienvenus !
Demain matin, nous quittons Agra et l’Etat de l’Uttar Pradesh pour le Rajasthan en commençant par Jaïpur la ville rose.