The army of the twelve erasers


Dans la série, les universitaires sont de vrais petits comiques, un chercheur du King’s College de Londres a décrété qu’il faudrait interdire les gommes dans les écoles primaires. Bon. Je ne sais pas, il a peut-être été traumatisé par une gomme dans sa petite enfance. Il a voulu manger la sienne et a trouvé ça très mauvais. Ou alors sa grande sœur lui a piqué sa gomme, quand il avait 6 ans, et il ne lui a jamais pardonné. Du coup ça crée des tensions familiales insoutenables, les repas de famille sont gâchés, les Noëls sont tendus et je ne parle même pas des baptêmes…Il préfère donc épargner ça aux prochaines générations. C’est vrai que comme les écoliers britanniques écrivent au crayon et pas au stylo, il y a beaucoup de gommes dans les classes mais ce n’est pas une raison leur declarer la guerre comme ça! 

 The army of the twelve erasersBBC.co.uk 
Son premier argument, c’est que pédagogiquement parlant, il est intéressant pour les instits de voir les erreurs des élèves. Il n’a pas forcément tort sur ce point. Il explique aussi que les enfants ne doivent pas avoir honte de faire des erreurs. C’est vrai, mais ils doivent aussi être fiers de ne pas se planter! Et je rappelle qu’on parle du primaire. Les instits connaissent suffisamment leurs élèves pour savoir quelles erreurs ils font. Certes, je suis bien contente de savoir qu’une de mes élèves rajoute systématiquement « ze » à la fin d’un adjectif pour le mettre au féminin (la fleur est rougeze). Mais comme ça, en soit, ça a un intérêt limité. On en a discuté, cette enfant est très logique: elle a compris que les adjectifs s’accordent en français, ce qui paraît saugrenu voire suspect aux enfants anglophones, le jour où elle a dit « je suis anglaizeuh » alors que son petit camarde à côté était juste anglais. Depuis, elle applique le même principe à tout ce qui est féminin. Et bien, j’attends le jour où elle sortira sa gomme, corrigera toute seule et effacera le « ze ». Pédagogiquement pour parler comme le prof d’université, ça voudra dire qu’elle a compris! 

Bon, j’avoue, sur ce premier argument, je ne suis pas complètement horrifiée. Par contre, quand notre charmant universitaire dit qu’il faut montrer fièrement ses erreurs parce qu’elles font partie de la vie professionnelle, j’ai plus de mal. Il assure que les adultes ne vont pas gommer et corriger leurs erreurs au travail, alors pourquoi demander aux enfants de le faire à l’école, ahahah…Par exemple, un plombier va laisser un tuyau fuir, parce qu’il assume son erreur, et de tout façon, il a installé un autre robinet à côté qui marche très bien lui, de quoi vous vous plaignez? Pareil  pour le chirurgien qui se plante dans une amputation (on ne rit pas, c’est arrivé à l’hôpital de Colchester). Le pâtissier qui oublie son dentier dans les muffins, l’avocat qui intervertit le dossier d’un client avec sa liste de course, le platrier qui laisse un mur de travers, pour montrer qu’au début, il s’est planté, mais il n’a pas honte de ses erreurs et les trois autres murs sont bien droits, après si le couvreur n’est pas fichu de mettre un toit là dessus, ce n’est pas son problème…évidemment, si mon banquier fait une erreur sur mon compte en ma faveur, je veux bien qu’il laisse comme ça  et qu’il en soit fier. Sinon, je ne suis pas sûre que ça soit si apprécié que ça dans le  monde professionnel, de laisser ses erreurs bien en évidence. Certains ont aussi demandé à ce brave prof si il voulait enlever la touche « delete  » des ordinateurs tant qu’il y était? 

Mais ce qui m’a achevé, c’est quand ce pédagogue éminent  assure, sans rire que les gommes sont « des instruments du diable ». Voilà, voilà. Il a raison finalement, la vie professionnelle est truffée d’erreurs bien visible . Et de gens qui devraient prendre un peu de repos.