La salle des enchères est bien cachée, au delà du S-Bahn Schöneberg, au bout d'une route sinueuse fréquentée par les semi-remorques venus déchargés leurs trésors dans la déchèterie voisine. Il faut se lever tôt pour profiter des enchères. Elles débutent à 10h mais il est nécessaire de venir plus tôt pour inspecter la marchandise.
Je me suis rendue à la vente des objets trouvés. J'étais curieuse de voir quelles merveilles les gens pouvaient perdre. J'ai été à la fois déçue, surtout des vélos, et surprise : on vendait des planches à voile et des poussettes !
Comment peut-on perdre son vélo ? Généralement on se le fait voler. Et si on le retrouve plus, c'est que l'on a dû passer une soirée très arrosée. Quelqu'un m'avait dit que la régie de la ville passait régulièrement récupérer des vélos laissés à l'abandon dans les rues de Berlin. Je ne sais pas comment concrètement il est possible de les distinguer de ceux qui sont encore utilisés par leurs propriétaires. Est-ce que les policiers marquent une date à l'encre invisible sur chaque vélo qu'ils croisent et disposent d'une immense carte qui clignote quand un vélo n'a pas bougé depuis 6 mois ? Le mystère reste entier, d'autant plus que parmi les vélos trouvés mis en vente certains sont d'un certain standing.
En plus des vélos, des poussettes et des planches à voile il y a aussi des sacs de vêtements, des cartons de sacs à main, des ordinateurs, des téléphones portables, des lunettes de vue et de soleil, des jouets pour enfants...
Dans la salle, plusieurs rangées de chaises déjà occupées, des personnes accoudées contre les fenêtres derrière lesquelles se déploie le balai des camions compacteurs de la déchèterie. Et un long bureau où le commissaire priseur et ses assistants vont oeuvrer pendant 3 heures durant.
Le public est hétéroclite : des mécanos, des lycéens, des mères de famille, des familles même... l'excitation est palpable. Bien que je n'ai pas l'intention d'acheter quoique ce soit, à part peut être une planche à voile, je sens aussi mon coeur battre plus vite quand le commissaire priseur prend la parole.
Il explique les règles du jeu. Les enchères commencent à 5 euros et montent par palier de 5 euros jusqu'à 30 euros. Puis les intervalles passent à 10 euros et à partir de 200 euros les enchères augmentent de 20 euros. Soit pour chaque main levée 5 euros, 10, 15, 20, 25, 30, 40, 50, 60, 70....200, 220, 240, 260.... vous voyez ?
Et c'est parti pour l'article numéro 1 (il y en a en tout 300 !). Une photo de très mauvaise qualité représentant un vélo apparaît sur l'écran. La première main, timide, se lève. Le commissaire priseur commence sa litanie de chiffres en pointant du doigt la personne qui enchérit : 5 euros ici, 10 euros là, 15.. 15 une fois, 15 deux fois, 20 par là, 25 de nouveau ici, 30 pour celui qui agite sa main au fond de la salle, 35 de nouveau pour ici, 35 une fois, 35 deux fois, 35 trois fois, personne d'autre ? adjugé vendu pour le monsieur ici. Le monsieur ici se lève et va payer en liquide auprès des assistants. Il revient tenant fièrement à la main son acte d'achat. Le commissaire priseur a déjà attaqué la vente du deuxième vélo et c'est la guerre des mains chez les enchérisseurs.
Parfois un participant qui n'a pas été vu par le commissaire priseur s'agite et siffle. Certains n'osent pas et, cela arrive rarement, se font souffler l'affaire car ils n'ont pas oser se manifester suffisamment bruyamment. D'où l'importance de sa place dans la salle, mieux vaut être devant le commissaire priseur pour être vu.
Certains sont là pour affaire. Un jeune qui semble à peine avoir 18 ans achète au moins une trentaine de vélos. Il est muni d'un papier où il a soigneusement noté les numéros des vélos qui l'intéressaient. Il semble chercher un certain style de bicyclette et ne monte jamais au delà de 40 euros. Il envoie à chaque fois sa copine récupérer l'acte de vente. Elle ne cesse de s'assoir et de se lever, parfois elle n'a même pas le temps de revenir à sa place que son copain a déjà raflé un autre vélo. D'autres, qui n'ont pas la chance d'être assistés, enchérissent en même temps qu'ils reçoivent l'acte de vente du premier vélo. Un vieil homme en bleu de travail est le spécialiste des vélos en piteux état, sans selle et parfois sans roue. Il en achète un à 5 euros. Souvent les enchères montent jusqu'à 80 euros, parfois jusqu'à 150 rarement au delà de 200, une fois à 300 euros. Cette victoire est saluée par quelques applaudissements. Une jeune femme pousse un cri de joie quand elle emporte l'enchère pour le vélo qu'elle convoitait. Le commissaire priseur s'en amuse et n'hésite pas à égayer son flot infernal de quelques plaisanteries. Je suis étonnée de l'ambiance détendue qui règne. J'imagine que les ventes aux enchères d'oeuvre d'art sont moins drôles.
Je suis impressionnée par la performance du commissaire priseur qui, à part pour prendre quelques gorgées d'eau, ne s'arrête jamais de parler. Après 240 vélos la salle est un peu moins pleine. On arrive aux poussettes qui ne déchainent pas les foules, et aux planches à voile. Personne ne semble intéressé. J'hésite à lever ma main. 5 euros c'est un petit investissement et je pourrai ainsi compléter la décoration de mon couloir... mais je ne suis pas certaine que l'idée plaira à mon colocataire. je m'abstiens et finalement personne n'achète la planche à voile.
C'est ensuite au tour des lots de vêtements et autres sacs à dos. Je suis surprise par les prix que certains atteignent, plus de 100 euros. Lors de l'exposition des biens on ne pouvait pas voir le détail des vêtements qui étaient déjà enfermés en vrac dans des sacs transparents. Les acheteurs, certainement des professionnels, doivent avoir l'espoir d'y dégotter une ou deux pièces rares...
L'état du matériel informatique et électronique n'est pas garanti et vous ne pouvez pas le tester au préalable ni, bien entendu, le retourner et vous faire rembourser. Vous êtes par contre légalement tenu d'effacer les données qui pourraient s'y trouver.
La vente aux enchères était un vrai spectacle dont je me suis délectée. La prochaine fois que je m'y rendrai il faudra que j'achète pour compléter mon expérience. On peut y faire de très bonnes affaires mais mieux vaut s'y connaître en vélo pour en acheter aux enchères.