Ce n’est pas que je manque cruellement d’inspiration (enfin, bon, un peu quand même…), mais j’ai eu la soudaine envie de parler de mon escalier, en entendant mon troupeau monter joyeusement dans un boucan d’enfer, se poussant sur les marches comme une bande de lions affamés prêt à fondre sur le palier innocent pour passer en premier. C’est évident, une milliseconde de gagner sur son frère ou sa sœur, c’est vital. En tout cas, c’est bruyant et je n’ai pas envie de repartir aux urgences alors on se calme. Espèces d’enfants d’hystérique.
(Source, ben non, ce n’est pas chez moi, mais ça ressemble. Sauf qu’on voit bien qu’il n’y a ni enfant ni chat qui prennent cet escalier)
Déjà notre escalier est un original, et il affiche la couleur dès l’entrée: on est chez des français. Comme avec notre chatte anglaise qui comprend mieux « poisson » que « fish », on n’a pas hésité une seconde à franciser l’escalier. Ça peut paraitre bizarre pour ceux qui n’ont jamais mis les pieds de ce côté de la manche, mais les anglais ont la manie tenace de recouvrir systématiquement leurs escaliers de moquette, sûrement pour mieux glisser. C’est pénible. Alors certes, ça permet de travailler sa souplesse, puisque ça facilite les saltos arrières avec récupération acrobatique sur le genou gauche et le coude droit en bas de l’escalier (et hop, sans les mains!) , mais c’est esthétiquement douteux. Parce qu’on a eu, dans nos divers escaliers britanniques, de la moquette bleu roi à petites fleurs, de la rouge et orange à rayures, ou de la bleue verdâtre légèrement brillante. C’est simple, j’avais toujours envie de prendre une pirogue pour descendre l’escalier, vue la couleur et je vérifiais 50 fois par jour qu’il n’y avait pas une fuite de la baignoire, style cascade. Bref, quand on est arrivé dans notre maison actuelle, notre escalier était recouvert d’un joli motif écossais dans un camaïeu vaguement marron allant de la diarrhée du nourrisson au dégueli de chat du plus bel effet (ne me remerciez pas, ça me fait plaisir de partager). Donc, j’ai harcelé sans relâche gentiment suggéré à Marichéri d’enlever tout ça, j’ai poncé les marches une à une pendant des jours et j’ai peint et vernis la chose. Ça surprend toujours nos visiteurs. Notre escalier est français, en bois apparent, shocking! J’en étais très contente, pendant 5 minutes.
C’est là qu’entrent en scène les enfants. Quand un troupeau de gamins imitant la charge d’une vingtaine d’éléphants aérophagiques au galop dévale mes jolies marches en bois dans un boucan à faire trembler les vitres, je me dis que la moquette avait quand même une utilité. PrincesseChipie est une enfant pleine de vie. Elle ne sait pas monter l’escalier normalement, non, il faut qu’elle saute de marche en marche, dans un vacarme assourdissant. Et comme ça la met de bon humeur, elle chante à tue tête. Imaginez la chanson de Frozen, mais avec un accompagnement à la grosse caisse. Toddler 5 monte à 4 pattes, en poussants des cris d’excitation suraigus, puisque l’escalier, c’est la voie directe pour aller envahir les chambres de ses aînés, et mettre un bazar infâme dans leurs jouets. GeekAdo monte en pensant à autre chose ( la théorie de la relativité, la masse des trous noirs, son repas de midi…) et il se rétame vaguement une fois sur deux, en se rattrapant à la rampe avec des airs de grue épileptique et en secouant la chose avec force. Non seulement il fait grincer la rampe, mais en plus il jure comme un charretier sa mère, c’est très élégant. L’Ado rampe péniblement, en râlant de fatigue parce que c’est une dépense physique monstre de monter cet escalier. C’est carrément fasciste, pourquoi on n’a pas un ascenseur? PrincesseDiva fait sa diva, très digne, sauf qu’il faut qu’elle passe devant tout le monde. Ça vire donc au pugilat infâme, avec envolée de couettes, cris de cochons qu’on égorge, espadrilles (vertes) qui volent. En général, mes enfants mettent 10 minutes pour monter 21 marches. Et me flanquer la migraine.
On pourrait croire que l’escalier est calme la nuit. C’est faux. La chatte aime bien jouer aussi. Elle se planque sur une marche derrière la rampe et saute sauvagement sur quiconque à l’idée de se lever pour aller chercher un verre d’eau. Si elle a des insomnies, elle fait ses griffes bruyamment sur ma jolie rampe (que j’ai donc poncé comme une folle pendant des jours) et qui maintenant est toute chevelue. Sale bête (la chatte, pas la rampe, quoique ça lui donne un petit côté yéti). Ou alors, elle prend sur elle de veiller sur le sommeil de la maisonnée, en montant la garde totalement endormie sur la première marche. Et quand quelqu’un qui n’y voit pas bien sans ses lunettes, se lève peniblement le matin, met machinalement le pied dans l’escalier, en nettoyant ses verres, ce quelqu’un que je ne nommerais pas (on a presque tous des lunettes dans cette maison, il n’y a aucune raison pour que ce soit forcément moi) manque la crise cardiaque en sentant une masse molle et poilue sous ses orteils. Je vous passe les cris d’orfraie de la chatte qui part bouder trois marches plus bas dans une envolée de poils et mes miaulements hystériques ou l’inverse (oui bon d’accord, mais ça aurait très bien pu être quelqu’un d’autre). Et ma migraine carabinée qui s’en suit.
Bref, notre escalier est un endroit très, très bruyant. Si par miracle on arrive à déménager un jour, je crois que je garderai la moquette cette fois, pas pour faire sourdine, mais pour faire couleur locale bien sur.