Faire du tourisme à Roubaix. Non mais vous êtes sérieux? En effet, je suis totalement sérieux. Roubaix, bien qu'aujourd'hui une des villes les plus pauvres de France, voire la plus pauvre certaines années, possède un patrimoine historique exceptionnel. Vous seriez étonné si je vous apprends que c'était le centre mondial de la laine avec Fourmies (autre ville de la région), que les Australiens venaient à la gare de Roubaix et se déplaçaient en calèche pour parler affaires ensuite ou encore que les entreprises de textile de la ville étaient côtées à Wall Street. Pourtant, tout cela est vrai. Mais il y a eu une autre réalité, bien plus triste: celle des coulisses. Roubaix était à l'époque une ville où les tours n'étaient que des cheminées et sous les toits de verre, on ne pouvait rien apercevoir tant la fumée inondait les pièces et les poumons des ouvriers. Heureusement pour eux, un endroit leur permettait de s'évader en dehors du travail: la piscine.
Interdiction de se baigner
Pourquoi dans le top 10? Une piscine remodelée en musée
C'est le maire socialiste Jean Baptiste Le Bas qui décida de créer cette piscine. On était alors en plein dans le mouvement hygiéniste et le but affiché était de purifier la ville, la rendre plus propre, ainsi que ses habitants. Ca pourrait vous paraître idiot une baignoire dans la piscine dans une belle salle de bains mais les ouvriers se pressaient pour y aller avant les autres car ce dispositif, ils ne l'avaient surement pas chez eux. Il fut difficile de trouver de la place pour construire ces bains entre les usines et les maisons. On trouva néanmoins un terrain qu'on confia à l'architecte Albert Baert pour qu'il exhume de cette terre la plus belle piscine de France. Je dirai pour ma part qu'il a réussi la mission qui lui a été confiée. D'ailleurs, l'entrée du musée n'est en aucun cas l'entrée originale de la piscine. Il vous faudra longer dans la rue parallèle à gauche pour la trouver: bien décorée mais petite par manque d'espace.
Quand les Roubaisiens barbotaient
Cette piscine a donc plusieurs fonctions. C'est d'abord une réussite architecturale avec ses magnifiques vitraux et ses mosaïques dans la veine de l'Art déco avec ses lignes géométriques pures. La première fonction est d'abord hygiéniste. Il fallait assainir la ville, assainir les gens. C'est pour cela qu'il y a des bains. D'ailleurs, les cabines de douches n'étaient pas fermées afin que le maître nageur voit si vous vous êtes bien douchés avant d'entrer. Aujourd'hui un coin pour prendre le café, il y a un cloitre pour respirer l'air pur loin des vapeurs nocives. De plus, ce petit jardin est insonorisé, un luxe dans une ville extrêmement bruyante à cause des cris des machines. D'ailleurs, à cette époque, la surdité est une maladie fréquente des ouvriers que ce soit dans le textile ou dans les mines. Si vous le trouvez, vous verrez un ancien maillot de bain blanc. Cet accoutrement avant d'entrer dans la piscine était bouilli afin d'éliminer les microbes. Cet endroit révèle les débuts de l'obsession pour la propreté. La piscine est aussi un endroit pour apprendre à nager et les photos nous révèlent les techniques un peu barbares exercées sur les enfants. Pas sur qu'elles fonctionnaient. C'est aussi un endroit de détente bien sur où tout le monde courait vers le lion qui crachait de l'eau (c'est en réalité une statue de Neptune). Combien de personnes ont trouvé l'amour dans ce lieu municipal? De nombreux témoignages vont dans le sens du romantisme. Roubaix avait aussi comme ambition d'être une piscine sportive utilisée pour les compétitions mais toute ces décorations et notamment les mosaïques l'ont empêché d'être aux normes pour accueillir les nageurs professionnels et si je me souviens bien, c'est Tourcoing qui s'en est emparé.
De sa bouche le "lion" Neptune nous raconte des histoires d'amour
Seulement voilà, la piscine est construite à un moment où le déclin industriel de la ville commence. En 1985, les conditions de sécurité ne sont plus réunies et l'établissement doit fermer. En 1990, on pense à le reconvertir en musée et c'est une totale réussite. D'abord, j'adore me promener le long du bassin aujourd'hui bordé de statues néoclassiques qui s'alanguissent en regardant le spectacle du passé. Comme des vieux fous, ils observent les spectres des anciens nageurs. Il y a aussi toute une collection liée au textile mais j'avoue que je n'ai jamais été trop fan de cela. Au fond du bassin, le magnifique cadeau de Sèvres célèbre pour sa porcelaine. Ici, elle a offert un portail en grés émaillé polychrome qui avait été montré aux yeux du monde lors de l'exposition universelle de Gand en 1913. Le musée est aussi consacré à la peinture et à la sculpture, son oeuvre phare étant La Petite châtelaine de Camille Claudel qui souffre dans cette oeuvre surement à cause de son amant Rodin. Dans les peintures, je me souviens d'un superbe tableau à propos de Charlotte Corday qui n'a rien à voir avec le Marat de David. Ici, Corday est une victime, pas une coupable. On peut aussi admirer le travail des peintres locaux notamment avec des tableaux de combats de coq très populaires dans l'ère industrielle. Et en prime, il y a même un portrait exécuté par Tamara de Lempicka, une de mes peintres préférées. Laissez tomber vos préjugés sur Roubaix. La ville est pauvres certe, ce musée est malgré tout une mine d'or.
Charlotte Corday s'est faite choppée
Bon à savoir
- Ouvert du mardi au dimanche: du mardi au jeudi (11-18h), vendredi (11h-20h), week end (13h-18h). C'est aussi fermé les jours fériés
- Entrée: 5,5 euros (4 euros, tarif réduit), 9,50 euros avec expositions temporaires (6 euros tarif réduit). Le musée est gratuit tous les premiers dimanches du mois et pour les étudiants, l'accès aux expositions temporaires est gratuit tous les vendredis.