Sumardagur fyrsti ! Premier jour d’été en Islande.
Pâques s’est terminée il y a peu. Cette année elle nous est arrivée tôt. Début avril. Les crocus et les jonquilles émergent leur tête bourgeonnante des jardins citadins. Ils s’interrogent. Doit-on sortir ou bien rester bien au chaud sous terre ? De jour en jour, toujours plus haut, le soleil les invite à n’être pas si frileux. Lui se cache encore souvent derrière un ciel grisâtre. Tout à chacun envoie sa demande de location d’une maison d’été à son bureau de réservation. Les publicités des journaux nous vantent les délices d’un séjour à Prague, Boston ou Garda. Les cartes routières étrangères s’amoncèlent sur un coin de table. Les moteurs de recherche sont tous focalisés sur le soleil. Il y a le choix, moins les moyens. Mais cette année l’hiver n’a pas envie de nous lâcher la main. Et comme disait la chansonnette apprise avec difficulté en maternelle :
Giboulées peut-être, ciel éclaboussé Les grognons se désespèrent
Grêle à la fenêtre, vêtements cirés, À l’ abri d’un coin d’auvent
Giboulées peut-être, chemins inondés, Les grognons sont à l’arrière
De la boue aux guêtres, Allons patauger C’est l’effet du mauvais temps !
Alors on attend avec patience le jour J. Le jour où on enfilera pour la première fois de l’année son short. Le jour où pour tous, l’été commence. Le « sumardagur fyrsti » (premier jour d’été) qui comme chaque année est tombée un jeudi. En Islande c’est un jour férié comme Noël. Par opposition au « fyrsti vetrardagur » (premier jour d’hiver) qui tombe toujours un samedi et qui lui est férié par obligation.
On comprend cette adoration du soleil quand on vit d’octobre à mars dans une pénombre continuelle. Quand le froid, le gèle et la neige vous enveloppe petit à petit pour vous engourdir. On vit dans une semi somnolence. Ce n’est pas qu’une image ! On le ressent vraiment. Ca ne m’étonne pas que certains animaux hibernent. Alors chaque année je ne rate pas mon sumardagur fyrsti. C’est mon 1er mai autour du 20 avril. Mon muguet à moi comme jonquille. Mon printemps à moi comme été. J’enfile mon short et je sors sous un soleil printanier aux rigueurs hivernales. Je me faufile au plus vite derrière le défilé des scouts et de la fanfare suivit de quelques habitants et je me pavane comme un gamin de dix ans à qui on fait croire que l’été est arrivé alors qu’il porte bonnet et doudoune. Oui, l’image prête à rire. D’ailleurs la plupart de mes connaissances islandaises s’en délecte alors qu’ils sont encore emmitouflés en pull chez eux.
Ce jour-là les parents offrent un petit cadeau à leurs enfants pour souhaiter la bienvenue à l’été. C’est soit un livre, un ballon, des craies de couleurs, un vélo, un vêtement, etc… Chacun suivant l’épaisseur du portefeuille.
Ce jour-là, les grandes personnes parlent du temps et s’il a gelé durant la nuit, car la croyance populaire raconte que si l’hiver gèle sur l’arrivée de l’été alors, l’été sera bon. Avant on racontait que s’il gelait cette nuit-là, l’épaisseur de glace qui se formait équivaudrait à l’épaisseur de crème que l’on récupérait de l’égouttage du lait gardé dans des récipients en bois carrés (mjólkurtrog) en été.
Cette année, alors que des centaines de touristes sont venus « voir » l’Islande en plein mois de mars entre les giboulées, les averses et les bourrasques de vent, je les ai quittés dans leurs paysages blancs pour respirer les prémices du printemps Italien. Et quand on voit que les citronniers, orangers et autres pamplemoussiers sont chargés de fruits déjà mûrs et que les cerisiers sont en fleurs, on se dit qu’il faut avoir un tempérament bien alambiqué pour habiter un pays aussi rude que l’Islande et de si balader en short par cinq centimètres de neige.