Après mon voyage marquant en Equateur, direction la Colombie ! Une demi-journée de bus, voilà ce qui m’attend pour rejoindre la frontière équatoriano-colombienne depuis Quito (la capitale de l’Equateur). Je suis de nouveau avec Daan, voyageur rencontré en route avec qui j’ai partagé l’aventure dans la communauté Yatun Naku dans la forêt équatorienne. Notre parcours consistera à remonter la Colombie du Sud vers le Nord. La route promet d’être longue. Et donc chose promise, chose due, les trajets semblent sans fin. Heureusement, pour nous divertir, « s’incrustent » régulièrement des marchands ambulants en possession de produits miraculeux à des prix inespérés ! Barres énergétiques ou au chocolat, baume contre les douleurs, stylos… A en croire leurs plaidoyers interminables, nous sommes dans un jour de chance, car ces produits hors pair sont aujourd’hui à des prix imbattables !
Et puis, comme toutes les bonnes choses ont une fin, nos vendeurs à la sauvette finissent par descendre du bus et en un dernier coup de transfert, nous voici enfin à la frontière. Comme à leur habitude, les zones frontalières ne sont guère accueillantes. On nous propose, avant même d’avoir tamponné nos passeports, la traversée en taxi, en minibus… tous les transports sont bons. Un attroupement d’hommes brandissant des billets nous annoncent les taux de change. Les affaires aux frontières ne sont pas ma tasse de thé. Nous traçons notre chemin. Je me prépare à devoir ouvrir mes bagages et perdre beaucoup de temps. La frontière colombienne n’est pas sans m’inquiéter un peu. Résultat, je crois bien n’avoir jamais eu un passage aussi bref ! En 15 minutes l’affaire est pliée. Tampon de sortie côté Equateur ok, tampon d’entrée pour la Colombie aussi ! Nous voici donc en territoire colombien!
Le sanctuaire de Las Lajas
Nous remontons la Colombie en suivant les courbes de la Cordillère des Andes et le moindre trajet prend un temps infini. Le paysage s’enfonce dans de vertigineuses vallées verdoyantes. Alors que je découvre ma nouvelle destination kilomètre après kilomètre, la Colombie reste un mystère pour moi ! J’ai en tête un pays à la réputation égratignée par son passé de narcotrafiquants avec les FARCS, les prises d’otages…
Et puis, depuis quelques années, nouveau virage : guérilla sous contrôle, paysages de nature luxuriante, culture authentique, peuple gai et festif,… Je suis curieuse d’en découvrir les moindre confins. Première étape, Las Lajas, juste à quelques kilomètres de la frontière. A Ipiales, la ville frontière colombienne, nous prenons un colectivo (taxi partagé entre plusieurs passagés). Maintenu en suspension au dessus d’un canyon à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, ce temple du catholicisme néo-gothique datant du XXème siècle fait l’affaire des vendeurs de gadgets qui se sont agglutinés à son entrée. Si je n’aime guère ce genre d’attroupement, il est vrai que l’endroit est assez remarquable. Enfoncée dans une profonde vallée, cette forteresse religieuse digne d’un conte fantastique représente le symbole d’une ferveur sud-américaine telle qu’il n’en existe plus en Europe. Un chemin dominé par des parois couvertes d’ex-votos nous amène au pied du lieu sacré déclaré deuxième merveille de la Colombie. La visite s’accomplit en peu de temps et il est temps maintenant de regagner le terminal de bus. Prochaine destination, Popayan.
Popayan : un vrai moment de plaisir
La vie à Popayan semble douce et tranquille. Si la plupart des voyageurs concentrent leur découverte de la Colombie vers le Nord du pays, Popayan a pour mérite de sortir des sentiers battus. Située au coeur de la Colombie, la ville constitue avant tout une étape pour les routards en partance pour le centre de la Colombie et les villages de San Agustin ou Tierradentro. Ainsi, les touristes se font plus rare et les shops à gringos aussi.
J’apprécie donc de ne pas être alpaguée par des agences ou de ne pas devoir choisir mon resto dans la rue parfaite pour touristes. Du coup, nous achetons comme les locaux et nous ne nous en portons pas plus mal ! Eh oui, étrange, mais un touriste peu aussi survivre dans une ville qui ne comporte ni boutique à grigris, agences de voyage par milliers et restaurants pour gringos ! C’est que, dans un voyage si long, on cumule tant de spots surfaits, que cette sensation d’exploitation touristique devient parfois un peu lourde et vide de sens. Alors ce genre d’étape me réconcilie avec mon statut de baroudeuse. Et vous savez quoi ? On consomme malgré tout, on arrive à manger à notre faim, à se loger… et qui plus est, on y prend plaisir ! J’ai donc beaucoup aimé Popayan pour cette raison mais aussi parce que c’est une jolie ville coloniale avec des marchands de toutes sortes postés à chaque coin de rue, des boutiques qui mélangent les produits (une pharmacie peut aussi bien vous vendre des médicaments que des glaces, des produits alimentaires…), des attroupements de Colombiens qui tapent la discussion assis sur un banc, à l’angle d’une boutique…. Nous déambulons tranquillement entre ses places pavées, ses rues blanchies à la chaux, son marché local… Après deux jours passés dans la ville blanche, nous partons pour San Agustin, un petit village.
San Agustin et San Andrés de Pisimbala
La nature en Colombie défie mon imagination. Je retrouve la végétation luxuriante de la forêt péruvienne avec les fleurs, les grandes feuilles de palmiers, les arbres qui s’entortillent, les orchidées qui se nichent dans les troncs…
La Colombie, et qui plus est le sud, s’est récemment ouverte au tourisme. Du coup, le pays semble vierge de tout superflu. Je trouve les habitants de cette région particulièrement prévenants, chaleureux et ouverts à la discussion. San Agustin et ses environs constituent l’un des sites archéologiques les plus importants du continent composé de tombes et de statues gravées dans la roche volcanique par une ethnie méconnue de l’histoire colombienne. Datant entre le 6ème et le 14ème siècle, elles sont plus de 500 à avoir été découvertes. Certaines peuvent mesurer de 20 cm à 7 m. Pour découvrir les environs de San Agustin, nous optons pour la balade à cheval en compagnie de David, notre guide colombien. Le paysage est chargé en nature et champs de café. Nous marquons des arrêts aux sites archéologiques non loin du Rio Magdalena. L’une d’entre elles porte le nom de Chaquira ! Alors que, pour certains, les fantasmes se réveillent, je reste pour ma part dubitative… Je prends aussi un grand plaisir à galoper dès que l’occasion se présente. Le terrain et les petits chemins sillonants dans la végétation colombienne à l’écart de tout vrombissement mécanique s’y prêtent très bien.
Après San Agustin, nous continuons notre découverte du sud de la Colombie en direction de Tierradentro, autrement dit « la terre du milieu ». L’arrivée plutôt épique vient s’ajouter à cette collection de moments qui resteront gravés dans ma mémoire. A Garzón, après un premier trajet en bus de 6 heures, nous devons changer de moyen de transport pour une jeep. Nous nous retrouvons entassés à l’arrière d’un de ces taxis pour chemins impraticables. A l’intérieur de la voiture, toutes les places sont prises. Nous devons donc nous asseoir dans la « remorque » couverte d’une bâche avec deux bancs pour un total de six personnes. Bien sûr, nous sommes 4 de part et d’autre, avec deux petites filles au milieu, 3 hommes agrippés à l’arrière, deux sur le toit et deux à l’avant de la « remorque ». Les routes ne sont pas asphaltées, aussi la poussière rentre à l’intérieur du véhicule. Les cheveux des voyageurs suspendus à l’extérieur blanchissent au fil des chaos et malgré la chaleur nous cloisonnons tant bien que mal nez et bouches. J’imagine que, pour la plupart, il s’agit d’un trajet habituel. J’admire leur patience et leur calme alors qu’à l’intérieur de moi-même je bouillonne. Je maudis le chauffeur de la jeep qui ne trouve aucun scrupule à entasser ses passagers respirant pendant plus de deux heures de la poussière alors qu’il serait tout à fait possible de proposer plus de véhicules.
Arrivée à San Andrés de Pisimbala, je descends de la jeep avec l’impression d’avoir fait une matinée de rando à cheval ! Mais San Andrés a tôt fait de me faire oublier le trajet. Nous voici de nouveau au milieu de nulle part avec la nature pour toile de fond. Les quelques rues sont en terre. Les motos surchargées de deux, trois ou quatre passagers et les véhicules vont et viennent. De l’extérieur, la situation me paraît bien plus caustique. Les bus ont des allures hybrides entre le truck à l’américaine et les anciens wagons de train. Le tour du village est vite fait. Sur un mur, je trouve un graffiti signé par les sympathisants des FARCS ! Oups ! Dans le seul restaurant du village où nous prenons nos repas et petit-déjeuners, nous comprenons au cours d’une conversation avec la serveuse du restaurant que le traumatisme des FARCS est toujours présent. Tierradentro constituait l’un des terrains de jeux les plus exploités par la guerilla. Pourtant depuis que nous voyageons, la Colombie paraît plutôt sereine…
Au bout du deuxième jour à San Andrés, nous partons pour un circuit de 7-8 h à pied pour découvrir le parc archéologique constitué de tombes circulaires ou plutôt chambres tombales creusées dans la terre et méticuleusement décorées de formes géométriques au cours des 7ème et 9ème siècles. Une centaine de tombes auraient été excavées. Les fouilles ne sont d’ailleurs pas terminées. Réparti en 4 principaux sites, le parc archéologique nous a accueilli du matin au soir. Pour chaque site, nous explorons les chambres une à une. Certaines disposent d’un éclairage artificiel, pour d’autres, nous utilisons notre frontale. Je ressens de nouveau ce décalage avec l’histoire… Je questionne les gardiens, eux non plus n’ont idée des us et coutumes mystérieuses que d’ailleurs personne aujourd’hui n’est parvenu à percer.
Un volcan qui décoiffe et des bains de soufre à couper le souffle
Il nous reste un dernier spot à voir avant de quitter la région de Popayan, le parc naturel de Puracé et son volcan. Nous empruntons de nouveau une route non asphaltée. Le bus nous dépose au Cruce de la Mina. Sacs sur le dos, nous devons finir les derniers mètres à pied pour rejoindre le refuge de ce soir. En prélude au lendemain, le vent se met à souffler, ce qui refroidit passablement l’atmosphère. Je cumule alors les couches de gilets, manteaux, chaussettes, bonnet, pour ne laisser aucune chance au froid de s’infiltrer. Le refuge est spartiate mais authentique. Nous cloisonnons les fenêtres. Couchés tôt pour un lever à l’aube. Croix de bois, croix de fer !
5h du matin, le vent ne s’est pas calmé. Bien au contraire… mais nous sommes bien sur nos pieds, prêts à attaquer l’ascension de ce maudit volcan. Je me revois aux Torres del Paine, en Patagonie chilienne. Nous commençons malgré tout notre marche. Les premiers mètres se font à la lampe torche et nous nous égarons un peu dans la pénombre ! Je regrette d’avoir trop chargé mon sac-à-dos. J’avance avec peine. Le vent me défie à chaque pas que je réalise. Nous finissons vite épuisés. Après 2h30 de marche, alors que nous atteignons le but, le vent souffle avec violence, à tel point que nous devons nous accroupir pour ne pas être éjectés. Malgré le but proche, continuellement poussés en sens contraire, nous ralentissons notre progression par trois ! Les derniers kilomètres étant sur une arête, le vide, présent de chaque côté, nous oblige à regret à faire demi-tour !
Le retour est rapide et pour combler notre frustration, nous décidons de visiter les thermes de San Juan. De retour au croisement de la mine, nous attendons le passage d’un bus. Le premier, soit-disant plein, refuse de nous laisser monter. Quelques minutes plus tard, une voiture accepte de nous prendre en auto-stop. C’est amusant de passer pour des aventuriers. Notre chauffeur se montre particulièrement fasciné par notre voyage et ne cache pas son envie lorsqu’il s’aperçoit que nous avançons sans réel plan et comptons sur la chance pour qu’un transport accepte de nous emmener à la destination escomptée. Nous finissons par une séance photos souvenirs pour la famille de Juan-Carlos. Finalement, bien heureux que le bus n’ait pas voulu de nous.
Arrivés aux thermes de San Juan, nous sommes accueillis par les gardes du parc qui nous avertissent de la situation actuelle. Il existe actuellement un conflit entre le gouvernement et les indigènes de ce territoire qui souhaitent récupérer la gestion des thermes. Le site est à-priori fermé dans l’attente d’un accord entre les deux parties. Nous sommes malgré tout autorisés à passer. Nous promettons d’être rapides mais c’est sans compter sur la beauté du site. Les bassins de soufre sont d’une merveille sans précédent ! L’eau limpide contraste avec les couleurs d’automne de la végétation qui vont d’un jaune pastel, à un vert sombre en passant par une déclinaison d’oranges et de marrons. Des passerelles en bois nous permettent de passer d’un bassin à l’autre et s’intègrent parfaitement dans l’ambiance mystique du paysage. Des odeurs de soufre se dégagent de temps à autre… ma foi, pas ce qu’il y a de plus agréable ! L’activité volcanique n’est pas loin. Certains bassins bouillonnent par l’effet du soufre. Encore une curiosité de la nature que j’observe avec frénésie et que je photographie accroupie, couchée, penchée pendant plus de deux heures. Nous tardons tellement que le gardien, inquiet, finit par venir à notre recherche. Il se fait tard de toute façon et nous voulons absolument rejoindre Popayan dans le but de prendre un bus pour Cali, à mi-chemin entre Popayan et Salento, notre étape pour Noël. Nous sommes le 23 décembre, le dernier bus est censé passer à 16h30, il est 16h pile.
Chantons Noël entre Puracé et Popayan
Un premier bus s’offre à nous et accepte de nous prendre. L’ambiance est festive et joyeuse. La salsa donne à plein tube. Il fait une chaleur caribéenne et impossible d’ouvrir les fenêtres. Nous sommes immédiatement mis dans l’ambiance. A croire qu’il ne manquait plus que les gringos pour compléter la fête. Dans le couloir de bus, certains se dandinent au rythme de la salsa. Nous nous prêtons au jeu en chantant des refrains de Noël de nos pays respectifs et des photos souvenir. Cette agitation retombe comme un soufflet alors qu’une bonne majorité sombre dans une sieste évangélique ! Je réponds aux questions habituelles de mes voisins de siège : d’où je viens, depuis combien de temps je voyage… Les conversations sont agréables mais je finis par sentir l’ascension du volcan et lutte contre l’assoupissement.
A suivre…
Bonnes adresses :
Popayan
Mora Castilla ou comment découvrir une cuisine locale et raffinée dans un cadre sympathique (Calle 2#4-44).
San Agustin
Hostal El Bambu (Carrera 13 No 6-78)
Café le Péché mignon
Restaurant El Faro à côté de El Bambu